Tribune
Les marques ne se tromperaient-elles pas de combat en ne misant que sur la collecte de datas consommateurs ? Ne devraient-elles pas plutôt structurer d’autres datas sur leurs produits pour capter une audience de manière naturelle ?

Depuis quelques années, les marques se sont lancées dans une quête de données personnelles misant sur l’IA pour les exploiter. Mais ces océans de data sont finalement bien difficiles à exploiter si on souhaite aller au-delà de la publicité ciblée. Les Gafa sont aujourd’hui les seuls en mesure d’offrir des possibilités réellement pertinentes aux annonceurs. Apple, Facebook et Google se sont d’ailleurs vigoureusement exprimés sur le sujet cet hiver. Enfin, si le marché de la publicité ciblée est toujours en croissance, l’évolution du RGPD va remettre en cause l’efficacité de ces approches. A nouveau, seuls les Gafa en tireront parti ; grâce à leurs systèmes d’identification bien en place, ils renforceront encore leur régie.

Les marques vont donc être amenées à revoir leur stratégie de relation client tant pour leur acquisition que pour leur fidélisation. Or, à trop élaborer des stratégies d'acquisition, on en oublie que le bouche à oreille reste l'outil d’acquisition le plus puissant : avez-vous souvent vu des pubs Amazon ? Quant à la fidélisation, elle est souvent le parent pauvre des stratégies basées sur l’activation de trafic, qui peuvent ruiner un ROI ; selon la loi de Pareto, seulement 20% des clients génèrerait 80% de la marge. Cette approche est souvent construite sur la collecte de données socio-démographiques afin de définir des scores d’affinité, basés sur une analyse d’audience et un historique d’achat, sans permettre de comprendre les motivations des choix de consommateurs.

Anticiper les mutations des usages et des consommateurs

Les consommateurs, de plus en plus informés et vigilants, sont de plus en plus exigeants et appellent à la transparence des marques. Or le marché propose une offre gigantesque, les critères de choix sont plus nombreux et les consommateurs disposent d’un temps (de cerveau) plus restreint. C’est de ce paradoxe qu’émergent les curateurs et outils d’arbitrage, assistants du quotidien qui nous amènent à déléguer de plus en plus nos choix à des machines et des marques.

Prenons l’exemple de Darty qui édite «un score de durabilité», une donnée inédite et unique en Europe selon l’enseigne. Sa «sélection durable» s'appuie sur deux types de données : la réparabilité et la fiabilité. Malheureusement, certaines marques d’électroménager ne communiquent pas sur ces deux points et se retrouvent par conséquent automatiquement exclues de ce type de palmarès.

On observe des choses similaires dans l’alimentaire et dans d’autres secteurs. Lorsque les données issues de la marque ne sont pas en accès libre, les distributeurs ne peuvent pas les valoriser car cela leur demanderait un travail (manuel) important et engagerait leur responsabilité. Avec des API ouvertes, contenant les données du fabricant, les revendeurs pourraient mieux vendre les produits et leur donner plus de visibilité dans les points de vente et autres carrefours d’audience tels que les médias de curration.

De nouveaux carrefours d’audience

Les consommateurs sont de plus en plus informés et leur système de valeur de plus en plus variable. Certains vont s’intéresser à la performance du produit, d'autres à l'esthétisme, certains au bon rapport qualité/prix, d'autres à l'origine des produits... Autant de critères de recherche que les sites de vente en ligne ont du mal à prendre en compte pour orienter l’utilisateur dans sa quête afin qu’il puisse filtrer l’offre selon ses propres critères. Voilà tout l'enjeu des comparateurs. Ces derniers ont disrupté le monde du voyage. S'appuyant sur une donnée structurée à destination des tours opérateurs, ils ont créé de nouveaux business model d’intermédiation en permettant aux consommateurs de comparer rapidement les offres et d’y souscrire.

Nous assistons aussi à une émergence de la data curation, des algorithmes influenceurs, véritables assistants de choix au service des humains. Consumer centric, ils imposent aux marques de se raconter d’une nouvelle manière, avec leurs propres datas. A l'instar de Yuka, des projets comme MyLabel ou Scan'up sont en phase de devenir de nouveaux carrefours d’audience avec une proposition simple pour leurs utilisateurs : nous manipulons les données complexes des marques à votre place.

Pour les alimenter, les marques doivent structurer leurs contenus produits dans des API sur lesquelles se greffer et permettre à ces curateurs de les présenter selon leurs propres filtres d’analyse. Par exemple, s’il y avait un «Yuka du prêt-à-porter», et il y en aura un un jour, il propulserait probablement Veja ou Twothirds car ces marques offrent suffisamment de preuves de la durabilité de leurs produits et de leurs engagements pour construire un monde plus responsable. Un «Yuka du luxe» pourrait révéler la singularité et l’engagement de marques comme Hermès et analyser chacun de ses produits. Mais la marque disposerait-elle de la donnée nécessaire pour permettre à l'outil de l’évaluer ? Pourrait-elle fournir la preuve de ses engagements par la data ?

En phase avec les nouvelles attentes des consommateurs

Les agrégateurs, curateurs et autres assistants ont besoin de ces données pour automatiser leur moteur d’analyse et leur outil de comparaison. Ils n’ont pas besoin des données personnelles mais bien des données de l’entreprise, et de ses produits. Mais encore faut-il que les produits soient en adéquation avec les nouvelles attentes des consommateurs.

Entre les labels, certifications indices et autres normes censées aider les consommateurs, quelles informations les marques doivent-elles structurer, quelles sont les nouvelles attentes ? C’est là qu’intervient le design, dans sa dimension ethnographique de l’analyse des comportements. L’UX research permet de comprendre ce qui est important aux yeux des consommateurs, à quel moment et sous quelle forme leur donner ces informations.

Les nouveaux acteurs de la curation constituent une opportunité pour les marques d’émerger naturellement, mais pour cela elles devront faire preuve de leur bonne compréhension des attentes des consommateurs, et donc transformer leur méthode de production de manière à fournir la preuve de leur adéquation aux attentes consommateurs. Pour enfin être en mesure de fournir la data nécessaire pour être considérées par ces nouvelles plateformes.

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