Dossier Mobile
Les enceintes connectées, en popularisant l’usage de la commande vocale à la maison, pourraient paradoxalement favoriser l’essor de la voix sur smartphone, son terminal le plus naturel.

Le marché des enceintes connectées est-il en train de décoller en France ? Oui, selon le dernier bilan effectué par Médiamétrie en juin dernier. « Elles parlent désormais à tout le monde… ou presque : neuf internautes sur dix en connaissent l’existence et 71 % savent exactement de quoi il s’agit, soit sept points de plus qu’en novembre 2018 », note le spécialiste de la mesure d’audience, qui dénombrait alors 3,2 millions d’utilisateurs d’enceintes à commande vocale, contre 1,7 million six mois plus tôt. La période des fêtes de fin d’année aura été décisive : plus d’un quart des possesseurs d’enceinte à commande vocale l’ont reçue en cadeau à cette occasion.

Les seniors adhèrent

Autre fait notable, leur diffusion ne semble plus limitée aux plus jeunes ou aux plus technophiles. Les 50 ans et plus représentent le tiers des utilisateurs, contre 18 % en novembre 2018. « Les jeunes sont les plus friands à l’idée de tester la voix mais ce sont ceux qui l’utilisent le moins dans la durée. Les gens un peu plus senior y viennent peut-être plus tard, mais sont ceux qui l’utilisent plus », remarque Franck Théry, directeur général adjoint de l’agence Sensiogrey.

En termes d’usage, une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de l’Hadopi, publiée en mai dernier, en pointe trois grands types. En tête, la recherche d’informations : demander la météo (78 %), rechercher une information sur internet (75 %), demander de raconter une blague ou poser une question (65 %), régler un réveil, une alerte ou un minuteur (65 %). Suivent les usages liés à la culture et aux médias : écouter la radio ou une webradio (65 %), de la musique via des plateformes gratuites (65 %), des informations (64 %), de la musique stockée sur la bibliothèque musicale (62 %) ou via un service de streaming payant (54 %). Enfin, les usages domotiques permettant de contrôler certains appareils (vidéosurveillance, éclairage, chauffage, volets…) sont cités par 36 % des utilisateurs.

Le rapport de l’Hadopi et du CSA met en lumière une autre réalité : le smartphone demeure l’outil privilégié de la commande vocale. À la question de savoir sur quel support un assistant vocal a été utilisé dans les 30 derniers jours, 26 % répondent « sur un smartphone », 10 % « sur un ordinateur », 8 % « sur une tablette tactile », 7 % « sur une enceinte connectée » et 3 % « sur une TV connectée ». Ces chiffres montrent que l’usage de la commande vocale reste minoritaire, alors même que l’assistant vocal d’Apple, Siri, est installé depuis déjà 2012 sur ses smartphones. Ils indiquent aussi que le téléphone garde une longueur d’avance. « Le mobile est le terminal le plus -enclin à aller sur la -recherche -vocale parce que c’est déjà le terminal auquel on parle, celui qui est toujours à proximité, celui qu’on utilise quand on est en déplacement ou en mouvement », estime -Antoine Ripoche, qui dirige les activités françaises de Captify, une société de collectes de données issues du search.

L’écran en complément 

Virgile Brodziak, directeur général de l’agence Wunderman Thomson, pense aussi que le mobile, qui a vocation à devenir une sorte de « télécommande universelle », devrait devenir « le premier lieu de développement du vocal, car aujourd’hui, c’est le premier point de contact technologique tout court ». Pour lui, l’objectif des Google, Amazon et Apple n’est pas tant de vendre des enceintes connectées que d’éduquer les utilisateurs au vocal, pour mieux installer ensuite leur propre système d’exploitation sur les différents objets connectés, de la voiture à l’enceinte en passant par le réfrigérateur.

Ivan Beczkowski, président et directeur de la création de BETC Digital, ne dit pas le contraire : le mobile, avec son micro intégré, son casque et son haut-parleur, est bien « le premier device à la voix ». « Il n’y en a pas d’autre avec lequel on parle autant, c’est complètement naturel », résume-t-il. De plus, il a un avantage sur les enceintes : son écran. L’agence a lancé cette année pour la marque de coutellerie Deejo un site de m-commerce vocal, « DisJoe », qui permet depuis un écran de smartphone, par la voix, de configurer et de personnaliser son couteau. Difficile à faire sur une enceinte, note Ivan Beczkowski, tout en remarquant qu’Amazon et Google proposent désormais des enceintes avec un écran intégré. Mais selon lui, « un device n’en chasse pas un autre ». « Les enceintes connectées n’ont pas le même usage, elles servent par exemple à allumer la télé ou la lumière, à régler le chauffage. Elles vont devenir centrales, mais les deux vont coexister », observe-t-il.

Reste à voir si la voix, indépendamment du terminal choisi, va conquérir les usages, et la saisie vocale, remplacer l’écrit. Virgile Brodziak en est persuadé : « Après les interfaces type Windows, puis les souris et les interfaces tactiles, c’est l’aboutissement de cinquante ans de simplification du rapport à la technologie. Il n’y a pas besoin de savoir lire ou écrire, c’est ce qu’il y a de plus naturel pour commander la technologie. » Selon Arick -Abbou, head of e--retail & voice chez iProspect (groupe Dentsu), la croissance du vocal se fera à deux conditions : « la capacité de l’intelligence artificielle à reconnaître le langage naturel, et le renforcement des -garanties en termes de respect de la vie privée ». Cette question avait été mise en exergue au printemps dernier lorsqu’on avait appris qu’Amazon enregistrait les conversations des utilisateurs pour, s’est défendue la firme, améliorer leur expérience.

Chez Google, on nuance le raz-de-marée annoncé : « Dans certains contextes, le vocal a un intérêt pour l’utilisateur : je suis occupé, je suis dans la voiture, je marche dans la rue, là c’est plus facile de parler à son téléphone que de devoir taper. Mais il y a plein de moments où ça n’apporte pas de valeur particulière de parler à son téléphone, ne serait-ce que lorsqu’il y a des gens autour de nous », relativise Loïc de Saint-Andrieu, head of digital customer experience. OK Google ?

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