Témoignages
Ils sont à la tête de médias, d’agences ou de marques. Vingt-trois dirigeants livrent à Stratégies leur feuille de route pour relancer leur entreprise aujourd’hui.

Alexandre Ricard, PDG du groupe Pernod Ricard

« Nous pouvons tirer deux enseignements de cette pandémie qui a entraîné une détérioration importante de l’environnement économique, en particulier pour notre secteur avec la fermeture des bars, hôtels, clubs et restaurants. D’abord, cette crise globale est révélatrice d’une formidable capacité de mobilisation. Les actions collectives et créatives de nos salariés ont permis dans l’ensemble du groupe de fournir 2,5 millions de litres d’alcool pur et de produire 775 000 litres de gel hydroalcoolique sur nos installations, parmi bien d’autres initiatives dont nous pouvons être fiers. Le deuxième enseignement est qu’elle aura été le révélateur d’un besoin essentiel de convivialité. Partout dans le monde, les mesures de confinement puis les règles de distanciation ont éprouvé notre besoin d’être ensemble. Aussi utile soit-il, le digital ne peut pas se substituer à la réalité de la rencontre, à la spontanéité d’un réel moment de partage. Cela renforce ma conviction que notre monde a besoin de recréer de la convivialité. Cela a toujours été notre vision, et je crois qu’elle n’a jamais été autant d’actualité. Le monde a changé, sans doute de façon irréversible, et les individus avec lui. Le confinement nous a conduits à nous interroger sur ce qui compte réellement. Loin de rester passifs au cours des 60 jours de confinement, et au-delà de la mobilisation pour participer à la lutte contre la pandémie, nous avons activement travaillé à ce monde d’après. Pour ne citer qu’un exemple, nous venons de fixer à 2021, avec plusieurs années d’avance, la suppression des objets promotionnels en plastique à usage unique sur tous nos points de vente dans le monde. Les consommateurs attendaient des actes de la part des entreprises, ce seront désormais des injonctions de leur part. Cette aspiration à mieux intégrer les considérations environnementales et sociétales dans de nouveaux modes de vie et de consommation, conjuguée au besoin d’être ensemble, vont durablement façonner notre société. »

 

Benoît Parayre, directeur général adjoint et directeur de la communication d'Air France

« Le transport aérien est particulièrement touché par cette crise sans précédent. Ces dernières semaines notre trafic a été amputé de près de 95 %, soit une quarantaine de vols à la place de plus de 1 000 par jour ! La reprise sera très lente pour notre secteur. Notre première préoccupation en termes de communication aujourd’hui est de rassurer nos clients, et de les informer de la mise en place des différentes mesures sanitaires tout au long de leur parcours en aéroport jusque dans l’avion. S’y ajoute un enjeu majeur en ces temps perturbés : la communication interne pour accompagner nos collaborateurs dans ces périodes d’incertitudes. Le temps des campagnes reviendra progressivement, mais certainement avec une approche et un ton nouveaux. La communication et le marketing sont des leviers essentiels à la relance, à quelques conditions nouvelles, sans doute moins de quantité et plus de personnalisation. Incontestablement, il y aura un après Covid- 19 car cette crise agit comme un révélateur de tendances, que pour certaines nous percevions déjà : une communication au coeur de la stratégie de l’entreprise, porteuse de sens, avec une prise en compte des enjeux de développement durable. Nous avons à choisir de gérer la crise en nous ajustant simplement ou en reconstruisant sur de nouveaux paradigmes. Je crois que nous devons la saisir comme une opportunité pour bâtir un nouveau modèle de société, si nous ne voulons pas qu’une autre crise, notamment plus sociale, vienne s’y rajouter dans la durée. »

 

Jean-Philippe Imparato, directeur de la marque Peugeot

« Notre stratégie de crise côté business est d’être “pull” plutôt que “push”, donc de rouvrir les points de vente avant les usines. Le commerce tire l’industrie et pas l’inverse. Après nos deux phases marketing “mobilise for you” et “take the road again”, nous entamons la troisième : “Reconnection”. Ce programme 360 va s’étendre jusqu’en septembre et vise à reconnecter toutes les catégories de clients à ce qui leur a manqué : famille, amis, travail… Cela demande beaucoup de réassurance client – sur les mesures barrière et d’hygiène – et d’affirmation de la solidité de la marque. Nous fêterons nos 210 ans le 26 septembre, ce qui veut dire que nous avons déjà vécu quelques périodes difficiles. Pour traverser cette crise, nous allons ancrer notre communication sur la transition énergétique. Nous avions déjà basculé en février, mais là, nous sommes pleins phares dessus. Cette bascule n’est en rien entachée par le Covid-19, et s’accompagne d’une autre : la vente en ligne désormais complète. Dernier point très important : nous gardons la tête froide. Nous tenons nos prix et ne cédons pas à la panique. Cela fait sept ans que nous construisons la marque avec un nouveau plan produit, nous avons trois “cars of the year” sur la route et n’avons pas envie de dégrader la valeur résiduelle des voitures et de la marque. Nous restons sur notre promesse “Unboring the future” parce que du haut de nos 210 ans, nous n’imaginons pas un avenir anxiogène ou dépressif. »

 

