Tabac
Même s'il est souvent polémique, le marché de la cigarette aussi est en pleine transformation, notamment avec la cigarette électronique. Stratégies a rencontré en exclusivité, Richard Bakker, directeur pour l'Europe de l'Ouest de British American Tobacco.

Vous vous positionnez de plus en plus sur le marché de la cigarette électronique, où en êtes-vous exactement ?

Richard Bakker. Nous nous sommes lancés sur ce marché depuis 2012, et sur les 2,5 milliards de dollars investis sur les six dernières années en termes de R&D pour mettre au point de nouveaux produits ou de nouvelles marques, une grande partie concerne les produits de vapotage. Ils contiennent de la nicotine, mais pas de tabac. À ne pas confondre avec les produits de tabac à chauffer, que nous ne commercialisons pas en France, mais seulement au Japon, en Suisse et au Québec. En France, nous venons juste de lancer le ePen 3, un produit premium de notre marque Vype, sur lequel nous avons beaucoup travaillé le design et les matériaux. C’est un lancement important pour nous car la France est notre troisième marché pour le vapotage, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni.

 

Comptez-vous abandonner les cigarettes « classiques » ?

Contrairement à notre principal concurrent, Philip Morris, nous ne pensons pas que le marché de la cigarette classique disparaîtra complètement. Mais, oui, les ventes vont fortement décliner en Europe. À terme, nous pensons que les deux marchés cohabiteront. C’est une vision moins « sexy », pour les médias, sans doute, mais qui nous semble plus réaliste. Le marché du vapotage est très prometteur : il représente dans le monde 14 milliards de dollars aujourd’hui. Et d’ici 2020, ce sera 30 milliards. Notre enjeu, c’est d’accompagner la transition. Car la plupart des nouveaux entrants sont des anciens de la cigarette classique. C’est un moment historique pour le secteur, les consommateurs ont le choix d’avoir une expérience similaire tout en diminuant les risques.

 

Vous avez des preuves scientifiques fiables de cette diminution des risques ?

Selon le ministère de la Santé britannique lui-même, les cigarettes électroniques émettent 95 % de produits toxiques en moins.

 

Oui mais là, vous ne parlez que des composants. Qu’en est-il de l’usage et l’effet sur le corps ?

Justement, nous avons nos propres études, vérifiées par des pairs, qui comparent la fumée de vapotage et la fumée de cigarettes. Et la première est moins nocive. Toutes ces recherches sont publiques et disponibles sur notre site internet. Nous sommes très transparents là-dessus. Mais en effet, ce qu’il nous faut, c’est une étude sur les effets à long terme, sur trois ans, qui est en cours de réalisation.

 

Mais les recherches effectuées par l’industrie du tabac seront toujours jugées avec un certain a priori…

C’est pour cela que nous voulons dialoguer avec l'État. Pour que des études publiques indépendantes soient réalisées et que les nôtres ne soient pas les seules. Au Royaume-Uni, une grande étude publique, compilant un total de 255 études scientifiques, qu'elles proviennent de chez nous ou d'ailleurs, a été réalisée par le ministère de la santé. Ils en ont conclu que d’une part, le vapotage n’incitait pas à fumer la cigarette classique, mais qu’au contraire, le vapotage aidait à quitter la cigarette classique. Un plan a été mis en place par le ministère de la Santé sur ce sujet, pour favoriser l'e-cigarette comme produit qui aide à arrêter, et pousser la recherche sur l’impact du vapotage. Mais en France, c’est impossible.

 

C'est-à-dire ?

Nous n’arrivons pas à dialoguer avec l'État. Nous voulons le même niveau de dialogue qu’au Royaume-Uni. Nous voulons que des recherches soient faites, pour que le consommateur soit proprement informé, et que des règles soient mise en place.

 

Souhaitez-vous davantage de règlementation ?

Je ne suis pas contre la règlementation ! Aujourd’hui, le cadre légal n'est pas adapté. Par exemple, les produits de vapotage « sans nicotine », sont soumis à une réglementation plus souple, avec peu de contrôle et de traçabilité, comparé aux liquides nicotinés. En outre, la communication des produits du vapotage est limitée à des format A5 en magasin, comme pour les produits de tabac classique. Tout ça pose un problème ! Le consommateur n’est pas proprement informé, et nous trouvons cela dommage. Nous savons que la cigarette classique, est un produit dangereux. Il existe aujourd’hui un moyen d’accompagner le consommateur vers un produit potentiellement moins nocif. Ce qui sera meilleur pour la société. Mais pour le faire convenablement, nous avons besoin de dialoguer avec l’Etat, pour ne pas tout traiter sur le même plan. Or aujourd’hui, en France, c’est impossible. Le pays met en application le principe de précaution, mais résultat, ne prend aucune décision. Le Royaume-Uni a été plus pragmatique, et avance pour mieux discerner les risques et les avantages.

 

Où en êtes-vous du digital ?

Le e-commerce, pour le vapotage, représente une part non négligeable de nos ventes, et nous sommes très optimistes pour 2019. Nous sommes en pleine transition digitale. Car nous aussi, nous y sommes confrontés ! Après avoir retravaillé notre back office, l’efficacité de notre supply chain, le digital intègre désormais le front office : nos équipes de ventes et de marketing. Nous sommes passés d’un marché qui a vendu une seule catégorie de produit dans un canal unique, à de nombreuses catégories différentes, en différents points de vente. Le digital nous aide dans notre organisation, à revoir nos plateformes B2B et B2C. Nous travaillons avec de nouvelles agences, avons dû revoir nos formations, et notre culture. Jamais nous n’avions eu autant de jeunes collaborateurs dans l’entreprise. Désormais nous embauchons des digital natives ! 

Il ne reste que les médias

Face à l'impossibilité de communiquer en magasin ou par le biais de la publicité, et confrontée au silence des autorités françaises, il ne reste que les médias, pour l'industrie du tabac, pour faire valoir son point de vue. BAT a, par exemple, commencé à faire des voyages de presse en 2017, pour des journalistes français. L'entreprise ouvre ses portes et fait visiter son centre de R&D à Southampton. 

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