Si la création d’entreprise est une démarche assez naturelle dans de nombreux pays africains, les porteurs de projets ne trouvent pas toujours un ensemble de structures pour accompagner leurs premiers pas.

Les entreprises africaines de la tech ont le vent en poupe. En 2022, les start-up du continent ont vu les fonds reçus des investisseurs croître de 8% par rapport à l’année 2021, à 6,5 milliards de dollars, selon le rapport PartechAfrica Tech Venture Capital 2022. Mais, comme dans les autres domaines, la situation est très contrastée d’un pays à l’autre. Ce chiffre global cache de fortes disparités. Quatre pays – dont trois anglophones – (Nigeria, Afrique du Sud, Égypte et Kenya) ont capté 72% des investissements.

« En Afrique de l’Ouest, l’écosystème d’accompagnement des start-up est peu structuré », regrette Nicolas Fouillant, fondateur de NF Consulting, qui accompagne les acteurs publics à la structuration de réseaux d’incubateurs de start-up, en particulier au Togo et au Bénin. La logique d’écosystème est encore peu développée et les structures d’accompagnement, principalement des réseaux privés, ont tendance à se concurrencer plutôt qu’à se serrer les coudes.

L’autre problématique majeure est celle des compétences, souligne Nicolas Fouillant. Les réseaux d’accompagnement de start-up doivent encore largement se professionnaliser en recrutant des spécialistes de la création de structures innovantes et en formant des coachs, note-t-il. Le Maghreb, Maroc et Tunisie en tête, est d’ailleurs un « exportateur » d’ingénieurs et d’experts du numérique grâce à son haut niveau de formation et à son écosystème tech dynamique, organisé autour de véritables clusters.

Les initiatives ne manquent pas, loin de là. Au Togo, Fulgence Amani, cofondateur de la Lomé Business School, a créé il y a trois ans Kréacity, une structure d’accompagnement à la création d’entreprises dans les domaines de l’agrotech, de la formation et du numérique en général. Le tout au service de l’économie locale. « Nous orientons les projets de création vers les besoins locaux. Plutôt que de soutenir des idées “Waouh”, nous faisons émerger des projets qui collent aux besoins de la population et de l’économie locales », explique-t-il, rejoignant en cela les choix d’Orange (lire ci-contre). 

« Kréacity intervient sur le long terme, nous accompagnons les futurs créateurs du stade de l’idéation au financement par des acteurs locaux en passant par la maturation du business plan, les POC ou le pitch du projet », poursuit Fulgence Amani. Les futurs créateurs travaillent en groupes de projet de 3 à 5 personnes, afin d’associer des étudiants avec des porteurs de projets qui n’ont pas forcément suivi une scolarité poussée. À l’arrivée, des entreprises de distribution locale d’énergie solaire (à l’échelle d’un village ou d’un quartier, par exemple) ou de fabrication de charbon à base de noix de coco ont vu le jour au sein de Kréacity.

« Nous favorisons aussi les petits projets à impact local car ils sont plus faciles à financer. Le ticket d’entrée et peu élevé et peut être par exemple pris en charge par la communauté de la diaspora en Europe », complète le fondateur de Kréacity. L’un des enjeux majeurs des jeunes entreprises innovantes africaines est effectivement de se procurer des fonds. « Le financement des entreprises africaines de la tech demeure un défi majeur », estimait Ismaël Cissé, CEO et fondateur de la banque d’affaires ivoirienne Sirius Capital, dans une tribune publiée dans Jeune Afrique en mai dernier.

« La création de fonds d’investissement spécialisés constituerait un tournant décisif. (...) Le soutien et la promotion de mécanismes de financement alternatifs, tels que le financement participatif (crowdfunding), le prêt participatif (crowdlending) et l’equity crowdfunding, sont essentiels. Ces options flexibles pourraient s’avérer être une bouée de sauvetage pour les jeunes pousses en quête de capitaux », argumente-t-il en faveur des fintechs africaines. Mais la problématique est valable pour l’ensemble des start-up.

La France a bien tenté d’apporter sa pierre à la construction d’un écosystème tech en Afrique francophone. En mai 2018, lors du salon Viva Technology à Paris, Emmanuel Macron apporte son franc soutien à l'initiative Digital Africa en annonçant une dotation de l’État français de 65 millions d'euros. Cette structure de soutien à l’entrepreneuriat innovant en Afrique regroupe des acteurs de l’écosystème de la tech – incubateurs, clusters techs, venture capitalists, institutions financières – autour de l’Agence française de développement (AFD). Las, la structure manque d’exploser en plein vol en 2021 alors que tous les Africains quittent le directoire, critiquant le pilotage très dirigiste de l’AFD. Ou comment ce qui devait être un outil du renouveau du soft power hexagonal est devenu une forme de Françafrique 2.0, critiquent certains.

Trois questions à Elizabeth Tchoungui directrice exécutive en charge de la responsabilité sociétale d’entreprise du Groupe Orange.

Pourquoi Orange accompagne les start-up africaines ?

Le Groupe Orange veut participer à la croissance économique du continent. C’est un enjeu majeur, lié à la démographie : 60% de la population à moins de 25 ans. Nous tenons à accompagner cette jeunesse par l’emploi et par la formation. Tous les projets que nous accompagnons, dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des agrotechs, répondent à des besoins concrets des Africains.

Comment se concrétise cet accompagnement ?

Nous essayons d’agir dans un continuum, de soutenir la création d’entreprises aussi bien au stade du projet, des premiers pas jusqu’à l’émergence de licornes. Nous avons créé en 2020 les Orange Digital Centers, catalyseurs d’innovation qui regroupent en un même lieu une école du code, un fablab, l’accélérateur de start-up Orange Fab et un accès à notre fonds d’investissements Orange Ventures. Nous soutenons aussi ces jeunes entreprises par les Prix Orange de l’entrepreneur social en Afrique et au Moyen-Orient (POESAM) dont la 13e édition s’est tenue en octobre à Kigali ou via le Orange Summer Challenge. Ces initiatives leur permettent de bénéficier d’un accompagnement financier et opérationnel, mais aussi de visibilité.

Orange s’intéresse tout particulièrement aux femmes entrepreneuses...

Nous portons une grande attention aux start-up portées par les femmes car elles ont généralement moins accès aux financements. Or la culture entrepreneuriale est très forte chez les femmes africaines. L’Afrique est le continent où la part des femmes créatrices d’entreprises est la plus élevée : 24% des entreprises créées le sont par des femmes, contre 12% aux États-Unis. Le terreau est là, il suffit de le cultiver.