Image de marque
Le scandale qui frappe le groupe automobile allemand, accusé d'équiper ses voitures d'un logiciel qui déjouait les tests antipollution, met en danger ses marques positionnées sur le créneau du véhicule propre.

Petit logiciel, énormes conséquences! En dissimulant dans ses véhicules de marque Volkswagen et Audi au cours des années 2009 à 2015 un petit logiciel capable de déjouer les tests antipollution, le groupe automobile allemand a joué très gros... et est en train de perdre. Selon les autorités américaines, l'affaire concernerait 482 000 véhicules diesel vendus aux États-Unis.

Les conséquences pour l'entreprise sont catastrophiques. Volkswagen devra rappeler à ses propres frais l'ensemble de ces véhicules vendus depuis 2008 : des Golf, des Audi A3, Passat et autres Beetle. Un coût gigantesque pour la marque automobile.

A cela va s'ajouter une amende probablement record puisqu'elle pourrait se monter à 18 milliards de dollars (au maximum). L’action Volkswagen a terminé la séance de lundi 21 septembre en baisse de 18,6% à la Bourse de Francfort. Au cours de l'action, cela correspond donc une chute de la valorisation boursière du groupe de 14 milliards d’euros.

Image de tricheur

Pour la marque, la sortie de route n'est pas loin non plus. Habituée à se positionner sur le créneau des voitures propres, elle va avoir du mal à se départir de cette image de tricheur. Son petit logiciel parvenait à limiter les gaz polluants, juste le temps du contrôle. «Ces voitures répondent ainsi aux normes d’émission en laboratoire ou durant les tests, mais émettent en situation réelle jusqu’à 40 fois plus d’oxydes d’azote que la norme», explique l’EPA, l'agence environnementale américaine.

«Utiliser un appareil pour échapper aux règles visant à garantir un air propre est illégal et constitue une menace pour la santé publique», souligne Cynthia Giles, l'une des responsables de l'EPA, citée dans le communiqué de l'agence, parlant d'actes «très graves».

Cette image de constructeur de «fausses voitures vertes» risque de coller pendant un moment à l'industriel allemand. A noter que l'affaire sort deux mois à peine après que Volkswagen a détrôné Toyota en devenant le premier constructeur mondial au premier semestre avec 5,04 millions de véhicules écoulés. Une mauvais «timing» aussi à deux mois de la COP21, conférence sur les changements climatiques, organisée par les Nations Unies du 30 novembre au 11 décembre. 

La pire des gestions de crise

Face à la tourmente médiatico-judiciaire, le groupe tente de faire front. Dès dimanche 20 septembre, le PDG de Volkswagen Martin Winterkorn déclarait: «Nous avons reconnu les faits devant les autorités. Les accusations sont justifiées. Nous collaborons activement  [...] pour établir les faits rapidement et de façon transparente». Un mea culpa indispensable. «Mais Volkswagen avait-il un autre choix?», remarque Georges Peillon, consultant en gestion de crise.

Sans compter que la spirale ne fait que commencer. Après les Etats-Unis, l'Allemagne et la Corée du Sud, le ministre des Finances français Michel Sapin réclame à son tour des contrôles «au niveau européen» sur tous les constructeurs. «On se situe là dans la pire des situations. Il ne s'agit pas d'un problème mécanique ou d'une erreur de gestion, mais bien d'une fraude, d'une tricherie, et sur un sujet sensible en ce moment, la protection de l'environnement», constate Cyrille Arcamone, associé de l'agence corporate Maarc et expert en communication de crise. «Le discrédit est d'autant plus fort qu'il s'agit d'une marque mondiale touchant toutes les catégories de la population compte tenu de l'étendue de sa gamme», ajoute-t-il. 

Du côté de la filiale française, c'est un silence radio gêné. «Nous n'avons pas d'information à notre niveau. Nous sommes dans l'attente d'éléments de l'Allemagne», indique-t-on chez le constructeur avant de renvoyer sur le communiqué diffusé sur le site corporate du groupe. Devant un tel scandale, seule l'implication d'autres constructeurs, comme cela semble se préciser, pourrait amortir le choc pour Volkswagen. La gestion de la crise changerait alors de nature en devenant plus collective via les associations de constructeurs. 

Comment restaurer la confiance

Mais sur le fond, cela ne résoudra pas le problème pour le numéro un mondial, en termes d'image et de réputation. En l'espèce, les experts en gestion de crise s'accordent sur la nécessité de prendre des mesures élémentaires et incontournables, comme le rappelle Cyrille Arcamone: «Faire d'abord amende honorable, enquêter en interne et désigner les fautifs (et au vu de la fraude, cela risque fort de monter haut dans la hiérarchie), puis mettre rapidement des dispositifs pour éviter de telles dérives. Bref, il faut démontrer que l'on prend la mesure de la faute avec des actions fortes et pas seulement contraints par la justice.».

Mais la vraie difficulté sera de restaurer la confiance. «Les consommateurs vont se dire à juste titre: s'ils nous mentent sur la performance environnementale de leurs véhicules, ils peuvent nous mentir sur leurs autres performances. En communication, la pire des choses est la manipulation», avance Cyrille Arcamone, qui souligne que le grand défi de Volkswagen sera de mener une communication de reconstrution à la hauteur de sa communication commerciale, souvent vantée pour sa qualité.

En attendant, le premier front pour la marque se place sur le terrain et notamment dans les concessions où, dès ce week-end, les vendeurs vont immanquablement être soumis aux questions des clients et visiteurs. A ce sujet, rien ne semble encore prévu dans les points de vente de l'Hexagone. 

«Ces voitures répondent ainsi aux normes d’émission en laboratoire ou durant les tests, mais émettent en situation réelle jusqu’à 40 fois plus d’oxydes d’azote que la norme» explique l’EPA.
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