Arnaud Tomasi, directeur de la business unit média La Poste

« La Poste fait partie des acteurs qui sont montés au front et qui sont restés ouverts en dépit de la crise et du confinement. C’est ce qui lui a permis d’entretenir et de renforcer ses liens déjà privilégiés avec les Français, comme l’a montré une étude menée par CSA qui fait de La Poste la marque la plus utile hors GMS. Du point de vue de la business unit média, qui rassemble toutes les solutions de communication on et offline du groupe avec le courrier publicitaire, Mediapost, Sogec et Isoskele, la situation est globalement comparable. Nous avons dû interrompre l’activité d’imprimés publicitaires, pour laquelle la distribution reprendra le 25 mai, mais nous avons maintenu pour le reste notre activité, bien que celle-ci soit amoindrie. Le groupe a aussi pris part via la BU média à la mobilisation collective en soutenant, avec Isoskele, une campagne de dons en faveur de la Fondation Hôpitaux de Paris et la Fédération hospitalière de France, ou en déployant des webinars avec nos experts à destination des clients. Nous avons aussi profité de ce laps de temps pour avancer sur d’autres sujets. Nous avons mené un travail d’étude pour analyser en profondeur cette société sous cloche et en extraire des tendances de marché de nature à permettre à nos clients de trouver le ton juste dans leur communication. Nous avons accéléré sur Cap Mailing, un projet d’outil de mailing clé en main associant atouts du courrier et simplicité d’utilisation. L’objectif : accompagner les annonceurs dans cette situation de reprise d’activité et participer à cet effort via notamment des dispositifs tarifaires exceptionnels. Les attentes sont bien identifiées. Les clients sont à la recherche d’efficacité dans un contexte de perspectives émergentes fortes de la part des Français. Au centre de ces nouvelles tendances : la maison et le domicile, qui ont littéralement sauvé des vies, et le besoin de lien physique, d’engagement et de responsabilité. À cela s’ajoute la question du pouvoir d’achat, qui va se retrouver en première ligne avec la crise économique en vue. »

 

Benoît Jaubert, directeur exploitation chez Fnac Darty 

« Pendant la crise, nous avons dû gérer l’urgence, mais cette situation nous a aussi encouragés à réévaluer certaines priorités pour faire évoluer notre stratégie. Le digital était un levier fort, mais là, il prend toute son ampleur. Il nous a permis de passer la crise, et nous aidera pour “relancer” ensuite : nous avons acquis beaucoup de nouveaux clients pendant cette période qui n’avaient pas conscience de ses avantages ou qui n’avaient pas l’habitude d’utiliser Fnac.com et Darty.com. Le digital a aussi changé notre façon de travailler, que ce soit pour la formation de nos vendeurs, ou pour organiser les magasins, tout a pu être fait à distance. Et l’on sait que des réunions qui se déroulaient en présentiel pourront avoir lieu autrement. La crise change tout autant notre vision du magasin dans un service omnicanal. Les deux se sont renforcés mutuellement. Par exemple, depuis le 11 mai, les stocks magasins complètent les stocks internet et réciproquement face à l’afflux de la demande. Cette crise nous a permis de lancer de nouveaux services ou de les renforcer. Je pense à la conception de cuisine à distance, qui n’existait pas il y a deux mois, avec un conseiller en ligne et des outils dédiés. Je pense au “click and collect” sans contact, où les clients n’ont pas à descendre de leur voiture, que nous allons multiplier dans nos magasins franchisés (50 %) ou intégrés (50 %). Je pense enfin au rôle du “Welcomer” que nous avons mis en place pour la réouverture : cette personne en entrée de magasins a pour mission de renouer avec les clients et à organiser les flux et les conditions sanitaires en s’assurant que chacun porte un masque, obligatoire dans nos boutiques. Face au succès, tant en retours qu’à son effet sur nos Net Promoter Score (+15 % d’évolution par rapport aux niveaux d’avant crise), nous allons le pérenniser. Il incarne notre vision du service client. »

 

Ralf Wein, directeur général de H&M France

« Après une période sans précédent de fermetures de nos points de ventes physiques, nous venons de rouvrir nos magasins en France, et ce, de façon progressive. Toutes nos équipes sont donc, pour les prochaines semaines, dédiées aux mesures mises en place pour assurer la sécurité de nos clients et collaborateurs. C’est notre priorité. Par ailleurs, nous continuons de mettre en valeur nos collections – en magasin et en ligne – de manière à offrir un shopping “plaisir” à nos clients correspondant à leurs attentes dans le contexte actuel. En ce sens, nous poursuivons notre stratégie omnicanale. Le monde est à un tournant et les attentes de nos clients changent. Ces derniers veulent entendre et voir des histoires vraies, quelque chose qu’ils peuvent comprendre et qui suscite des émotions, en particulier chez les jeunes générations. C’est pour cela que les médias devront repenser leur façon de collaborer avec les marques, en ayant une approche plus personnelle et plus authentique. Un processus déjà amorcé avant la crise et qui ne prendra que plus d’ampleur. Notre objectif est que chacun puisse se plaire et se sentir bien, d’où notre signature : “Look good and feel good” [soyez bien et sentezvous bien]. Encore plus que jamais, nous voulons mettre en valeur nos collections de mode et la qualité de la marque H&M, de la manière la plus inspirante et la plus transparente possible. Pour autant, nous conservons notre ADN et les engagements qui étaient déjà les nôtres avant la crise. D’ailleurs, toujours dans cet esprit de transparence, la campagne de printemps, qui prévoyait déjà d’apporter à notre clientèle un éclairage sur nos choix de matières plus durables et sur nos engagements, a été maintenue.»

