Interview
Hopium est une nouvelle marque de voitures françaises à hydrogène haut de gamme. Son fondateur, Olivier Lombard, pilote de course trentenaire, nous partage sa vision et ses ambitions.

Depuis que vous avez présenté le concept de voiture à hydrogène Hopium Machina fin septembre, vous avez eu beaucoup de retombées presse. Est-ce que vous vous y attendiez ?

Je savais qu’il y avait une vraie mouvance pour l’hydrogène mais je ne pensais pas que c’était à ce point !

Pensez-vous que cet engouement soit lié au côté haut de gamme de l’auto, segment historiquement délaissé par les marques françaises ?

Pour promouvoir l’hydrogène, nous avons besoin d’un produit qui parle. C’est l’un des rôles de la Machina. Elle sert de vitrine design et technologique. Elle doit être aspirationnelle. Beaucoup comparent Hopium à Tesla. C’est vrai que c’est aussi ce qu’ils ont fait : arriver avec un beau produit [Roadster puis Model S] afin de faire rêver, de susciter l’envie auprès du plus grand nombre pour démocratiser l’électrique. La Machina doit remplir ce rôle avec l’hydrogène. Et en plus, elle est française.

Qui est Hopium ?

Le projet a démarré il y a deux ans, la société [Hydrogen Motive Company] a été créée en 2019. L’idée était de voir comment on pouvait imaginer la voiture de demain avec cette technologie. Mon statut de pilote de développement de voitures de course à hydrogène [pour Green GT et la Mission H24] permettait d’apporter une expertise. En testant l’hydrogène sur circuit, je me suis rendu compte que cette technologie était à maturité pour un véhicule haut de gamme.

Comment un jeune pilote de 29 ans se dit qu’il va lancer une nouvelle marque automobile ? Avez-vous suivi une formation business particulière ?

J’ai un parcours de lycéen, et de pilote, mais j’ai toujours eu un esprit d’entrepreneur avec beaucoup d’idées. Je n’avais pas trop le temps jusqu’à maintenant mais ça me trottait dans la tête. Et puis j’ai ce rôle de pilote de développement, ce qui m’offre une expertise unique. Personne n’a autant de kilomètres que moi dans une voiture de course à hydrogène. Avec Hopium, je m’inscris dans cette continuité. Et puis je ne pense pas être trop bête. L’une des clés est de savoir bien s’entourer. C’est une logique que j’ai eue dans le sport automobile : quand on a un objectif, on veut être le meilleur, alors on veut s’entourer des meilleurs

Qui avez-vous réussi à attirer et combien de personnes travaillent sur ce projet ?

J’ai pu recruter Felix Godard comme chief designer officer. Il a travaillé sur la Taycan [première Porsche électrique], puis est passé chez Tesla et Lucid Motors. Au total nous sommes une quinzaine de personnes, de designers, modeleurs et ingénieurs spécialisés dans la pile à combustible. Pour travailler sur le premier prototype, il n’y a pas besoin d’être beaucoup.

Bénéficiez-vous de synergies avec la filière hydrogène du Mans, portée notamment par l’Automobile Club de l’Ouest ?

Non car nous sommes implantés en région parisienne, mais nous réfléchissons en effet à nos prochaines étapes et à notre implantation future. Le Mans pourrait être très logique compte tenu de mon background et des énergies qui sont mises en œuvre en région Pays de la Loire.

On dit qu’il faut 1 milliard d’euros pour lancer une voiture. Confirmez-vous ce chiffre ?

Oui, c’est ce genre d'enveloppe. C’est l’enveloppe moyenne, comme pour Lucid ou Nikola. Nous avons des partenaires financiers [dont Truffle Capital, selon nos informations] qui incluent des business angels français. Par la suite nous envisageons plusieurs phases de montée en puissance, voire une introduction en Bourse en 2021.

Un milliard, c’est beaucoup. Cela ne vous fait pas peur ?

Je pense que mon background de compétiteur y est pour beaucoup. Je me dis que c’est le rôle d’un entrepreneur de ne pas avoir froid aux yeux et de se lancer quand certains paramètres sont ouverts, comme le plan gouvernemental [7 milliards d’euros d’ici à 2030], la technologie et des paramètres très favorables. Ce qui m’a décidé dans ce projet, c'est que j’ai fédéré les gens qu’il fallait où il fallait. Financièrement, l’enveloppe budgétaire ne me fait pas peur… surtout quand on voit les montants levés pour certains projets qui n’ont pas vocation à changer l’environnement. Là c’est ambitieux, mais ce n’est pas grand-chose à l’échelle mondiale.

