Les personnes handicapées sont-elles des travailleurs et des managers comme les autres ? Si les stéréotypes reculent, l’insertion en entreprise est vécue comme plus difficile.

Comment sont perçues par la société les quelque 900 000 à 3,3 millions de personnes âgées de 15 à 60 ans et en situation de handicap ? Comment évolue ce regard depuis dix ans ? Divulgué en mars (1), un sondage de l’institut Odoxa réalisé avec le soutien de l’ARPP, apporte des réponses détaillées sur la situation en France et dans quatre autres pays (Espagne, Italie, Royaume-Uni et Suède). Globalement, les sondés ont une perception négative des personnes handicapées et cela a peu évolué depuis une décennie. Les trois quarts des Français (76 %) estiment que les personnes en situation de handicap sont ainsi une charge lourde pour leur famille, et 21 % qu’elles ne sont pas « sexy ». Surtout, plus de la moitié (52 %) pensent qu’elles sont difficiles à intégrer dans une entreprise. Et cela s’est aggravé de 8 points en dix ans.

Les entreprises s’impliquent-elles suffisamment pour faire reculer les discriminations envers cette population ? En dix ans, le pourcentage de personnes interrogées répondant par l’affirmative a progressé de 11 points mais il reste largement minoritaire puisque 37 % seulement sont de cet avis. « Il y a encore deux tiers des Français qui estiment que ce n’est pas le cas », souligne Erwan Lestrohan, directeur conseil chez Odoxa.

Dans la sphère professionnelle, les personnes en situation de handicap ne sont pourtant plus ostracisées. Mieux : 88 % des sondés estiment qu’elles sont aussi performantes que les autres salariés. La perception est globalement positive et en progression (+12 points en dix ans). Les stéréotypes de genre ne semblent pas affecter les femmes handicapées puisque plus de 9 Français sur 10 (91 %) considèrent qu’elles ont autant de compétences que les hommes pour diriger une entreprise. En revanche, lorsque sont évoqués les postes à responsabilité, les perceptions négatives se font plus fortes. Les sondés estiment que les personnes handicapées rencontreront des difficultés pour les occuper (79 % pour les femmes handicapées et 76 % pour les hommes handicapés).

Autre point qui interpelle : plus de la moitié des sondés (52 %) considèrent que les personnes ayant un handicap sont difficiles à intégrer dans une entreprise, soit 8 points de plus qu’en 2014 où cette opinion était encore minoritaire (44 %). Pour Erwan Lestrohan, un « double mécanisme » est à l’œuvre : « Les travailleurs handicapés sont considérés comme performants mais dès qu’il est question de postes à responsabilités, d’accès à un pouvoir décisionnel, les opinions se font plus critiques. »

Et la publicité, leur accorde-t-elle une place suffisante ? Près de 7 sondés sur 10 (69 %) répondent par la négative. Le secteur est face à un enjeu clef, estime Erwan Lestrohan : « Une étude de Kantar réalisée en 2022 précise que le handicap est présent dans moins de 1 % des créations publicitaires or on sait combien la plus grande visibilité du handicap peut produire des mécanismes positifs et contribuer à déconstruire certains stéréotypes. » Le secteur va-t-il saisir cette opportunité ? Il part en tout cas de très bas.