 

Agathe Bousquet, présidente de Publicis Groupe France 

« Notre reboot doit être au service de nos clients. Il reposera sur deux piliers : la culture et la structure. La culture est clef, nous l’avons ressenti pendant la crise. Notre rebond dépend de nos liens, de notre envie de partager entre agences. Nous sommes plus forts quand Publicis Live et Sapient réfléchissent ensemble à l’offre événementielle de demain. Les 5 000 collaborateurs de Publicis France sont tous en télétravail, mais plus unis que jamais. Chaque semaine, nous organisons des plénières avec les managers, nous favorisons la mobilité interne, nous partageons les new businesses, nous réfléchissons à des offres packagées qui mixent data, techno, conseil… Nous avons lancé en avance la plateforme Marcel en France car c’est un atout culturel formidable dans la relance. Elle connecte les collaborateurs, et leur permet d’accéder à l’intelligence et aux ressources du groupe. Le reboot est aussi une question de structure au service des clients. Or de quoi ont-ils besoin aujourd’hui ? Ils veulent d’abord plus de compréhension, mieux connaître les attentes des gens. Nos plannings stratégiques ont été très sollicités et nous continuons d’investir sur ces profils. Dans un contexte économique dur, ils veulent plus de sens. Il y a un reboot du sens qui s’affirme comme un atout pour les marques et c’est tant mieux. Cette période a aussi servi de test géant des capacités data et digitales et a révélé l’importance d’être proche de ses consommateurs et de ses équipes. Nos clients veulent accélérer leur transformation marketing, pour mieux maîtriser leur patrimoine data, renforcer leur e-commerce… Enfin, dans ce reboot, l’exigence de maîtrise du ROI et des coûts grandit. Sur la production, notre content factory reprend avec de nouvelles manières de produire, plus rapides, à distance et plus écologiques. En vérité, rien ne s’est arrêté, beaucoup s’est accéléré. Dans certains domaines, c’est même un retour vers le futur auquel nous devrions assister. »

 

Bertrand Biard, associé cofondateur de l'agence événementielle Manifestory et président de Lévénement

« Maintenant lorsque l’on parle de l’événementiel, on parle de distanciel ou de présentiel. En présentiel, les rassemblements de plus de 10 personnes sont interdits jusqu’à au moins fin mai. Et il n’y en aura pas de plus de 5 000 personnes avant septembre. Depuis le 11 mai, aucun changement majeur dans l’organisation du travail n’est à noter. Une grosse partie des équipes reste en chômage partiel et télétravail. Certains clients retrouvent le chemin des entreprises. Si jusqu’alors, très peu avaient des perspectives sur ce que leur entreprise allait investir en communication, des codir vont se remonter, des plans stratégiques, s’établir : nous allons voir leurs besoins. Chez Manifestory – c’est vrai aussi pour pas mal de confrères –, les clients, depuis début mai, commencent à rappeler pour demander des conseils sur des mesures techniques et sanitaires et l’alternative de la digitalisation. Auparavant, ils nous appelaient avec déjà des solutions en tête. Il n’est pas nouveau d’intégrer le digital pour l’engagement et la diffusion des messages. Il a pris toute sa place avec ses atouts et ses inconvénients (bonnes audiences mais pas de lien social…). Nous allons faire moins mais mieux. Du digital pour le “tout-venant”, du digital plus théâtralisé, scénarisé, et des événements, plus rares. “Moins mais mieux”. L’on paie en ligne, l’on se rencontre en ligne… La distance est devenue un gage de qualité. Là, nous avons appris à vivre à distance. Le risque serait que les choses se délitent vers plus de distanciation, qui n’est pas une fin en soi. »

 

Elisabeth Billiemaz, coprésidente du groupe Change et présidente de Brand Station

« Michel Serres n’avait pas attendu qu’un pangolin bouleverse notre vie, il déclarait déjà il y a huit ans : “Ce n’est pas une crise, c’est un changement de monde”. New deal, reboot, chacun l’appelle comme il veut… Il ne s’agit donc pas de trouver juste une solution pour une dynamique commerciale mais de trouver la voix pour aider les collaborateurs, les entreprises, les marques, les pouvoirs publics à reconstruire ce nouveau monde. Vaste sujet. L’agence a depuis plusieurs années enclenché une réforme en profondeur autour de la “bénévolence”, construite autour de deux valeurs clés : la responsabilité et l’utilité dans le quotidien des gens. Nous avons la chance que cette philosophie nous donne une colonne vertébrale pour structurer notre avenir, pour apporter des réponses à nos collaborateurs sur la raison d’être là. Quel sens je mets dans mon métier, qui, au coeur de la consommation, est perçu comme l’origine du mal et en même temps le remède. Nous travaillons avec tous les collaborateurs du groupe (Change/Change Shopper, Change Tech, Change Design, Quadrature, Brand Station) sur une manière nouvelle de travailler qui sera opérationnelle à la rentrée. Nous avons aussi lancé le mouvement “retrouvons-nous en France” avec un collectif de marques pour aider les Français à partir en vacances. C’est l’engagement de l’agence de sortie de crise pour contribuer à la relance économique du pays et des entreprises. Pour structurer la relation des marques avec leurs clients qui est bouleversée, leur permettre de passer à l’acte en utilisant la “bénévolence” comme cadre de leur transformation positive, il est urgent que les marques transforment leur “raison d’être” en “raison de faire”. Enfin, pour utiliser la création, l’innovation, le pouvoir des idées afin de trouver le bon ton informatif, positif, citoyen, transparent, ludique… c’est aussi le rôle des marques : celles qui trouveront leur voix sortiront grandies de cette crise. »

