Nouvelles technologies
Fortement affecté comme tous les secteurs de l’économie, le digital semble mieux placé pour rebondir, du fait d’une forte croissance des usages dont certains sont amenés à durer.

Si « grand soir » il faut chercher à la suite de la crise sanitaire, c’est du côté du pouce et des modems. La moitié de la planète coincée chez elle a trouvé le moyen de s’échapper par les câbles électriques. Apéro Zoom, réunion visio, e-commerce, jeux en ligne, streaming : sur le portable ou l’ordinateur, les connexions wifi n’étaient pas au chômage partiel. La tendance s’est dessinée rapidement, et dès le 20 mars, les ventes de matériel informatique en ligne explosaient. Plus 20 % chez Acer selon Les Échos, idem chez Lenovo, et des ventes multipliées par cinq chez Fnac Darty, selon RTL. 

Pendant le confinement, nombre de comportements se sont digitalisés, et beaucoup ont vécu leur première fois, notamment avec la télé­médecine et l’école à la maison. Le numérique a en outre permis de garder une activité économique et de ne pas laisser le pays totalement à l’arrêt. Parfois sur des secteurs inattendus, comme l’immobilier. Le site PAP a ainsi vu la sollicitation de son service de visite virtuelle augmenter de façon exponentielle, alors qu’il le proposait depuis janvier 2019. Il se targue même d’avoir rendues possibles certaines acquisitions pendant la période.

Un nouveau mode de vie

Au total, 22 % des Français se déclarent nouvellement convertis au digital pour leurs actes de la vie quotidienne (courses, divertissements, lecture de la presse, téléconsultations médicales, etc.), selon un sondage de la start-up de personnalisation de services Kameleoon, réalisé sur 5 000 personnes dans cinq pays. Et cela risque de durer. « On voit qu’au fil des semaines les comportements ont glissé et évolué. C’est un mode de vie qui s’établit. Dans l’e-commerce alimentaire par exemple, une partie de la population n’avait jamais acheté sur internet, raconte Raphaël Fétique, cofondateur et directeur associé de Converteo, une filiale d’ADLPerformance. Elle a d’abord testé les sites, avant de faire une deuxième ou une troisième commande, puis d’installer l’application. »

De l’autre côté, la vente sur internet est devenue le seul moyen de faire du business pour nombre d’entreprises qui n’ont eu d’autre choix que de s’adapter. Certaines enseignes de bricolage ont vu leur chiffre d’affaires en ligne multiplié par quatre ou cinq en quelques jours. « Beaucoup de chief digital officers qui se sentaient seuls dans leur entreprise ont été bien plus écoutés, note Nicolas Rieul, président de l’IAB et DG France de Criteo. Des projets qui demandaient auparavant six mois ou un an pour être déployés ont été mis en place en quelques semaines. » La transformation digitale a vécu un coup de boost qui pourrait devenir la nouvelle norme. Selon Nielsen, sur la dernière semaine de confinement, le drive progressait encore de 75 % par rapport à la même période en 2019 et la livraison à domicile de 45 %. « Et faire du shopping n’est pas faire ses courses. Ces dernières sont plus rébarbatives et répétitives, les habitudes alimentaires s’ancrent beaucoup plus vite », argumente Raphaël Fétique.

Tout cela place la tech dans de bonnes dispositions pour s’armer contre la morosité économique à venir, car ces tendances irrigueront tous les pans de l’économie digitale : de la publicité en ligne à la data, en passant par le CRM. « Cela sera d’autant plus amené à durer que l’expérience en magasin, du fait des contraintes sanitaires, risque encore d’être dégradée quelque temps. Le réenchantement des boutiques, ce n’est pas pour tout de suite ! » explique le cofondateur de Converteo.

S’adapter rapidement

Mais en parallèle, il faudra aussi que tout le monde suive le cortège. « Nous ne sommes pas les plus mal lotis, mais seuls ceux qui s’adapteront rapidement seront les gagnants », argue François Deltour, président du CPA. Et il y a encore beaucoup de travail à faire dans les entreprises pour désiloter les départements. « Il faut continuer à revoir les organisations et les processus de décision, détaille Raphël Fétique. La situation ne sera pas du tout la même selon les lieux en fonction de l’évolution de l’épidémie et des règles sanitaires. Il faudra donc donner plus de pouvoir de décision en local pour s’adapter. Qu’un directeur de magasin décide lui-même de son budget CRM ou prospectus, par exemple. »

Au-delà des comportements, la crise sanitaire a modifié les mentalités et la perception du numérique. Les marques devront s’adapter d’autant plus vite, tout en prenant en compte ses aspects invisibles : les acteurs réels de cette économie, livreurs et employés des entrepôts, fortement médiatisés pendant la crise, ou son impact écologique, un sujet qui pourrait aussi revenir en force du jour au lendemain. 

« La crise sanitaire a accentué la fracture numérique »

Si la crise sanitaire a fortement aidé au développement des usages numériques, le fossé risque de se creuser avec les moins bien lotis, selon Lucie Taurines, directrice de l’inclusion numérique chez Capgemini.

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