Transports en communs saturés, interdictions de circulation dans Paris, impact sur l’activité… Des perturbations majeures du travail sont attendues en Île-de-France pendant les JO. Pour y faire face, les entreprises doivent anticiper et mettre en place des solutions adaptées.

Télétravail à 100 %, incitation aux congés payés, mise en valeur des déplacements via des modes de transport alternatifs…? Quels seront les moyens privilégiés par les entreprises pour faire face aux restrictions de circulation ou à l’afflux de visiteurs du 26 juillet au 11 août, pendant les JO ? Une grande fête du sport, certes, mais qui aura un impact énorme sur l’organisation du travail pour de nombreuses entreprises franciliennes. À Paris, la circulation motorisée sera interdite sur l’ensemble des abords de la Seine ; des stations de métro et de tram seront inaccessibles, les autorités recommandent d’éviter neuf lignes de métro, deux de tramway, ainsi que les RER B, C et D… Et selon la CPME, ce sont pas moins de 15,3 millions de visiteurs cumulés qui sont attendus en Île-de-France pendant les Jeux olympiques et paralympiques.

« 600 000 entreprises franciliennes vont être impactées de près ou de loin, que ce soit des problèmes de circulation, d’absentéisme ou de sécurité », avance Marc Landré, associé du cabinet de conseil en stratégie et management Sia Partners, qui a développé une offre pour accompagner les sociétés concernées. Et, manifestement, la plupart d’entre elles ne se sont pas encore vraiment préparées aux conséquences négatives des Jeux. « Elles n’ont pas du tout anticipé les risques qu’elles couraient », constate-t-il. « À l’exception des partenaires de Paris 2024, les entreprises commencent à peine à s’y intéresser », confirme Henri Guyot, associé du cabinet Aerige, spécialisé en ressources humaines.

« Le meilleur moyen de ne pas subir, c’est d’anticiper », rappelle Marc Landré. « Il n’est pas encore trop tard pour s’organiser, mais plus vous vous y prenez tard, plus les risques et les coûts seront élevés », alerte-t-il. Le gouvernement a mis en place récemment un site web, Anticiperlesjeux.gouv.fr, qui regroupe les informations pratiques et permet aux entreprises de réaliser un plan d’action personnalisé en quelques clics.

Pour les insouciantes qui n’ont pas encore prévu l’impact des Jeux, quelles sont les priorités ? « Le point le plus urgent sur le plan opérationnel concerne les congés payés. Mes salariés ont-ils posé leurs congés ? Quels sont mes effectifs ? Sont-ils suffisants ? », répond Henri Guyot. Il est évidemment indispensable d’associer le comité social et économique (CSE) ou les partenaires sociaux qui peuvent aider la direction à identifier des zones de tension non décelées et de partager ces enjeux par les salariés.

L’échéance permettant à l’entreprise d’imposer les dates de congés étant dépassée, la direction devra avoir recours à l’incitation. « On peut imaginer une bonification de congés pour ceux qui acceptent de travailler pendant les Jeux », indique Henri Guyot.

Pour les salariés au bureau, « la question prioritaire est : peut-on télétravailler ? », souligne Marc Landré. « Dans la plupart des cas, c’est possible puisque 60 % des entreprises parisiennes sont dans le secteur des services marchands », rappelle-t-il. « L’enjeu est clairement d’y inciter », confirme Henri Guyot. « Pour les salariés qui ne peuvent télétravailler, les entreprises doivent alors mettre en place un plan de transport de crise », qui prévoit notamment le recours à des modes de transport alternatifs, souligne-t-il. Là encore, il faut privilégier les mesures incitatives : primes pour les salariés « indispensables » ou à l’achat d’un vélo en mobilisant la prime de partage de la valeur ou le forfait mobilité durable.

Charte télétravail

Cision, entreprise de veille médias basée à Saint-Denis, face au Stade de France, fait partie des nombreuses organisations qui seront directement impactées. « Pour ne pas entraver notre activité, nous avons adopté le principe du télétravail à 100 % pendant la période des Jeux olympiques », indique Fatimata Ndiaye, la DRH. « Nous sommes une entreprise plutôt souple sur ces questions, cela a donc été assez simple à mettre en place », poursuit-elle. Depuis le covid, l’entreprise a adopté une charte télétravail dans laquelle le travail à distance domine (trois jours par semaine). Une charte qui prévoit, en outre, que les salariés puissent télétravailler hors de leur domicile six semaines dans l’année. « Si nous n’avions pas prôné le télétravail pendant les Jeux, les salariés auraient de toute façon pu s’organiser assez facilement en utilisant cette disposition », souligne Fatimata Ndiaye.

Quand le télétravail n’est pas adapté, il faut faire preuve de plus d’imagination. De grandes entreprises avaient envisagé de réserver un lieu pour délocaliser leur site parisien pendant la durée complète des Jeux, révèle Benjamin Abittan, directeur général délégué de Châteauform’, spécialisé dans la location de lieux professionnels. Si l’option n’a finalement pas été retenue, plusieurs d’entre elles ont loué un lieu en formule séminaire avec hébergement sur place pendant plusieurs jours afin de permettre à leurs équipes en télétravail de se retrouver pour recréer du lien.

Mais les directions et les DRH doivent aussi profiter des Jeux pour faire vivre un moment unique et festif à leurs salariés. « L’adaptation ne peut passer uniquement par la contrainte et l’autorité, il est indispensable de faire adhérer les salariés à l’esprit des Jeux », avance Henri Guyot. Un avis que partage Marc Landré : « C’est une occasion unique pour fédérer le collectif autour d’un événement planétaire. Mais attention, là aussi, cela demande un peu d’anticipation ! »

Trois questions à Audrey Richard, présidente de l’Association nationale des DRH (ANDRH)

Les entreprises franciliennes sont-elles prêtes pour aborder sereinement les complications liées aux JO ?

Vous m’auriez posé la question il y a quelques semaines, la réponse aurait été non. Mais nous avons beaucoup communiqué sur ce sujet depuis le début de l’année et l’arrivée de la flamme olympique a contribué à faire prendre conscience aux dirigeants de l’imminence de l’événement.

Quelles sont les priorités aujourd’hui ?

Pour les entreprises qui ne l’auraient pas encore fait, il faut absolument qu’elles se penchent sur l’organisation du travail au sens large pendant la période des Jeux. Elles doivent notamment se poser la question de l’incitation à prendre des congés, à accroître le télétravail ou celle d’assouplir les horaires de présence. Si l’entreprise a plusieurs sites, la direction doit aussi étudier la possibilité d’autoriser et d’organiser le fait de pouvoir travailler sur un site moins impacté par les JO. Évidemment, toutes ces réflexions doivent être menées avec les partenaires sociaux.

Est-il trop tard pour s’adapter ?

Il n’est pas trop tard, mais il faut vraiment prendre les choses en main maintenant ! Les incertitudes peuvent être anxiogènes ; les salariés s’interrogent beaucoup, ils attendent de la visibilité. Une fois que l’on a réglé ces questions prioritaires, la DRH peut aborder la thématique sportive. Les Jeux olympiques sont un grand moment de réjouissance, il serait dommage de ne pas en profiter pour valoriser les bienfaits de la pratique sportive, de l’insertion par le sport, ou comme moyen différent de trouver des compétences…