 

Stéphane Amis, directeur général de Valtech en charge de l'agence en France

« Inédit est le terme adéquat pour qualifier ce qui s’est passé et ce qui se passera dans les mois qui viennent. La première chose qui vient à l’esprit, c’est le télétravail, pour lequel les grèves ont joué le rôle d’entraînement grandeur nature. S’il existait des doutes quant à la capacité à mener à bien certaines tâches exclusivement dans ce cadre, elle se situaient plutôt du côté de nos clients. L’expérience a montré que cela fonctionne et cela s’apprend. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que ce mode opératoire a fonctionné avec une date de fin en ligne de mire. Il ne faut pas confondre un 100 mètres et un marathon et, à ce titre, avoir exclusivement recours au télétravail paraît inenvisageable. L’objectif est de tirer les enseignements positifs de cette crise pour adopter des modes de travail plus flexibles. Mais ces choix ne doivent pas être faits dans l’urgence, il faut se méfier des effets d’annonce réalisés à chaud. Il faut aussi retrouver le lien social avec les collègues et c’est la raison pour laquelle il n’est pas question de raisonner en termes d’économies d’infrastructures grâce au télétravail. Prendre de telles décisions en partant sur des économies potentielles et un calcul purement économique serait une erreur. Il s’agit aussi de renouer le lien avec les clients, qui ont parallèlement fait un bout de chemin ces dernières semaines. Cette crise va permettre d’accélérer sur de nombreux sujets de fond préexistants tels que l’organisation du travail, le rôle sociétal des entreprises ou l’écologie. »

 

Jean-Luc Bravi, président de DDB Paris

« Comment “rebooter” son entreprise ? La recette miracle n’existe pas. Depuis deux mois nous assistons à l’éclosion de professeurs de marketing, de théoriciens à la science infuse, qui sont loin des marques et de leur réalité. Pour bien conseiller un client, il faut le connaître en profondeur. Chaque marque est unique. Volkswagen, McDonald’s, Hennessy ou L’Équipe, marqués différemment par la crise, ne vont pas réagir de la même façon. En ce qui concerne le redémarrage, chez DDB, notre méthode consiste à revenir aux fondamentaux du commerce, la base même d’une vente réussie. Nous oublions que notre métier de publicitaire est plus proche qu’on ne le croit des vendeurs à la criée. Sur chacune de nos marques, nous recherchons “l’insight commerçant”, la “vérité marchande” de ce moment particulier qui va résonner au coeur du public. Ce qui va être difficile à gérer, pour les marques, c’est la tension contradictoire court terme/long terme ou relance/refondation. Dans un premier temps, les marques doivent se relever économiquement. Ce temps-là, c’est “tout est permis” pour s’en sortir, avec des prix extrêmement bas et, pour certains, des productions indignes. Comment faire autrement, avec plus de Français dans la précarité ? Le poulet à 3 euros ou le Paris-Palma à 20 euros risquent de réapparaître et nous savons tous que ces prix représentent le vrai problème de la planète. Dans un deuxième temps, les marques devront s’engager dans des stratégies de refondation. Il faudra avoir les nerfs solides pour garder le cap, maintenir la vision d’un monde meilleur alors que pendant un certain temps (3 à 5 ans) la tentation du monde d’avant, plus facile et plus rentable, sera toujours là. L’équivalent d’une cure de désintoxication pour certains… Les dirigeants qui n’auront pas pris les mesures nécessaires auront détruit leur entreprise et trahi leurs salariés. »

 

Florence Jacob, présidente de l'APFP et productrice

« Comme la plupart des producteurs, nous étions en tournage au moment où le confinement a été prononcé. Il a fallu mettre en place un plan d’urgence. Tout d’abord, nous avons établi un protocole juridique avec le cabinet OX Avocats, afin d’encadrer les annulations de tournage. Ensuite, avec notre délégué Xavier Prieur, nous avons travaillé sur un protocole sanitaire (84 recommandations) en vue de la reprise des tournages, en collaboration avec l’AACC, à destination des producteurs de films publicitaires. Nous avons échangé avec l’AACC et l’Union des marques concernant l’après-confinement. Comme nous ne savons pas quand les frontières rouvriront, nous encourageons la relocalisation des tournages en France – qui permettra de relancer l’économie locale – et invitons à prioriser les talents français, ou à élargir aux Européens. Nous estimons recréer 20 000 emplois dans le secteur. Autre problème sur lequel nous travaillons : le financement de la production publicitaire. Elle ne bénéficie d’aucune aide, c’est pourquoi nous cherchons à obtenir un crédit d’impôt, conditionné à la relocalisation des tournages en France. Les compétitions coûtent très cher, surtout du côté des producteurs qui sont considérés comme des auto-entrepreneurs et financièrement parlant, c’est parfois très difficile. Cette crise va indéniablement remettre l’expertise du producteur en avant, il sera de son rôle de faire respecter le cadre sanitaire lors des tournages, il est responsable au niveau pénal. Nous attendons aussi une amélioration des rapports durant les compétitions, devenus trop pressurisantes. Nous avons donc constitué un modèle de brief qui donnera un cadre pour la bonne organisation des compétitions, s’appuyant tout simplement sur ce qui est déjà fait à l’international. »

 

