Dernier volet de la série sur la stratégie de marque des grandes villes française, une ville, une marque .

La capitale française porte en elle un imaginaire irréductible à un slogan territorial. Ce qui n'empêche pas la municipalité, à travers l'exploitation de produits dérivés de ses multiples marques, de vouloir valoriser l'image de la ville et ses réalisations

 

Paris ville monde. Paris capitale. Paris... ses monuments, ses musées, son patrimoine architectural. «Paris, première destination touristique avec 29 millions de visiteurs annuels et plus de 2,2 millions de fans sur Facebook, véhicule un tel imaginaire qu'elle ne peut se réduire à un slogan publicitaire souligne Lionel Bordeaux, directeur adjoint de la communication à la mairie. Pour autant, si le maire Bertrand Delanoë (PS) n'a pas voulu de signature pour Paris, il a, en revanche, attaché une très grande importance à la protection de la marque symbolique.»

En mai prochain - les élections municipales seront en mars -, les Parisiens pourront ainsi bénéficier d'une adresse «.paris » gérée par le service juridique de la ville qui a planché sur ce sujet pendant trois ans.

«Paris possède 300 marques déposées auprès de l'Institut national de la propriété industrielle, poursuit Lionel Bordeaux. De cette volonté au départ défensive de protéger notre patrimoine immatériel a émergé l'idée d'en faire la promotion via la vente de produits dérivés dans une dynamique vertueuse.»
En janvier 2013, la direction de l'information et de la communication de la mairie a inauguré un département «marketing et communication des marques» inédit en France pour une collectivité locale. «A l'instar de métropoles internationales, il s'agit de faire rayonner Paris en France et à l'étranger, mais aussi de créer des revenus additionnels pour la municipalité, développer de l'affectivité autour des marques, tout en assurant la promotion de jeunes artistes et entreprises parisiennes et donc de contribuer à l'emploi», détaille Gildas Robert son responsable.

Un site marchand sera lancé en novembre, suivi en 2014 d'une boutique, 29 rue de Rivoli, lieu de rendez-vous et d'information qui va être réaménagé. Le site commercialisera les produits sous licence de la mairie de Paris (à l'instar de Vélib) et de ses sociétés d'économie mixte (les musées de la ville, Eau de Paris, le pavillon de l'Arsenal...).

Dépasser les dogmes

En optant pour le licensing, c'est-à-dire le lancement de produits sous licence financés par des partenaires privés, Gildas Robert, défend les bases d'un «marketing public opérationnel» qui appelle à «dépasser les dogmes et accepter, dit-il, que la communication institutionnelle devienne aussi sous certains aspects une communication commerciale». Pragmatique, notre rénovateur souligne que «l'avantage du licensing réside dans le fait que seule l'entreprise spécialisée qui se voit confier la licence assume les risques financiers quand l'institution, elle, perçoit des royalties».

Le Velib', nom des vélos parisiens en libre-service, lancés en 2007 avec JCDecaux, est la première marque de la ville à profiter du développement de produits dérivés représentatifs du style de vie parisien. Il faut dire que Vélib' est un succès: c'est le plus important service de ce type au monde avec 1 700 stations, 20 000 vélos, 1,6 vélo loué chaque seconde, 250 000 abonnés et 2 millions d'usagers touristes.

Outre une dizaine de produits souvenirs, joliment illustrés par Aurélie Castex et Claire Laude (studio Mesdemoiselles) lancés début juin (carnets, stylos, cabas, mug, parapluie, coque Iphone, mais aussi sérigraphies d'artistes), la mairie a confié aux éditions du Chêne la publication d'un guide de balades «Paris à Velib'» en français et en anglais réalisé à partir du blog Vélib'& moi, ouvert par Gildas Robert en 2008.

Cet ouvrage touristique, qui privilégie les parcours utilisant les 700 km d'aménagements cyclables de la ville et met en avant les musées municipaux, est aussi un outil de communication pour le maire, qui valorise sa politique de la ville en faveur du vélo et de la culture. Autres projets: la déclinaison de Paris Film (c'est ici que l'offre cinéma est la plus riche au monde), une collection de livres «Raconte moi Paris» pour enfants, et une réflexion sur la marque Paris Campus pour valoriser l'offre universitaire et la recherche.

Paris, c'est donc une ville et des marques déposées et protégées pouvant être exploitées - selon leur potentiel marchand - pour valoriser l'image de la cité, les équipements municipaux et les réalisations de son maire. A l'instar de Paris-Plages ou Nuit blanche (inventés à Paris), les expositions de l'Hôtel de ville gratuites, et dernièrement les berges de Seine et la place de la République, deux réaménagements de l'espace public valorisant la piétonisation et les activités de loisirs, inaugurés en juin dernier.

