E-commerce
Venu de Chine, le live shopping, qui s'appuie sur des démonstrations produits en direct portées par des influenceurs, commence à séduire en France. Ce téléachat moderne mobilise aussi bien les grandes plateformes comme Alibaba que les agences et les marques.

Quel est le point commun entre l'acteur Matthew McConaughey et les chanteuses Alicia Keys et Dolly Parton ? Ils ont, l’année dernière, participé à des lives sur la plateforme Talkshoplive, aux États-Unis, afin d’échanger avec leur public et lui vendre des produits, comme leur propre livre. Cette version réinventée du téléachat s'appelle le live shopping et consiste à proposer des démonstrations produits via des vidéos en direct, en recourant le cas échéant à des animateurs ou des influenceurs, afin de provoquer des ventes en ligne. « Les taux de conversion des sessions de live shopping s’établissent à 10-20 % contre 3 % en e-commerce », affirme Arick Abbou, directeur conseil e-commerce et e-retail chez iProspect, agence de marketing digital à la performance du groupe Dentsu, qui a lancé en mars 2021 une offre sur le sujet.

« Téléachat 2.0 »

Venu de Chine, où il rencontre un vif succès depuis des années, grâce notamment à des acteurs du web comme Taobao (Alibaba), le phénomène arrive en France depuis quelques mois à la faveur de la crise, qui a conduit les e-commerçants à trouver de nouvelles solutions pour faire face. Son intérêt est multiple : réhumaniser la relation commerciale, événementialiser les ventes, raccourcir le parcours d’achat au maximum en réduisant le nombre de clics des images à la validation de la commande – même si, en France, le paiement sur les réseaux sociaux n’est pas encore disponible. Le tout en misant sur le succès de la vidéo et le divertissement. « Le plus par rapport à du téléachat, c’est l’interactivité », expose Arick Abbou. « C’est une sorte de téléachat 2.0. On prend un incarnant [l'influenceur par exemple] et on intègre le consommateur final », poursuit le spécialiste. Autre intérêt, plus durable : il est possible d’enregistrer les vidéos afin d’enrichir les contenus d’un site. Et de générer des ventes supplémentaires en replay.

YouTube en phase de bêta-test

Les principaux acteurs du web sont déjà engagés dans cette nouvelle pratique. Alibaba, avec AliExpress, a lancé la tendance en France en mai 2020. Jusqu’à présent, plus de 3 000 lives y ont été réalisés, avec une centaine d’influenceurs. Des marques tricolores comme Qilive, la marque électroménager et high tech d’Auchan, Today (linge de maison) ou Cibox (informatique et mobilités) en ont fait l’expérience. Si YouTube ne dévoile pas le détail de sa stratégie en France en la matière, la plateforme est en phase de bêta-test aux États-Unis, où Facebook, de son côté, a acquis en 2019 la start-up spécialisée dans la vidéo et l’e-commerce Packagd. Pas un hasard…

De leur côté, les marques ont bien compris le parti qu’elles pouvaient en tirer. Carrefour [lire encadré], Cultura, Leroy Merlin ont fait partie des premières à se lancer, tout comme H&M, avec une session organisée sur Facebook en juillet 2020. Fnac Darty a fait du social commerce un élément structurant de sa transformation. Une cinquantaine de lives ont été organisés fin 2020. « Avec des vendeurs pour des produits de type photo ou des influenceurs comme Squeezie ou Mcfly et Carlito pour la PS5. La fréquentation va de 1 500 personnes à 1,5 million selon le thème, contre du one-to-one d’habitude », décrit Annabel Chaussat, directrice marketing et e-commerce du groupe.

Recettes en direct

Les agences, quant à elles, ne comptent pas passer à côté et rivalisent d’offres ad hoc. Outre iProspect, Heaven a déployé en février 2021 une offre dédiée allant du conseil à la production en passant par la mise en relation avec les prestataires techniques et les influenceurs. Globe Groupe s’apprête à ouvrir dans Paris un espace où les marques pourront venir filmer leurs sessions et bénéficier d’un accompagnement. Les régies des médias s’y mettent aussi. M6 Publicité s’est lancée début mars avec une offre spécifique dans laquelle, par exemple, des candidats de Top Chef pourraient en live réaliser des recettes avec des accessoires de cuisine d’un annonceur. Même chose du côté d'Unify (groupe TF1), qui met à disposition les influenceurs de son réseau ainsi que ses marques médias.

En parallèle, le marché se structure et des prestataires spécialisés émergent, comme Caast.tv, Spockee, Livescale, Bambuser ou Dailylive. Reste, pour l’ensemble des acteurs, à exploiter tout le potentiel du live shopping. Pour l’heure, seulement 24 % des Français en ont déjà entendu parler, selon une étude d’Altavia ShopperMind et OpinionWay réalisée début février. Ils étaient plus d’un sur quatre (28 %) à envisager d’y recourir dans les six prochains mois.

Carrefour, converti au live shopping

Choisir des jouets sur catalogue, la méthode a fait ses preuves. Les acheter en visionnant une vidéo de démonstration, c’est la nouveauté proposée par Carrefour à Noël 2020, en surfant sur la tendance du live shopping. « On voyait que cela marchait aux États-Unis et en Asie, et que cela allait bientôt arriver en Europe. Nous y sommes allés plus vite que prévu alors que, lors du deuxième confinement, les rayons ‘‘non essentiels’’, dont celui des jouets, étaient fermés », témoigne Thomas Rudelle, directeur du marketing digital global chez Carrefour.

Concrètement, le distributeur a monté trois lives d’une heure autour de différents produits. « Nous avons eu entre 9 000 et 15 000 personnes par show, avec des pics à 3 000 personnes en simultané », indique le directeur, qui parle de ventes à « plusieurs dizaines de milliers d’euros » pendant les lives et surtout lors des replays, portées par des offres spéciales mises en œuvre pendant les directs.

L’opération, qui s'est appuyée sur la plateforme Quidol, a été montée en 15 jours. « La clé de réussite est de rassembler autour d’une table des personnes du e-commerce (il faut mettre en œuvre un module de paiement, un mini-site jouets de Noël…) et de la marchandise, pour avoir le jouet qui fait rêver les enfants », assure Thomas Rudelle, qui insiste aussi sur l’importance de communiquer sur l’événement en amont pour séduire le consommateur, qui voit ses habitudes d’achat bousculées. L’opération devait être reproduite pour une Foire aux vins.

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