Sylvia Vitale Rotta, fondatrice et CEO de Team Créatif Group

« Travailler à distance ne pose aucun problème pour nos équipes. Des années de collaboration avec l’international nous avaient déjà familiarisés avec les systèmes vidéo. Cette crise sanitaire a confirmé que les process de travail installés dans l’agence depuis plusieurs années et la digitalisation des disciplines strategic creative, de gestion, nous a permis d’être tous opérationnels dès la veille du confinement. L’éloignement du confinement nous a rapprochés, a fédéré encore plus l’ensemble des membres de l’agence, et noué plus fortement les relations avec nos clients, révélant à quel point nous sommes de véritables partenaires. L’après ? Plusieurs enseignements à tirer de cette période dans nos pratiques : cela met en exergue l’inutilité de participer à des pitchs… Des compétitions surtout souvent très mal rémunérées. En temps de crise, ces pitchs sonnent trop superficiels, alors que la recherche de l’efficacité créative, stratégique et l’essentiel de survie, étaient plutôt l’exigence primaire… tout comme la conviction que nous devons aider nos clients à aller toujours plus vers la RSE. Toutes nos agences sont déjà engagées dans une démarche de certification B Corp, et nous investissons plus chaque jour sur le développement de services dédiés à la RSE. Packagings éco-conçus, design de magasins au service de l’humain… Demain, avec nos clients, nous irons encore plus loin, et les accompagnerons au quotidien avec des pratiques exemplaires. »

 

Guillaume Pannaud, président de TBWA France

« Envie

L’envie de s’y remettre. À plein régime.

L’envie de se retrouver. Même derrière un masque.

L’envie de tout transformer. Nous, et nos clients avec.

L’envie de re-pouvoir lire dans un regard une approbation.

Ou une désapprobation.

L’envie de re-surprendre une conversation dans un

couloir.

Un “je crois qu’on peut faire mieux”.

L’envie de travailler autrement.

L’envie de descendre un étage.

Et de discuter, sur un canapé, avec les créatifs.

L’envie de monter un étage.

Et de passer une tête chez un commercial.

L’envie de rester à l’étage et d’échanger avec le

planning.

L’envie d’aller chez les clients.

L’envie de donner envie à ceux qui ne sont pas encore

clients.

L’envie de retrouver le café de Pierre, de Régis, de

Jérôme.

L’envie de sortir émerveillé du bureau de Ben & Faust.

L’envie de partir déjeuner, comme ça, à l’improviste.

Parce qu’un déjeuner s’est annulé.

L’envie d’avoir des nouvelles d’un tournage, d’une

prise de vue.

D’entendre un “je crois que ça va être bien”.

L’envie de chercher, de trouver, de se tromper ensemble.

Pour mieux recommencer.

L’envie de répéter un new business en salle 23.

L’envie de retrouver l’open-space que nous partageons

avec Anne.

L’envie de passer chez Jean-Marie.

Pour vider mon sac.

L’envie de ressentir l’esprit des lieux.

De l’agence, du groupe.

L’envie d’entendre le bruit du baby-foot et d’une partie

de pétanque.

L’envie d’accueillir un nouveau talent.

L’envie de communiquer mon envie.

L’envie d’arrêter d’écrire des tribunes sur le monde

d’après.

L’envie de vivre le monde d’après. »

 

Bruno Tallent, président et CEO de McCann Worldgroup

« Il ne s’agit pas de relancer l’agence puisqu’elle ne s’est jamais arrêtée ! Il s’agit plutôt de continuer à adapter le fonctionnement de l’agence dans un monde reconfiguré par la crise sanitaire. D’un point de vue logistique, la sortie de confinement pour McCann Worldgroup France correspond plutôt à un processus de pérennisation du mode télétravail, avec une ouverture graduelle de l’agence dans les prochains jours pour les collaborateurs qui en auraient le besoin. Nous adaptons les locaux pour garantir la sécurité des collaborateurs à leur retour. Nous rouvrirons dans un premier temps sur la base du volontariat. L’idée n’est pas d’organiser un retour à la “normale” mais de construire les bases d’un nouveau mode de fonctionnement. “L’Après” va correspondre à une hybridation des deux modes de travail, nous allons rentrer dans le monde du “et” plutôt que du “ou”. L’enjeu est de construire un nouvel équilibre. D’abord, sur le plan professionnel, il faudra réinventer les moments, redéfinir les règles : quand est-il vraiment nécessaire que nous soyons ensemble et pourquoi ? Et ensuite, sur le plan individuel, le télétravail pose de vraies questions sur la répartition de notre vie privée et de notre vie professionnelle. La distinction géographique travail/maison nous facilitait la tâche mais la disparition de cette binarité nous invite à repenser notre rapport au travail et à sa temporalité. Il est de notre responsabilité d’écrire avec tous les acteurs ce nouveau monde professionnel. »

 

