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S'il reste une arme de séduction massivement utilisée par les publicitaires, l'humour reste à utiliser avec précaution. Au grand dam des créatifs, certains sujets se prêtent encore peu à la blague.

En pleine nuit, un homme se réveille, court comme un dératé vers son frigo en hurlant : « Du Boursin, du Boursin », une bonne vingtaine de fois… Nous sommes le 1er octobre 1968, et le tout premier spot de la télévision française lance la carrière du fromage frais. Depuis, le rire est devenu l'une des ficelles les plus massivement utilisées par les publicitaires.

Le planneur stratégique Patrice Duchemin note même un regain de « happy thérapie » : «Plus le temps est morose à l'extérieur, plus on rigole dans la pub. » Il n'est qu'à observer les palmarès créatifs : plus des deux tiers des prix se situent dans le registre de l'humour. Ce qui prouverait que ce dernier séduit a minima les jurés. Et les autres ?

Depuis plus de trente-cinq ans, chercheurs et spécialistes tentent de mesurer l'impact de l'humour sur les individus. Dans un chapitre dédié à l'efficacité dans l'ouvrage Publicité et psychologie (éd. In Press), Nathalie Blanc et Cédric Daudon admettent qu'il est bien difficile de cerner les effets réels de l'humour sur la mémorisation et les intentions d'achat, en clair sur l'efficacité.

L'institut TNS Sofres se montre plus catégorique : « L'humour ne permet pas à lui seul de renforcer la notoriété de la marque ou les intentions d'achat », explique Pierre Gomy, directeur du développement, qui se fonde sur la base de données Ad Effect. Laquelle analyse 800 campagnes datant de moins de cinq ans, en distinguant les exécutions qui incluent une composante humoristique intentionnelle et les autres (voir le tableau ci-dessous). Verdict : «L'humour en publicité permet de renforcer le souvenir publicitaire (mémorisation et reconnaissance) mais reste sans effets sur l'agrément et surtout sur les indicateurs de santé des marques. »

Un faible accélérateur de ventes

En revanche, tempère TNS Sofres, « les sagas publicitaires maximisent l'efficacité de la publicité. Donc, l'humour, s'il est utilisé, doit s'intégrer dans une stratégie de communication à long terme, et non de manière isolée et opportuniste.»

Rigoler, oui, mais si cela répond à un vrai objectif pour la marque, renchérit Yves Siméon, de Reload : « L'humour doit être réglé en fonction de l'objectif de la marque, ce doit être un élément stratégique en amont et non une simple ficelle décidée faute de mieux par les créatifs… » En revanche, pour lancer un produit ou faire passer une innovation, « l'humour reste un faible accélérateur de ventes, voire nuit à la mémorisation publicitaire du produit », affirme Yves Siméon.

Si l'on en croit les créatifs, l'humour sert à faire passer à peu près tout, y compris des sujets sérieux, difficiles ou « barbants ». « Rien de tel pour dédramatiser les sujets anxiogènes », avance Alexandre Hervé, le directeur de création de DDB Paris, qui a orchestré en ce sens la dernière campagne Allianz. Idem pour Cetelem et son « Bingo Crédit » (TBWA Paris), une caricature pour promouvoir le sérieux de son offre.

Mais l'humour a ses limites, certains sujets se prêtant visiblement mal à la rigolade : l'environnement, la nutrition, les émissions de CO2, et tout ce qui touche au développement durable (lire Stratégies n°1562, p. 30). Faut rigoler, chantait pourtant Henri Salvador. En période difficile, ce sage précepte deviendrait presque une mission d'intérêt général.

 

(encadré)

 

L'impact de l'humour dans la publicité
   Pas d'humour  Humour
Agrément publicitaire  75,15  73,24
Score de Reconnaissance global  54,59  61,26
Score prouvé  9,94  11,81
Souvenir pub spontané sur le média  13,63  29,35
Différentiel notoriété globale de la marque/ produit  3,81  4,31
Différentiel notoriété spontanée du produit/ marque  2,35  1,42
Différentiel Achèterais la marque - sur liste de marque  3,70  3,23
Source : TNS Sofres
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