Hopium et Machina : d’où viennent ces noms et que signifient-ils ?

Hopium est assez poétique. Le terme est inspiré de l’opium, qui a toujours à voir avec la recherche de rêve. Ici, nous rêvons d’hydrogène. Hopium a un côté disruptif par rapport aux autres marques de start-up. Nous avons voulu marquer le coup, faire quelque chose d’osé. Et Machina renvoie à l’homme-machine, avec l’idée de vouloir réconcilier l’homme avec l’automobile… surtout en France.

Pourquoi choisir un positionnement haut de gamme ?

Aujourd’hui la technologie hydrogène est encore chère, donc c’est une façon de justifier le prix, même s’il baissera à l’avenir. Je pense aussi qu’une berline haut de gamme, c’est le bon segment pour séduire. Nous voulons arriver par le haut pour montrer la technologie au marché, entrer dans une phase de séduction et susciter le rêve, comme un enfant qui rêve de rouler en telle voiture de sport.

Comme DS Automobiles, pourquoi ne pas avoir choisi un SUV d’abord ?

Nous avons voulu que ce premier véhicule allie à la fois esthétique, performance et autonomie. La berline est apparue comme étant le meilleur choix, notamment par son poids ou encore sa silhouette permettant une résistance à l’air moins importante que le SUV et donc une autonomie optimisée. 

Quel est votre regard sur le marché automobile français ?

Les constructeurs ont plutôt pris virage de l’électrique. Ils n’ont d’autre choix que d’aller au bout, mais ils ont tous l'ambition d’aller sur hydrogène, avec les utilitaires et les transporteurs. Je vois ça d’un œil bénéfique car cela va stimuler le besoin en stations de recharge et encourager le développement d’infrastructures.

Est-ce que Tesla vous a inspiré ?

Elon Musk a été une inspiration pour se dire que c’est possible. Il a créé sa marque. Donc je dirais qu’il m’a plus inspiré sur le volet de l’ambition entrepreneuriale. Pour ce qui est de la marque en revanche, nous n’avons pas vraiment d’inspiration à part l’idée d’être sur le haut de gamme. Il faudra que l’on essuie les plâtres.

Pourquoi avoir choisi l’hydrogène ?

D’abord parce que je suis pilote de développement sur une auto à hydrogène, mais aussi parce que j’aime à dire que l’hydrogène, c'est le futur de l’électrique. Il coche tellement de cases [temps de recharge, autonomie, volume occupé] qu’il ne peut pas en être autrement, même si dans un premier temps il faudra des batteries.

Pourtant l’hydrogène reste polluant à produire…

Il y a trois sortes d’hydrogènes : gris, bleu et vert. Le gris n’est pas très cher mais polluant, alors que le vert ne l’est pas, mais il coûte encore cher. Nous allons d’un point A à un point B, et pour l’instant nous en sommes plutôt au point A. Encore un peu de patience et nous aurons un hydrogène vertueux.

Comme Tesla ou certains acteurs chinois, imaginez-vous intégrer la production d’hydrogène afin de maîtriser la chaîne de valeur ?

Non, nous ne voulons pas partir sur la production.

Allez-vous vous appuyer sur la compétition et notamment les 24 Heures du Mans pour promouvoir la marque Hopium ?

Ce qui est prévu est de présenter le prototype lors de la prochaine édition en juin 2021. De là à vous dire qu’il y aura un jour une Hopium en course, je ne sais pas.

La compétition est-elle toujours le passage obligé pour éprouver une technologie et faire rayonner une marque ?

J’ai étonnamment du mal à comprendre ça. Sur la route, les vitesses sont limitées et il y aura de plus en plus de voitures autonomes. Donc rechercher une voiture qui a des performances de folie n’a plus de sens. C’est pour ça que la Machina sera certes performante, mais limitée à 500 chevaux, ce qui me semble un bon équilibre. La puissance n’est que du marketing. Je pense que les gens vont plus chercher une voiture dans laquelle ils ont du confort.

Que prévoyez-vous comme actions pour faire connaître Hopium ?

Nous prévoyons pas mal d’opérations marketing afin d’offrir des expériences immersives dans le cadre d’événements. Le prochain rendez-vous aura pour but de dévoiler notre plateforme technologique. Espérons que le contexte sanitaire le permette.

 

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