Bertille Toledano, présidente de BETC

« Rédémarrer ? On ne s’est jamais arrêtés. Ce qui nous arrive, c’est une crise de la com et de la pub. Notre activité n’a pas baissé. Nos revenus ont baissé. Dans le domaine de l’événementiel, il y en a pour des mois pour se remettre… Toutes les agences travaillent sur des scénarios de baisses de revenus de 15 à 30 % cette année. La première chose que nous allons faire, c’est une étude sur le télétravail pour bien comprendre les besoins de chacun. Le télétravail sera la règle. Pantin est un bâtiment immense et les mesures d’hygiène sont colossales à mettre en place. Depuis trois ans, nos salariés effectuent un jour par semaine de télétravail. La crise aura accéléré la transition numérique et permis de voir tout ce que l’on peut réaliser en télétravail, mais aussi tout ce qu’on ne peut pas faire. Personnellement, j’ai l’impression d’avoir passé deux mois sur mon iPhone ! Dans les processus de co-création, la dialectique est plus compliquée en réunion Teams à 15… Ensuite, comment on relance ? En privilégiant l’emploi : une fois qu’on a perdu un talent, on ne le retrouve pas ! Puis, en protégeant nos salariés d’un point de vue sanitaire. On va s’inscrire dans un temps long. Nous avons toujours été très positionnés sur le développement durable. Et en ce moment, plus que jamais, la publicité, c’est de rendre public dans la cité. Ce qu’on vit, c’est la refonte du collectif et du contrat social : on a vu que les entreprises s’étaient mobilisées. Pour que le changement s’opère, il va falloir rebooter notre modèle social et notre imaginaire. La pub a ce pouvoir. Je ne suis pas d’accord avec le président : la lutte conte cette pandémie n’est pas une guerre. Il n’y aura pas de traité de paix. Tout se passera par petits pas, avec une énorme responsabilité. Cette crise marque la fin de 40 années d'individualisme absolu et le retour à la solidarité. »

 

Frédéric Bedin, président du directoire du groupe Hopscotch

« Ce que dit cette crise à propos du marché de la communication, c’est qu’il est loin d’être aussi indispensable qu’on pouvait le penser. Certes, la communication n’a jamais été aussi présente que ces derniers mois mais il s’agit d’une communication majoritairement non monétisée ! Cela soulève à nouveau la question centrale du financement des médias et par extension de leur rôle dans la démocratie. Pour ce qui est du groupe Hopscotch, la crise a eu des effets contrastés sur les différentes activités. En dépit de certains clients dans la restauration ou l’entertainment, l’activité du pôle relations publics reste soutenue. Le pôle marketing digital a profité de l’essor des réseaux sociaux durant le confinement. Quant à l’événementiel, il a paradoxalement prouvé toute sa valeur par sa disparition. Entendre Emmanuel Macron qualifier l’événementiel de secteur essentiel pour le pays est une reconnaissance. Le coût à payer est élévé mais le secteur en sort légitimé. Car si le digital a montré qu’il pouvait jouer le rôle de roue de secours via la digitalisation de certains événements, il a aussi montré ses limites. Rien ne remplace les relations humaines et les événements physiques, ne seraitce déjà que pour nourrir les contenus ou les stratégies d’influence. C’est pourquoi, même si on ne sait pas encore quand ces événements pourront se dérouler, une reprise et même une augmentation sont à prévoir, assorties d’un processus sanitaire en gage de sécurité. C’est aussi la raison pour laquelle, exception faite des équipes consacrées au Salon de l’Auto, le groupe tente de préserver au maximum les effectifs. Et c’est enfin la raison pour laquelle le monde d’après ne différera pas fondamentalement du monde d’hier et d’aujourd’hui. »

 

Frédéric Messian, président de Lonsdale

« Cette crise a signé pour le monde des agences la fin des gourous, dont les dogmes ont été cruellement démentis par les faits. On aborde un tout autre modèle, plus axé sur l’écoute au sens large. S’il fallait retenir deux autres enseignements sur lesquels bâtir, ce serait la fluidité qui est née avec les clients ainsi que la valeur de l’humain, qui constitue plus que jamais l’actif principal dans nos métiers. Pour l’heure, il s’agit donc de conserver cette nécessaire agilité tout en définissant véritablement les grands axes de ce new deal. Pour les 250 collaborateurs, même si la réouverture des locaux se fera progressivement à compter du 25 mai, le temps de présence n’est plus un sujet. Ce serait une hérésie de contraindre les salariés à venir systématiquement et il faut s’attendre à une généralisation du télétravail. Cette crise va nous pousser à inventer des modes de collaborations neufs, à mi-chemin entre le salariat à plein temps et le statut pas encore assez protégé de freelance. Ces changements auront des répercussions sur l’organisation physique de l’espace et sur le modèle de l’agence, qui s’adapte en passant par exemple d’un reporting mensuel à hebdomadaire. À notre échelle, on va faire la révolution avec un plan de route défini pour les cinq prochaines années. Côté clients, la situation est moins avancée puisqu’il s’agit de discussions bipartites. Mais des pistes existent. Des réunions physiques, chronophages, n’auront plus lieu d’être au profit de modes alternatifs comme les visoconférences. Il faut aussi revoir le modèle traditionnel coûteux des compétitions et le mode de rémunération des agences en privilégiant des paiements échelonnés tous les mois plutôt que les contrats annuels retribués au travers d’un scope. Les deux parties peuvent y trouver leur intérêt. »

 

Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions

« Pendant la crise sanitaire, France 4 a été un bon complément pour l’enseignement à distance auprès d’élèves qui ont du mal à accéder au numérique. On touche ainsi 1 million d’enfants par jour. Avec la reprise des cours, il y a de la place pour un projet éducatif assez fort aux heures où les enfants sont devant la télé et pour l’accompagnement des parents. Dans l’hypothèse où le gouvernement déciderait de surseoir à la fermeture de France 4, nous travaillons à une ligne éditoriale ludique, éducative et en soutien des parents. Nous avons beaucoup appris sur la place de l’éducation, de l’information et du divertissement. J’ai décidé qu’il fallait mettre à profit cette période pour aménager nos grilles et réfléchir à l’après à travers un pacte de transition jusqu’à la fin de l’année. Les grilles de rentrée, les innovations, seront pour janvier. Nous avons déjà consulté pour cela les salariés et nous lançons une enquête citoyenne d’envergure en septembre pour interroger nos téléspectateurs. Nous allons aussi nous entourer d’intellectuels d’horizons divers pour nous aider à repenser la télévision. J’ai envie de renforcer l’utilité publique de France Télévisions. Nous avons décidé de soutenir la création, où nous pesons plus de 50% des investissements, en raccourcissant nos délais de paiement, ou en passant des conventions pour continuer les développements. Nous discutons aussi avec les producteurs pour voir comment les soutenir face aux surcoûts liés à la crise. Au-delà de ces mesures d’urgence, nous devons être un partenaire de la relance. En débloquant 20 millions d’euros supplémentaires, nous avons réinvesti dans la création ce que nous n’avons pas mis dans le sport. Comme il va être difficile de faire des tournages longs, nous avons favorisé le développement d’unitaires qui sont tournés sur des périodes plus courtes, moins exposés au risque sanitaire. En tant qu’entreprise contributrice à la création, je soutiens mes collègues du privé. Comme nous, ils sont durement touchés par la baisse de la publicité. Nous pouvons craindre que les annonceurs ne reviennent pas mais aussi qu’au moment de la relance ils basculent encore plus en faveur des Gafa. Je ne sais pas s’il faut un crédit d’impôt mais tout ce qui permettra de préserver l’investissement privé dans les médias locaux est une bonne politique. »

 

Claire Léost, directrice générale de CMI France

« Nous avons continué à boucler et imprimer tous nos titres, de Télé 7 Jours à Public, en télétravail. Marianne a progressé de 22,3 % versus 2019 pendant la période de confinement, avec +66,4 % pour le numéro du 24 avril. Son côté anti-élite et institution a séduit davantage de lecteurs. Alors que 18 % des ventes de Elle sont réalisées en Relay, qui étaient fermés, le journal affiche +1,5 % sur la période. Les abonnements digitaux et papiers ont été satisfaisants. Et les audiences digitales ont explosé avec +150 % pour Marianne. Les annonceurs, luxe et beauté notamment, ont déserté. En avril, notre chiffre d’affaires publicitaire est de −50 %. Les secteurs de l’auto et la grande distribution reviennent, avec des messages moins agressifs en marketing et plus pédagogiques. Il n’y aura pas de retour à la normale avant juin. Cette crise nous incite à repenser la vie d’après. On s’adapte. Nous avions un accord de télétravail d’un jour par semaine pour la régie et le digital. Nous allons l’étendre à tout le groupe. Finis les clichés au bout du monde. Notre “spécial mode” d’août sera photographié à Marseille et en Baie de Somme. Le Elle mexicain a réalisé une couverture à l’aide d’un drone, dans le jardin d’un top model. Nous repensons notre activité événementielle. Elle Active se déroulera en octobre avec 180 à 200 personnes au lieu de 2 000. Mais nous proposerons webinars, interventions à distance et coaching en tête-à-tête via Zoom. Enfin, nos hors-séries et nouveaux magazines, notamment le bimestriel décomplexé pour les quinqua dont Sophie Davant assure la rédaction en chef, ont été reportés. Nous attendons la relance du trafic dans les gares et aéroports. À l'inverse, le paywall du site de Elle a été avancé, avec succès. »

 

Gilles Pélisson, PDG du groupe TF1

« On se projette vers le futur en imaginant toutes les solutions pour accompagner nos annonceurs et notre public. La protection des collaborateurs prime. Nous avons dit à tout le monde qu’il n’y avait aucune urgence à revenir dans les bureaux et qu’on privilégiait, en ligne avec les recommandations du gouvernement, le télétravail. En fonction de l’évolution de la pandémie, nous espérons reprendre une activité de plus en plus normale d’ici à juin, en ayant tiré certains enseignements du télétravail et de la façon dont on peut avoir une vie professionnelle différente de celle qu’on imaginait auparavant. Sur le plan publicitaire, en tant que leader du marché, nous aurons à coeur de protéger la valeur, car nous savons que dans une guerre de prix, tout le monde est perdant. Le deuxième enjeu sera d’accompagner la relance de l’économie française. Notre pays a été très touché par la crise ; il faut donner envie à nos concitoyens de reprendre goût à la vie, de se projeter dans l’avenir avec une liberté retrouvée mais avec de nouveaux réflexes et de nouvelles exigences, notamment dans leur consommation. Sur ce point, les marques et la publicité ont un rôle à jouer, tout en répondant aux attentes d’information sur les produits et services de façon à créer des liens de confiance durables entre les entreprises et les clients. C’est pourquoi nous soutenons avec d’autres organisations professionnelles comme l’Union des marques et l’Udecam la mise en place d’un crédit d’impôt en faveur des annonceurs pour relancer la machine. Il s’agit avant tout de dynamiser la reprise économique de notre pays, et pas simplement d’aider le secteur de la publicité. Nous espérons aussi voir les bénéfices du Médiamat 2020 [la mesure de l’audience télé hors domicile par Médiamétrie] au fur et à mesure que les Français vont redécouvrir le nomadisme, la mobilité. »

 

