Jouets
Après avoir alerté sur les armes à feu imprimées en 3D, la start-up Dagoma montre à présent le potentiel des imprimantes 3D pour réparer des jouets.

Vue de loin, Toy Rescue est une nouvelle plateforme de réparation de jouets qui répond parfaitement aux besoins de notre temps, et qui anticipe même la loi anti-gaspillage. En réalité, c’est une opération de communication ingénieuse du fabricant d’imprimantes 3D Dagoma. Mêlant engagement pour la planète et parfait timing de Noël, Toy Rescue a déjà bénéficié de nombreuses retombées presse en à peine deux jours. Elle fournit surtout, et pour la deuxième fois, un bon exemple de comment une marque, même inconnue du grand public, peut incarner ses engagements plutôt que de les déclamer dans un vulgaire communiqué de presse, qui aurait vanté un ADN éco-responsable, etc.

En optant pour une stratégie bien plus créative, avec l’aide de TBWA Paris, la start-up française rend finalement la com secondaire, au profit d’une plateforme fonctionnelle, que peuvent utiliser des parents qui ne voudraient pas jeter une Barbie, une Hot Wheels ou un Nerf [pistolet à munitions en mousse] rendus inopérants simplement parce qu’il leur manque un bras ou une roue. « Nous avons tous déjà vu des enfants casser leurs jouets, mais hélas, la plupart ne sont pas réparables. Nous voulions démontrer le contraire, grâce à l’impression 3D, et à la fois toucher le plus de monde possible », explique Matthieu Regnier, cofondateur et PDG de Dagoma. « La genèse de l’idée est venue du nombre de jouets jetés chaque année en France : 40 millions. Et de l’absence de pièces pour les réparer », souligne Swann Richard, concepteur rédacteur chez TBWA. Avec François Claux, DA, ils déterminent quels sont les jouets les plus répandus et leurs pièces qui cassent le plus, et commandent à des designers 3D des plans pour les imprimer. Pour ceux qui n’ont pas d’imprimante, le site Toy Rescue sert justement à les mettre en relation avec la communauté Dagoma, composée de 30 000 « makers » bénévoles, dont 1 500 se sont engagés à réparer des jouets. Les parties réparées sont orange pour être identifiables sur les photos, mais peuvent être confectionnées dans la bonne couleur pour ne pas détonner. 

Amidon de maïs

Attendu au tournant sur l’utilisation de plastique, Dagoma a pris les devants : les filaments utilisés sont composés d’amidon de maïs, de pomme de terre et de betterave. « Cette matière est biocompostable. Si vous la broyez et la répandez dans un champ, elle disparaît au bout de six mois » pointe Matthieu Regnier. Mieux : les imprimantes 3D Dagoma sont elles-mêmes conçues de ce matériau ! Toy Rescue n’est pas non plus une façon pour le français de générer de revenus additionnels. « L’objectif n’est pas de devenir le Airbnb de la pièce en plastique », précise le dirigeant. « Si la plateforme venait à gagner en ampleur, nous réfléchirions peut-être à un modèle économique », mais avec seulement 100 jouets référencés à ce jour, Toy Rescue a plus de chances de rester une opération de relations presse.

« L’imprimante 3D n’est pas un produit de mass media, même si son prix (entre 300 et 500 euros ici), n’est pas aussi élevé que le public l’imagine. La logique de RP est de vulgariser et de montrer le pouvoir de l’imprimante 3D, avec une approche émotionnelle pour donner du cœur à un produit assez froid » explique Benjamin Marchal, directeur exécutif de la création de TBWA paris. « C’est un nouveau produit qui ouvre un champ extraordinaire, d’autant plus que l’entreprise est engagée et que le segment est celui de la création, nous devons donc nous-mêmes nous montrer très créatifs », complète Faustin Claverie, directeur exécutif de la création de l’agence.

Black Pencil

Quelques jours avant Toy Rescue, TBWA remportait à New York le sacre ultime de la pub, le Black Pencil aux D&AD – décerné à une seule autre agence française, Marcel en 2015 et « Les légumes moches et méchants » pour Intermarché –, justement avec Dagoma. La campagne ainsi primée, « Harmless Guns », avait déjà remporté huit Lions à Cannes en juin 2019, dont un Or. Le principe était de dénoncer les dérives de l’impression 3D caractérisés par la possibilité de créer des armes à feux en plastique, par exemple indétectables dans portiques des aéroports. Pour cela, l’agence avait téléchargé des milliers de plans, fait appel à des ingénieurs pour les modifier afin de rendre les armes inopérantes, puis diffusé les fichiers en ligne, qui furent téléchargés plus de 13 000 fois. Ainsi peut-on être un fabricant d'imprimantes dans un secteur de niche à Roubaix et porter un message fort et être reconnu mondialement.

Du coup, on attend l’acte III de Dagoma… Matthieu Regnier explique être en train de fédérer une filière de recyclage des couverts en plastique, que la loi Pacte va interdire à partir du 1er janvier 2020. S’il est conscient que le procédé utilisé ne permettra pas pour l’instant une industrialisation massive, le dirigeant tient à préempter ce terrain sur lequel il est légitime. Une campagne est prévue.

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