Les Berges, rive gauche, redonnent accès au fleuve sur 2,3 km entre le musée d'Orsay et le pont de l'Alma, où circulaient jusqu'à 2 000 véhicules par heure (le gouvernement Fillon avait gelé ce projet, d'où son décalage d'un an avec le boulevard urbain, rive droite, qui a remplacé la voie express en 2012); la place de la République autour de la statue de Marianne, est désormais une esplanade de plus de 2 hectares avec café et ludothèque. Ces aménagements constituent à la fois une vitrine de la ville et un élément privilégié du paysage urbain et feront l'objet de licences.

Eric Zajdermann, président de l'agence Anatome, qui a accompagné ces deux projets et créé l'identité «Les berges» insiste sur le fait que «la communication d'une ville doit être rattachée au projet politique et à la vision structurante du territoire qu'en a le maire». «Il s'agit donc d'articuler la vision politique de la ville à sa vision iconique», ajoute-t-il.

Gestes architecturaux forts

Depuis son élection en 2001 et après un second mandat qui s'achèvera en 2014, Bertrand Delanoé a défendu un projet urbain privilégiant les transports doux à la voiture, avec les couloirs de bus, le tramway, Velib', Autolib', la piétonisation et les espaces de rencontres. «Paris valorise son patrimoine mais veut contribuer à l'émergence de paysages urbains du XXIe siècle en soutenant des gestes architecturaux forts», complète Astrid Graindorge, responsable du département information dans la ville.

Dix pour cent du territoire sont en cours de mutation soit 70 opérations d'aménagements, dont le plus vaste, Paris Nord-Est, qui s'étend sur 200 hectares et comprend notamment la reconversion des entrepôts Macdonald en quartier mixte; Paris Rive gauche avec la couverture des voies de la gare Austerlitz et la création de la Cité de la mode et du design; ou encore la Canopée des Halles. «Paris va atteindre son objectif de 20% de logements sociaux et soutient l'économie sociale et solidaire mais aussi les start-up avec 100 000 m2 de pépinières d'entreprises et la création du site mystartup.paris.fr», poursuit-elle.

«Paris n'a pas de problème d'attractivité, mais son image de ville éternelle pouvait rendre moins urgent sa visite, reconnaît Paul Roll, directeur de l'office du tourisme. Depuis 2006, les rénovations s'enchaînent et je ne vends pas du tourisme mais de l'urbanisme, de la vie dans la ville, et les manifestations culturelles, les nouveaux musées comme Picasso inauguré en décembre 2013.» La Tour Eiffel, le Louvre et Disneyland restent des valeurs sûres! «Paris est une ville qui bouge, qui respecte son passé tout en étant soucieuse de modernité et d'environnement, estime Paul Roll. En valeur de symbole, c'est Vélib' qui témoigne de ce tournant, ce moment où la ville s'est interrogée sur son projet de vie urbaine.»

Si l'office du tourisme considère à son tour que Paris ne peut pas être «marketé», à l'agence de développement économique qui a «mission de prospecter et d'aider à l'implantation des entreprises étrangères (61 en 2012)», Karine Bidart, sa directrice générale, indique que «dans les salons, notamment immobiliers, on s'appuie sur le slogan "ParIsBusiness"». A cet égard, le réseau de transport (Aéroport Roissy, TGV), les 12 millions de Franciliens, les parcs d'exposition et congrés d'Ile-de-France qui cumulent 610 000 m2 de surface utile, constituent un atout majeur. Sans compter les salons à l'instar du Mondial de l'auto qui attire près de 1,5 million de visiteurs.

Gestion de la relation citoyen

Autre enjeu de communication pour la mairie: la création de services au plus près des attentes des Parisiens. Ainsi ont été lancés, récemment, le city guide d'Ile-de-France sortiraparis.com et le projet Paris Connect, dont l'ambition est de fournir aux usagers une information personnalisée sous forme de newsletter ou d'alerte après qu'ils ont renseigné leurs centres d'intérêt. Pour le directeur adjoint de la communication, Lionel Bordeaux, qui a créé le département Paris numérique avant de rejoindre François Hollande, en 2012, comme rédacteur en chef Web de sa campagne,

«ce marketing d'intérêt général qui s'apparente à de la gestion de la relation citoyen est naissant». De là à parler fidélisation et préférence de marque, le communicant public s'y refuse. Et pourtant...

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