Nicolas de Tavernost, PDG du groupe M6

« Cette crise a montré l'importance des médias historiques. Nous avons gagné des parts de marché sur nos antennes W9, M6, 6ter et Paris Première, et RTL en écoute digitale a gagné +45 %. Mais nous avons perdu la plupart de nos clients. Nous avons choisi d'être très flexibles et réactifs. L'adaptabilité, c'est notre maîtremot. D'abord, pour notre offre de programmes, avec une politique de réduction des coûts en écourtant Top Chef ou en supprimant l'inédit des Marseillais le vendredi. Des mesures adaptables quasi instantanément. D'ailleurs, nous poursuivons l'émission de Cyril Lignac, Tous en cuisine, qui dispose de quatre parrains en juin. Nous discutons d'un retour à la rentrée. Nos tournages du Meilleur pâtissier, de La Meilleure boulangerie et de Incroyable talent devraient reprendre en juin. Nous avons eu recours au chômage partiel pour 30 % de notre volume d'activité. Il peut se prolonger jusqu'au 30 juin mais nous assurons le maintien du salaire. Concernant la relance publicitaire, je reste prudent même si mai s'annonce moins mauvais qu'avril. La tendance se poursuivra-t-elle en juin ? Certains annonceurs (automobile, distribution spécialisée…) reviennent. Car l'e-commerce ne remplace pas le commerce. Il ne représente que 5 à 10 % du volume d'activité dans certains secteurs. Et nos antennes, dont la synergie a permis par exemple à Cuisine AZ de devenir le deuxième site français du secteur, sont là pour faciliter cette reprise du trafic. Nous avons demandé aux pouvoirs publics de nous aider, via un crédit d'impôts pour inciter les annonceurs à investir, la possiblité de diffuser des films le samedi et la publicité adressée. C'est en discussion. Et nous accompagnerons, via nos médias, la réouverture des cinémas. »

 

Jean-Charles Decaux, président du directoire du groupe JCDecaux

« Notre média est un très bon baromètre de l’économie réelle. Dès lors que le déconfinement est prononcé, même s’il est progressif et sécurisé, l’économie redémarre. Les marques reviennent chez nous et contribuent à la relance : 1 euro investi en communication fait un peu plus de 7 euros de création de PIB. Les médias ont donc un rôle fondamental à jouer pour recréer de la dynamique de croissance. Réussir le déconfinement est l’enjeu majeur de notre pays et de tous les pays qui doivent sortir de cette phase extrêmement pénible. Le pessimisme est d’humeur et l’optimisme, de volonté, dit-on. J’aime cette phrase. Cela n’empêche pas d’être réaliste. Il nous faudra appliquer très rigoureusement les gestes barrières. Je parie sur la volonté de nos concitoyens de reprendre très vite une vie normale. Notre raison d’être est d’améliorer durablement la vie en ville de nos concitoyens. Dès le départ de l’épidémie, nous avons lancé sur les abris d’autobus et les sanitaires des récepteurs de solutions hydroalcooliques, à Paris et à Los Angeles, pour rendre l’espace public plus sûr, comme on l’a fait avec les abris voyageurs, les vélos, les kiosques… Ces produits et services tirent leur légitimité d’usages répétés et quotidiens. . Des dizaines de villes s’intéressent à ce produit. Une hygiène partagée dans l’espace public sera quelque chose d’important pour les générations qui viennent. Un espace protecteur est une des conditions de la relance. Il nous faut trouver des produits qui sont des phares et jalonnent le parcours de nos concitoyens. Nous travaillons sur la question des masques ou des relevés de température. La légitimité de JCDecaux sur le domaine public est d’apporter des services qui changent la vie des gens. Il ne faut pas baser la reprise sur un sujet purement économique. Pour que les gens consomment, il faut qu’ils soient rassurés sur le contexte dans lequel ils se trouvent. »

« Nous pouvons tirer deux enseignements
de cette pandémie qui a entraîné
une détérioration importante
de l’environnement économique, en
particulier pour notre secteur avec
la fermeture des bars, hôtels, clubs
et restaurants.
D’abord, cette crise globale est révélatrice
d’une formidable capacité de
mobilisation. Les actions collectives
et créatives de nos salariés ont permis
dans l’ensemble du groupe de
fournir 2,5 millions de litres d’alcool
pur et de produire 775 000 litres de
gel hydroalcoolique sur nos installations,
parmi bien d’autres initiatives
dont nous pouvons être fiers.
Le deuxième enseignement est
qu’elle aura été le révélateur d’un
besoin essentiel de convivialité. Partout
dans le monde, les mesures de
confinement puis les règles de distanciation
ont éprouvé notre besoin
d’être ensemble. Aussi utile soit-il, le
digital ne peut pas se substituer à la
réalité de la rencontre, à la spontanéité
d’un réel moment de partage.
Cela renforce ma conviction que
notre monde a besoin de recréer de
la convivialité. Cela a toujours été
notre vision, et je crois qu’elle n’a jamais
été autant d’actualité.
Le monde a changé, sans doute
de façon irréversible, et les individus
avec lui. Le confinement nous
a conduits à nous interroger sur ce
qui compte réellement. Loin de rester
passifs au cours des 60 jours de
confinement, et au-delà de la mobilisation
pour participer à la lutte
contre la pandémie, nous avons activement
travaillé à ce monde d’après.
Pour ne citer qu’un exemple, nous
venons de fixer à 2021, avec plusieurs
années d’avance, la suppression
des objets promotionnels en
plastique à usage unique sur tous
nos points de vente dans le monde.
Les consommateurs attendaient
des actes de la part des entreprises,
ce seront désormais des injonctions
de leur part. Cette aspiration
à mieux intégrer les considérations
environnementales et sociétales
dans de nouveaux modes de vie et
de consommation, conjuguée au besoin
d’être ensemble, vont durablement
façonner notre société. »
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