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Fire Chat, application mobile qui permet de communiquer sans passer par les réseaux mobiles traditionnels, a été propulsée grâce aux manifestations de Hongkong, en septembre. Mais ses concepteurs entendent monétiser leur service, au potentiel énorme. Entretien avec son cofondateur, le Français Micha Benoliel, 42 ans.

Quelle était l'idée initiale de Fire Chat, que vous avez lancé en mars 2014?

 

Micha Benoliel. Lorsque j'ai lancé Open Garden à San Francisco en 2011 avec mes deux cofondateurs, Stanislav Shalunov et Greg Ahzel, on est partis de l'idée que chacun aurait bientôt un smartphone, et que grâce à l'écosystème des boutiques d'applications qui se développait, on pourrait facilement transformer ces smartphones en «nods», en routeurs Internet. L'objectif était de créer un réseau où les smartphones pourraient être reliés entre eux en passant par Bluetooth ou le wifi, sans passer par le réseau opérateur. Initialement, Open Garden Mesh, lancé en 2011, permettait de partager sa connexion mobile gratuitement avec un ordinateur ou une tablette, ou avec les autres utilisateurs d'Open Garden.

Fire Chat, était initiatialement une appli de démo, pour montrer le potentiel de notre technologie. Mais lors de notre lancement, nous étions l'appli numéro 1 dans 15 pays, et dans le Top 10 dans 115 pays : on a compris que nous allions être adoptés par beaucoup.

 

Firechat, créé en mars 2014, a été propulsé sur la scène médiatique lors de son utilisation massive par les manifestants de la «révolution des parapluies» à Hong Kong, en septembre. Il a été utilisé dans un contexte que vous n'aviez pas prévu ?

 

M. B.: Oui. L'application avait déjà été utilisée auparavant dans d'autres manifestations, à Taïwan en avril (le gouvernement avait menacé de couper les connexions Internet), puis en Irak en juin, lorsqu'une coupure d'accès Internet a entraîné 40 000 installations à Bagdad en un weekend, mais aussi à Mexico... A Hong Kong, lorsque Joshua Wong (figure de proue du mouvement étudiant de Hong Kong ndlr) a suggéré aux manifestants d'installer Firechat, nous avons vu apparaître 15 000 utilisateurs le jour même, puis 500 000 créations de comptes en une semaine.


Ces événements très «sociaux» ont-ils été indispensables à Firechat pour croître?

 

M. B.: Il est vrai que nous avons eu une notoriété inédite, avec beaucoup d'articles de presse. Cela nous a donc permis d'atteindre notre objectif initial, l'installation de notre application sur un maximum de smartphones.


Avez-vous été surpris par l'emballement autour de votre application à Hong Kong ?

 

M. B.: Oui. On a du coup accéléré la mise en place de certaines fonctions pendant les événements, comme les Verified accounts (comptes vérifiés, par exemple de journalistes) pour avoir des sources vérifiées d'informations. Mais Firechat n'avait pas été conçue pour répondre aux éventuels besoins d'anonymat et de sécurité des manifestants, ce sur quoi nous avons été critiqués. Or, tous les messages postés sont publics, mais l'utilisation de pseudos est autorisée.

 

Envisagez-vous de développer un système de de messagerie et de tchat privés ? 

 

M. B.: Oui, pour 2015, mais c'est complexe à développer car chaque nouvelle fonction doit pouvoir fonctionner dans le monde online et offline.


Quelles pistes étudiez-vous pour monétiser votre service, qui n'est pas encore rentable, notamment auprès des marques ?

 

M. B.: Déjà, Firechat peut être utilisé dans le cadre d'événements, de concerts, de festivals... C'était son objectif initial. Il est utilisé en ce moment au NH7 Weekender festival (festival de musique) en Inde, et nous avons été contactés par les organisateurs d'un festival de musique indépendant américain. Nous recherchons des partenariats avec des développeurs ou des éditeurs voulant accéder au réseau d'utilisateurs Firechat. Nous pensons aussi aux réseaux publicitaires en ligne : par exemple, on pourrait avoir des publicités affichées sur un jeu mobile même sans connexion Internet, grâce au réseau Open Garden. Nous sommes en négociation avec des développeurs de jeux et des réseaux publicitaires. Nous avons rencontré des gros éditeurs de jeux présents en Inde, Chine... dont la base d'utilisateurs n'est jamais connecte à internet. Nos SDK (kit de développements logiciel) et API (interface de programmation) pourraient être ouverts à des marques et organisateurs d'événements au premier semestre 2015, avec par exemple un système de licence.


Quel est votre prochain objectif ? Une levée de fonds ?

 

M. B.: On a été approchés par plusieurs acteurs des medias sociaux. Mais nous voulons développer nos services, pour nous valoriser... Nous cherchons à faire une nouvelle levée de fonds (Open Garden a levé 2,5 millions d'euros depuis sa création ndlr). Dans l'immédiat, nous voulons étendre notre parc d'utilisateurs. La monétisation, ce ne sera pas avant 2016. Pour nous faire connaître, nous approchons des présidentiables et sénateurs américains avant la campagne présidentielle, et des «talent agencies» (qui managent des artistes et équipes de sport), pour que des personnalités qui ont une base importante de fans utilisent notre application.

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