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Brexit, projet de loi anti-gaspillage, lutte contre le réchauffement climatique… Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, nous livre son point de vue sur l'actualité.

Le Royaume-Uni quitte l’Union européenne et la Commission réaffirme son « pacte vert ».

Ça a été long, compliqué, technique mais c’est fait ! Il faut se souvenir que des sujets comme la lutte contre la pollution ou le développement des énergies renouvelables sont éminemment européens. Il ne faudrait pas que ce Brexit soit l’occasion d’une régression environnementale. J’espère que le Royaume-Uni [RU] restera accroché à la barre des standards européens. Certains traités comme le Tafta n’ont pas été signés car il n’y a pas eu de consensus européen. Si demain le RU veut démarrer tout seul un traité international, il pourra le faire. Or c’est source de dérèglement climatique car ce type de traité accroît les échanges commerciaux, les transports de marchandises, etc. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, souhaite donner un élan écologique avec cette proposition de « green deal ». Qu’on soit à la périphérie de l’Union ou non, ce sont des enjeux qui concernent tous les Européens. 

 

Le projet de loi anti-gaspillage adopté la semaine dernière.

C’est assez représentatif de la politique des petits pas adoptée par le gouvernement. Bien sûr qu’il faut réduire le gaspillage, mais à l’heure où quasiment toutes les semaines on mesure le retard pris pour lutter contre le réchauffement climatique et limiter la perte en biodiversité, on voit bien qu’il y a un vrai décalage entre ce qu’il faudrait faire et ce qui est fait, entre le discours du président de la République – on se souvient de « make our planet great again » - et ce que la France met en œuvre réellement. L’interdiction du plastique à usage unique en 2040 est bien trop lointaine. Brune Poirson, qui a porté ce projet de loi, a parlé de mesure radicale ou audacieuse. Là encore, il y a un vrai décalage.

 

The Guardian bannit les publicités pétrolières et gazières.

C’est une mesure courageuse, prise par un quotidien d’envergure internationale. Bien sûr que les médias doivent avoir des sources de revenus : il n’est pas question pour eux de se passer de publicité. Mais ils doivent pousser plus loin leur réflexion sur les publicités admissibles et celles qui ne le sont pas. Il y a souvent des chartes dans les régies publicitaires pour interdire certaines catégories de produits. Jusqu’à quel point peut-on faire la promotion des énergies fossiles ? Quelle cohérence entre l’éditorial des médias qui s’emparent de plus en plus des sujets sur le dérèglement climatique, qui sont offensifs sur le plan environnemental, et des régies qui ne s’en préoccupent pas. Libération a pu faire le même jour sa une sur le Black Friday et ses conséquences sociales et écologiques, et avoir trois ou quatre publicités en faveur de ce même Black Friday. Les prochaines Assises du journalisme, à Tours, porteront sur ce sujet. Il faudrait interdire la publicité pour les industries les plus polluantes, comme les véhicules SUV, le secteur aérien ou les croisières. Il faut pour cela définir des critères sur ce qui a un impact majeur en termes d’émission de CO2. C’est à mon sens assez facile de quantifier ce type d’émissions engendrées par une publicité. Nous sommes prêts à aider la profession à travailler en ce sens. Il n’y a pas de raison que l’environnement échappe à toute réglementation.

 

L’OMS déclare l’urgence sur le coronavirus malgré les pressions chinoises.

J’ai l’impression qu’il y a un mieux par rapport aux autres crises, en particulier le sras. Il y a eu plus transparence et de coopération de la part de la Chine. Ce qui est important, dans ce genre de situations, c’est que l’impact économique ne prime pas sur les conséquences sanitaires.

 

De grandes crises humanitaires, comme au Kenya ou à Madagascar, victimes d’un sous-traitement médiatique, selon le rapport de Care France « Suffering in silence ».

C’est un constat que l’on partage. C’est bien que Care le remette à la lumière. D’une part, cela rappelle que ces crises humanitaires sont très nombreuses, bien plus qu’on ne le perçoit. Dans le meilleur des cas, la plupart des gens ne peuvent en citer qu’une ou deux. Sur la question du traitement médiatique, il faut bien constater que des drames qui s’étalent sur plusieurs années tombent dans l’angle mort de l’information dès lors qu’il n’y a pas d’actualité nouvelle. Ces crises ne sont racontées que quand il y a un fait saillant. Il n’y a pas de solution miracle, malheureusement. Il faut que les médias continuent d’envoyer le plus possible des journalistes pour couvrir ces crises, trouver des faits nouveaux... Moins d’attention est portée à une crise humanitaire, moins elle a de chances de se résorber rapidement. C’est tout l’intérêt du rapport de Care. J’ajoute que les crises humanitaires ont de plus en plus de lien avec les sujets climatiques ou environnementaux, avec des sécheresses qui empêchent les récoltes, un accès à l’eau de plus en plus restreint… Cela entraîne des tensions. Le dérèglement climatique va être générateur de conflits comme il génère des migrations de population.

 

Les douze nominations du film J’accuse de Roman Polanski aux Césars qui rouvrent le débat sur la violence faite aux femmes dans le cinéma.

Ce qui est choquant, c’est ce qui s’est passé et qu’il soit encore compliqué de parler de la violence faite aux femmes. On voit que la parole se libère dans les médias ou dans le sport mais il reste beaucoup de domaines où les questions n’ont pas été posées. Il faut donc continuer à en parler, à soutenir les victimes… Tant mieux si ces douze nominations sont l’occasion de reparler de ce sujet-là.  Ce serait choquant qu’on n’en parle pas. Ce n’est pas parce que les faits sont anciens et que les films de Roman Polanski sont appréciés à leur juste valeur qu’il faut se montrer indulgent. Il faut même profiter de la notoriété d’un grand réalisateur pour rouvrir ce débat.

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