Santé
Elles ont pour certaines, des centaines de milliers de followers. Ces diététiciennes 2.0 sont de plus en plus présentes sur les réseaux sociaux. Entre conseils nutrition, fitness et mantra de vie, toutes leurs recommandations ne sont pas toujours bonnes à suivre...

[Dans le cadre du partenariat entre Stratégies et l'IEJ Paris, l'école de journalisme du groupe MediaSchool, certifiée par l'Etat, les étudiants du master presse écrite web ont réalisé une série de dix articles sur l'influence marketing.]

 

Vous les connaissez peut-être sous le nom de SleepingBeauty, BienDansMonSlip ou MybeautifuelFood. De leur vrai nom Marie, Margot et Sofia pèsent plus de 250 000 followers sur instagram. Autant d’oreilles attentives, et souvent jeunes, qui sont prêtes à appliquer, à la lettre, le moindre de leurs nombreux conseils. Quotidiennement, ces filles partagent sur leur réseaux sociaux des photos de leur repas, de leur cours de sport, mais surtout de leurs recommandations alimentaires.«Diminuer ou arrêter la viande» chez l’une; «Je me nourris de jus pendant trois jours» chez l’autre… Des affirmations qu’elles justifient souvent à l’aide de recherches internet, sans réelles connaissances médicales. Mal perçues côtés professionnels de santé, beaucoup d'influenceurs santé justifient leur contenu comme un moyen de venir en aide à leur communauté. C’est le cas de Nejma, créatrice du compte instagram Mahealthytendency [elle est aujourd'hui diététicienne-nutritionniste diplômée]. Quotidiennement, la jeune femme partage recettes et conseils bien-être à ses 60 000 abonnés. «J’ai commencé mon blog en 2017, avant ça je ne faisais pas du tout attention à mon corps, je mangeais uniquement ce qui me faisait plaisir. Du jour au lendemain j’ai tout changé; mon alimentation, mon rapport au sport…» Une révélation personnelle que Nejma a voulu partager. «Sur instagram j’ai découvert une vraie communauté healthy. Au début, je mettais en ligne quelques recettes et j’ai rapidement vu que ça plaisait.» Trois ans plus tard on est loin des simples idées repas puisque la jeune femme partage désormais des challenges #unmoispourêtreclean et même un ebook qui retrace ses menus hebdomadaires.Si Nejma n’a suivi aucune formation de nutritionniste ou diététicienne, elle est consciente que l’alimentation est avant tout un sujet médical dont tout le monde ne peut pas parler. «Mes abonnés me demandent souvent de les sensibiliser sur les bienfaits des aliments pour leur santé, certaines veulent même que je les accompagne dans leur perte de poids. Quand ça arrive, je les redirige tout le temps vers des professionnels de santé»

L’amie nutritionniste

 Mais alors pourquoi tant de gens décident de se tourner vers ces diététiciennes du net qui bien souvent n’ont aucune formation médicale ? «Les suivre fait du bien, parce que ces influenceurs ne donnent jamais de leçon de morale, ce sont des bonnes copines dont on a l’impression d’être proches», explique Cyril Attias, fondateur de l'Agence des médias sociaux. Des propos qui résonnent chez Cynthia Newport, 22 ans, étudiante en marketing d'hôtellerie, qui a déjà acheté plusieurs livres sur la nutrition écrite par des influenceuses. «J’ai l’impression de parler à des amies. Comme je ne suis pas en contact direct avec elles, il n’y a pas de jugement. Et puis il y a des vidéos, des livres, des photos instagram...  Je trouve ça beaucoup plus ludique que d’être assis dans le cabinet d’un médecin». Et quand on lui demande si elle serait prête à acheter des produits alimentaires dont ces mêmes influenceuses font la publicité, la réponse est sans appel: «Bien sûr! Je le fais régulièrement. Elles me font découvrir des produits que je n’aurai pas découvert autrement. Et puis si elles en consomment c’est que ça ne peut pas faire de mal.» Des pratiques qui inquiètent Pauline Beriot, diététicienne hospitalière: «Pour exercer mon métier, j’ai dû suivre une formation très complète, dans laquelle on apprend toute la science des aliments, cela ne s’improvise pas. Même si l’alimentation est un sujet qui a l’air fun, c’est très sérieux.» Pour la diététicienne, ces pratiques peuvent même s'avérer dangereuses: «Les influenceuses participent à cette injonction de la minceur, elles font croire à leur public, souvent très jeune et féminin, qu’elles ne sont pas dans la norme.» En plus de donner une mauvaise image de leur corps à ces jeunes filles, conseiller une certaine alimentation sans savoir de quoi on parle n’est pas sans risque. «Plusieurs d’entre elles vont jusqu'à promouvoir des régimes d’exclusion comme le véganisme, le paléo ou le sans gluten… Exclure tout un groupe d'aliments, c’est dangereux. Par exemple le gluten, à moins qu’on ait la maladie de coeliaque, il ne faut pas arrêter d’en manger ! On se prive d’une protéine importante qu’on trouve dans le blé, et de plus quand on cherche des produits gluten free, on finit souvent avec de l’ultra transformé». Une tendance problématique qui a déjà pris du terrain puisque 26% des Français disent suivre les conseils alimentaires qu’on trouve sur les réseaux sociaux.

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