Communication
Comment le Sell, le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, communique-t-il autour du jeu vidéo ? Quels messages porte-t-il en priorité ? Éléments de réponse.

Décembre : un mois stratégique pour les éditeurs de jeux vidéo, qui doivent séduire pour que leurs consoles se retrouvent au pied des sapins. De son côté, le Sell (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs) qui représente les acteurs du marché, profite lui aussi de la période pour faire de la sensibilisation. Il a dégainé le 2 décembre, sur ses réseaux sociaux, une campagne, didactique sur le fond et pour le moins modeste sur la forme, ciblant les parents des plus jeunes joueurs et appelant à utiliser les systèmes de contrôle parental. « C’est une campagne à valeur d’information et d’éducation : autant aller droit au but. Nous nous sommes voulus les plus clairs possibles », défend Julie Chalmette, sa présidente, qui s’est appuyée sur Crush Production pour la réalisation et comptait à la publication sur un relais de l’écosystème et des pouvoirs publics pour lui donner de l’écho.

Film documentaire

Le film, basé essentiellement sur du texte, invite par exemple à limiter le temps passé à jouer ou à encadrer les achats en ligne à l’intérieur des jeux. Selon l’étude L’Essentiel du jeu vidéo, publiée par l’organisation et sortie en novembre, 88 % des parents connaissent ces systèmes mais seulement 37 % les utilisent, un chiffre qui a progressé de cinq points en un an.

Avec ce film, le Sell apparaît dans son rôle. Chaque année, il prend la parole pour contribuer à faire évoluer les usages. En 2019, une campagne TV réalisée par l’agence Biborg, avec un relais en presse et en web, mettait en scène des conseils similaires à travers l’exemple d’une famille avec deux enfants. En 2018, pas de campagne : un court film documentaire de six minutes environ - disponible sur sa chaîne YouTube - invitait à découvrir la façon dont la classification Pegi, celle qui permet de dire à quel âge correspond chaque jeu, est attribuée. En 2017, la presse avait été le canal choisi pour faire passer le même type de message de sensibilisation. « C’est une évolution importante. Notre communication de ces dernières années a été axée sur le système Pegi. À chaque jeu vidéo correspond un âge : c’est le socle de notre communication responsable depuis la création de la classification. Cette fois, il fallait être encore plus explicite et didactique. L’initiative s’inscrit dans un paysage général où il y a une préoccupation autour du temps passé sur les écrans », explique Julie Chalmette. Le confinement, notamment, est passé par là. Le nombre d’heures passé sur les écrans a explosé. Redonnant une certaine actualité au discours.

« Passerelles »

« C’est une thématique récurrente depuis 1995. Ils misent sur l’autorégulation du secteur - par exemple, ils préfèrent se lancer eux-mêmes dans la prévention plutôt que les pouvoirs publics - et sur la responsabilité individuelle », analyse Julien Lalu, historien, spécialiste de l’histoire politique du jeu vidéo et chercheur associé au Criham, un centre de recherche de l’université de Poitiers. Et de rappeler : « Le lancement de Pegi avait été compliqué. Les parents croyaient que les logos indiquant les âges étaient des notes attribuées au jeu ».

Si la sécurité autour de l’utilisation des jeux, l’encouragement à un usage familial et serein sont des messages très présents, ce n’est pas le seul axe de communication du Syndicat. Autres partis-pris : mettre l’accent sur la dimension de création artistique et l’histoire du jeu vidéo mais aussi valoriser les joueurs. Ces ambitions se traduisent à travers différents formats, allant des documentaires, comme Game in Progress sur les coulisses de la production, à des pastilles vidéo, comme Player Profile, qui suit des joueurs en mettant en perspective deux passions, le jeu vidéo et la mode, le cinéma, le cosplay. « Notre envie était de créer des passerelles », affirme Julie Chalmette. Dernier exemple : une mini-série axée sur la mobilisation des joueurs pendant la période de confinement. Autant de contenus dont la portée varie sur YouTube, de quelques dizaines à 150 000 vues pour la vidéo la plus populaire, la campagne TV de l’année dernière.  

Cet ensemble d’initiatives s’inscrit dans un contexte où l’image du jeu vidéo s’est fortement améliorée, même s’il y a toujours besoin de communiquer autour du contrôle parental. « Selon une étude de l’université d’Oxford, le temps passé à jouer à des jeux vidéo peut être bon pour notre bien-être et donc notre santé mentale », illustre Valérie Dmitrovic, directrice générale et fondatrice du Gaming Campus, regroupant trois écoles dédiées aux métiers du jeu vidéo. Cette étude a été rendue publique en novembre. Si les atouts du jeu vidéo sont désormais reconnus, « il y a un progrès à faire sur sa place en tant que produit culturel à part entière », ajoute Raphaël Pezet, chargé de communication au sein de la maison d’éditions Pix’n Love, spécialisée dans le secteur. Reste désormais à passer au niveau supérieur.

Les éditeurs aussi font leur pub

Ces dernières semaines sont sorties deux consoles très attendues des joueurs, la PS5 et la Xbox Series X. Des nouveautés accompagnées de dispositifs de communication dédiés. D’un côté, Sony pour la PS5, après avoir en juin présenté le design de son produit, repousse les frontières de la réalité dans une série de films intitulée « Play has no limits ». De l’autre, Microsoft pour la Xbox, après aussi du teasing, a imaginé la campagne « Power your dreams », autour du rêve, et où apparaît l’acteur britannique nommé aux Oscars Daniel Kaluuya. Ces films peuvent être rapprochés : « Ils mettent l’accent sur deux éléments : l'immersion du joueur comme expérience ludique et sur le réalisme des graphiques », décrit Julien Lalu, historien spécialiste du jeu vidéo. Au-delà de ces films, les éditeurs ont précédemment mis en avant l’aspect visuel à la fois de la console et des jeux, misant, pour ceux-ci, sur le réalisme. Autre argument utilisé : la disponibilité de leurs jeux en streaming. Une façon de coller aux nouvelles pratiques à l’heure de l’émergence du cloud gaming. Signe, aussi, d’une « peur de l’arrivée de nouveaux concurrents comme Amazon », précise l’historien.

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