Tribune
Avec la fin annoncée des cookies tiers, l'écosystème de la publicité digitale se doit de trouver des alternatives. Données first-party, identifiants universels et segments d’audiences : à chacune de ces solutions ses avantages et ses limites.

L’écosystème de la publicité numérique est en ébullition. Avec la fin des cookies tiers, éditeurs et annonceurs sont en ordre de bataille pour trouver les moyens de continuer à identifier et à se connecter avec leur audience sans compromettre l’expérience utilisateur. Il en va de leur survie.

Trois options majeures se présentent à eux pour relever ce défi : les données first-party, les identifiants universels et les segments d’audiences. Chacune de ces solutions comporte des avantages et des limites, qu’il est important de comprendre et d’évaluer en fonction des environnements, et sans perdre de vue le besoin de mesure et d’optimisation des performances à travers tous les canaux.

Le recoupement de données first-party

Lorsqu’un éditeur et un annonceur sont en mesure d’identifier sans équivoque un consommateur à l’aide d’informations fiables telles que son adresse email ou son ID mobile, l’adressabilité devient possible. Par exemple, si un individu se logue avec la même adresse email sur le site d’un e-commerçant et sur celui d’un éditeur de contenus premium, cette adresse sera la preuve qu’il s’agit du même individu sur les deux sites. Cette identification permet au e-commerçant d’enclencher une campagne de retargeting personnalisée auprès du consommateur. Le fait de recouper ces données first-party crée par ailleurs une boucle de rétroaction entre les deux parties, qui permet à l’éditeur de mesurer et d’optimiser ses performances en utilisant les mêmes données, augmentant par là-même le yield et le ROI.

Plus les éditeurs vont chercher à coopérer, plus le volume de données first party disponibles va s’accroître au profit de l’adressabilité. De telles initiatives de collaboration émergent déjà, permettant aux éditeurs d’espérer concurrencer collectivement les walled gardens en identifiant des synergies entre leurs audiences et en combinant leur inventaire sur une seule plateforme.

Il est également possible d’utiliser des données first-party pour créer des audiences adressables en multicanal, notamment lorsqu’un individu se connecte au même service sur plusieurs supports, comme une application depuis un smartphone puis une tablette. Côté télévision connectée (CTV), la majorité des plateformes de VOD, applications de contenu et autres services de streaming requièrent de s’inscrire avec une adresse email pour accéder à leur contenu. La popularité croissante de ces services signifie que les fournisseurs de CTV constituent rapidement des audiences adressables à grande échelle. D’autres identifiants, comme la localisation, peuvent être exploités sur plusieurs appareils pour créer un attribut d’adressabilité supplémentaire.

Principaux inconvénients du recoupement de données first-party : la complexité de mise en œuvre, l’exclusion potentielle de nombreux petits éditeurs et annonceurs, et les défis liés à la création de solutions multi-marchés qui doivent ingérer de multiples langues, devises et réglementations locales. Mais les technologies autour de l’adressabilité évoluent rapidement et de nouvelles solutions innovantes pourraient bien très prochainement aider à relever ces défis.

Les identifiants universels

Avec la disparition des cookies tiers, les identifiants universels sont rapidement apparus comme une alternative intéressante au tracking et au ciblage des consommateurs sur internet. Comme ces identifiants sont fournis dans un environnement first-party, beaucoup voient en effet dans cette méthode une façon fiable et surtout durable de relever le défi de la résolution d’identité. Pour assurer la portabilité des données (et donc l’adressabilité de l’audience), les identifiants first-party et données associées sont partagés avec des fournisseurs tiers d’identité, qui s’en servent pour modéliser des graphs d’identité (ID graph) mis à disposition des acheteurs média et annonceurs pour améliorer leur ciblage.

Deux types d’identifiants universels coexistent, chacun ayant ses propres avantages et limites. D’un côté, les identifiants probabilistes (communément associés à la technique de fingerprinting), qui combinent des données first-party avec des indicateurs comportementaux, des attributs de trafic (par exemple, le navigateur et les sites web fréquemment visités), la résolution de l’écran ou encore les vitesses de téléchargement sur l’appareil d’accès. La combinaison de ces données permet de créer des profils d’utilisateurs uniques, qui ont une forte probabilité de matcher avec d’autres profils non connectés sur d’autres appareils et navigateurs.

Bien que leur mise en œuvre soit relativement simple, la pérennité des identifiants probabilistes est plus qu’incertaine puisque les trois principaux navigateurs du marché se sont engagés à bloquer le fingerprinting dans un avenir proche. Certains peuvent y voir un frein, d’autres une opportunité de favoriser l’innovation.

Deuxième catégorie d’identifiants : les identifiants universels déterministes, ou pseudonymisés. Ils fonctionnent globalement selon le même principe que les cookies tiers, en trackant le comportement de l’utilisateur sur un site web. Mais à la différence des cookies tiers, les identifiants déterministes utilisent des cookies first-party, de sorte que les données collectées puissent être légitimement utilisées à des fins publicitaires. La limite est que les cookies first-party ne donnent pas d’indications cross-sites ou cross-canaux parce qu’ils sont reliés au domaine du propriétaire du site.

Aujourd’hui, éditeurs et annonceurs qui envisagent d’avoir recours aux identifiants universels ont tout intérêt à miser sur une approche mixte. En définitive, nous devons tendre vers un monde où la publicité adressable basée sur l'identité est une composante fondamentale du programmatique, et non une alternative. Pour ce faire, les éditeurs et les annonceurs doivent créer et avoir accès à un réseau d'identifiants uniques le plus large possible, et pour faciliter la mise en œuvre, peut-être adopter une plateforme unique de gestion des solutions d'identité, ce qui permettra un suivi et une attribution cross-canal plus efficace.

Les segments d’audience

La dernière option, qui est encore en cours de définition, consiste à utiliser des segments d'audience basés sur les navigateurs. Les premiers retours montrent que cette approche est certes évolutive sur le papier, mais manque de transparence et de visibilité.

Globalement, l'utilisation de ces segments d'audience, encore appelés solutions de cohorte, recréent un environnement qui n'est pas très différent de l'ancien modèle - des achats à l'aveugle sur des inventaires invendus. Pour que cette approche fonctionne, d'autres innovations sont nécessaires afin de limiter de manière significative les menaces pesant sur la brand-safety et de permettre aux éditeurs et aux marques de mesurer et d'optimiser leurs performances.

Dans les prochains mois, nous devons sans aucun doute nous attendre à voir émerger de nouvelles innovations en matière d’adressabilité de l’audience, surtout dans le programmatique. Il est primordial d’évaluer dès à présent toutes les opportunités afin de permettre aux éditeurs de concurrencer les walled gardens et de donner aux acheteurs média les données dont ils ont besoin pour planifier et activer des campagnes en s’appuyant sur des audiences adressables indépendantes.

Avec la fin des cookies tiers, les annonceurs se retrouvent plongés dans un écosystème numérique radicalement différent, qui, si tout se passe bien, ne sera pas une version dégradée de ce qui a pu exister. Chaque maillon de l’écosystème doit désormais oser, expérimenter, tester, pour trouver de concert les solutions qui feront avancer tout un secteur contraint au renouveau.

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