Economie

Examinée le 11 janvier à l'Assemblée nationale, une proposition de loi sur les prix des produits alimentaires visant notamment à rééquilibrer les relations commerciales entre fournisseurs et grandes surfaces suscite l'ire des distributeurs, dont Michel-Edouard Leclerc. Leurs craintes : une perte de pouvoir face aux industriels et une hausse des prix en rayon. 

Donner plus de poids aux industriels dans les négociations, ou encore prolonger l'encadrement des promotions : l'Assemblée nationale doit étudier mercredi 11 janvier une proposition de loi sur les prix des produits alimentaires, contre laquelle les supermarchés sont vent debout, craignant des dégâts sur le pouvoir d'achat.

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« Des députés seraient désormais favorables à la hausse des prix ? » C'est le médiatique président du comité stratégique E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, qui a sonné la charge contre ce texte de loi visant à « sécuriser l'approvisionnement des Français en produits de grande consommation ».

Lundi 9 janvier, auprès de l'AFP, le président des Mousquetaires/Intermarché Didier Duhaupand lui a emboîté le pas, dénonçant un « véritable scandale qui se prépare », avec un texte qui donne « tout pouvoir aux industriels » dans les négociations commerciales annuelles.

Portée par le député Renaissance du Val d'Oise Frédéric Descrozaille, cette proposition de loi doit être étudiée mercredi 11 janvier en commission des Affaires économiques, avant un examen en séance publique prévu la semaine du 16 janvier.

L'un de ses objectifs est de rééquilibrer les relations commerciales entre fournisseurs et grandes surfaces, qui achètent leurs produits à des prix fixés à l'issue de négociations tendues.

Or le texte, adopté en l'état, risque selon les distributeurs de faire grimper encore le prix des pâtes, des steaks ou des yaourts vendus ensuite en rayon.

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L'article qui suscite le plus de crispations vise à redéfinir la relation entre l'industriel et son client distributeur en l'absence d'accord au 1er mars, date-butoir de ces négociations.

Jusqu'ici, écrit le parlementaire, il était généralement considéré que les livraisons devaient se poursuivre « au prix de l'année précédente pendant une période de préavis de plusieurs mois », ce qui ne pressait pas les distributeurs à trouver un accord.

Désormais, le tarif demandé par l'industriel s'imposerait en cas d'échec. Un dispositif qui va « dans le bon sens », selon l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).

Pour Didier Duhaupand, cela rendra « impossible toute négociation », puisque « soit le nouveau tarif demandé par l'industriel s'impose, soit il y a arrêt pur et simple de la livraison ».

« Le fait de ne pas livrer reste une arme de dissuasion, qu'on ne veut pas utiliser », assure Jean-Philippe André, président de l'Ania (association nationale des industries alimentaires). « La philosophie, c'est de dire qu'on a intérêt à se mettre d'accord: j'ai besoin de mes clients, et eux ont besoin de nos produits ».

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Le texte propose aussi de prolonger l'encadrement des promotions et le seuil de revente à perte - qui oblige les distributeurs à vendre les produits alimentaires avec une marge minimale de 10%.

Ces deux mesures expérimentées dans le cadre de la loi EGalim et censées garantir un meilleur revenu aux agriculteurs devaient expirer le 15 avril 2023, selon Frédéric Descrozaille.

Enfin, la proposition prévoit d'appliquer le droit français aux centrales d'achats que les enseignes de la grande distribution ont basé en Europe, par exemple Eurelec pour E.Leclerc en Belgique, ou Eureca pour Carrefour, à Madrid, afin d'amplifier leur force de frappe.

Fin décembre, la Cour de justice de l'Union européenne (CUEJ) avait infligé un revers aux services du ministère de l'Economie et tranché en faveur d'Eurelec, estimant les juridictions françaises incompétentes au sujet de la centrale d'achat.

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Si le texte de loi était voté, « aucune enseigne de commerçants ne pourrait s'opposer à des augmentations de tarifs de 10 à 30% », s'est indigné Michel-Edouard Leclerc sur ses réseaux sociaux, révélant au passage les hausses de tarifs demandées à ses magasins par certaines grands industriels comme Mondelez (+17%) ou Unilever (+25%).

La proposition de loi pourrait toutefois être amendée à l'Assemblée ou au Sénat. Le cabinet de la ministre déléguée notamment au Commerce, Olivia Grégoire, a indiqué à l'AFP que le texte comporte en l'état « un risque inflationniste », et ajouté : « nous travaillons avec le député et les autres cabinets concernés pour trouver un compromis acceptable par tous ».

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