Cahier transition

Présent dans 200 pays pour 17,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires, le groupe Colgate-Palmolive est un gros producteur d’emballages. Caroline Brucker, la directrice RSE France et Benelux, témoigne des défis que rencontre un industriel international pour changer de modèle.

Comment êtes-vous arrivée à ce poste de responsable RSE ?

Le groupe a pris des engagements RSE depuis les années 90, définis par le siège à New York, mais il n’avait pas de relais en France, un de ses trois marchés majeurs européens. Après une vingtaine d’années chez Colgate-Palmolive, dans les métiers du marketing, du développement produit et dans plusieurs pays, j’ai proposé de créer ce poste de directrice RSE il y a deux ans et demi, à l’occasion de la définition d’une nouvelle feuille de route 2020-2025. Ma mission est de suivre les évolutions réglementaires, de faire connaître les engagements RSE de Colgate-Palmolive en externe, de sensibiliser l'interne aux enjeux environnementaux et sociaux, notamment sur le sujet du handicap, et de participer aux travaux des fédérations professionnelles (Febea pour les cosmétiques, Fher pour l’entretien, Ilec pour les produits de grande consommation). 

Quand on parle de Colgate-Palmolive, on pense immédiatement aux emballages plastiques. Comment réduire votre empreinte sur cet aspect ?

Nous produisons des produits liquides du quotidien, donc nous utilisons des emballages plastiques, qui sont la meilleure barrière pour des solutions aqueuses. Nous avons un objectif très précis de 100% d’emballages recyclables, réutilisables ou compostables d’ici 2025, soit cinq ans avant les obligations du gouvernement français. Pour les dentifrices, nous allons atteindre l’ambition de 100 % d’emballages recyclables dès 2024. Jusqu’à présent, nous utilisions un mélange d’aluminium pour la barrière protectrice et de plastique pour la souplesse. Après cinq ans de recherche, nous avons développé une technologie mono-matériau à base de PEHD, un plastique très facilement recyclable. Nous proposons cette technologie en open source à tout fabricant qui commercialise des produits en tube plastique. On reproche souvent aux grands groupes de mettre du temps à transformer leurs produits, en revanche, lorsqu’ils le font, leur impact est mondial. Il reste à s’assurer que le plastique recyclable est effectivement recyclé. Nous collaborons avec les instances européennes et, dans le cas de la France, avec Citeo, qui fait l’intermédiaire entre les fabricants et les collectivités locales. Le test est concluant pour le PEHD dans la majorité des centres de collecte.

Qu’en est-il du plastique recyclé dans vos emballages ?

Nous avons besoin de plastique de qualité alimentaire pour les dentifrices. Or il est difficile de s’approvisionner en quantité suffisante, sachant que Colgate est présent dans 6 foyers sur 10 dans le monde. La solution est plus simple pour les produits d’entretien. Nos gammes Soupline et Ajax sont déjà en 100% plastique recyclé, Sanex est en train de suivre.

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Pourriez-vous vous passer de plastique ?

La seule solution pour sortir complètement du plastique est de développer des produits solides. Nous avons déjà lancé des solides Sanex en 2022 et les soins douche BiomProtect. Cette année, nous commencerons à commercialiser des assouplissants Soupline en tablettes. Nous avons fait des tests de dentifrice solide, sous forme de pastilles à croquer, mais cela demande un effort considérable aux consommateurs pour changer leurs habitudes au quotidien. Ils ne retrouvent pas tout à fait la même sensation de mousse et de fraîcheur qu’avec un dentifrice en pâte. Il n’y a pas une solution miracle. Si on attend que tous les consommateurs passent au solide, nous en avons pour des décennies, c’est pourquoi il faut trouver d’autres solutions à court terme, comme les emballages recyclables ou réutilisables. Nous sommes tous acteurs du changement, nous nous devons en tant qu’industriel de proposer des innovations technologiques mais il faut aussi que le consommateur accepte de faire des compromis pour réduire l’impact de l’humain sur la planète. De son côté, le législateur a le rôle de donner un cadre, comme l’interdiction des plastiques à usage unique d’ici 2040.

Vos produits sont fortement consommateurs d’eau. Quelles sont vos solutions dans ce domaine ?

Dans nos usines, l’eau sert essentiellement à nettoyer les cuves et à refroidir certains éléments, la part de l’eau dans nos formules est faible en comparaison. Notre objectif est d’avoir une neutralité de la consommation d’eau dans l’ensemble de nos sites de production. Mais si l’on regarde le cycle de vie de nos produits sur les trois catégories, près de 40% de l’empreinte eau se situe chez les consommateurs. C’est pourquoi nous participons à des campagnes avec la Febea pour sensibiliser à la surconsommation d’eau. Dans les pays en développement en revanche, le problème principal est l’accès à l’eau des populations. Nos filiales financent des travaux pour creuser des puits, filtrer l’eau et nous sensibilisons au lavage des mains pour éviter la propagation de maladies. Cela fait partie de nos engagements sociétaux. 

Quid du bio ?

Nous n’avons pas pour objectif de passer toutes nos gammes en bio car ce cahier des charges ne nous permet pas d’atteindre nos objectifs de performances. Quand nous pouvons proposer ce type de solution, nous le faisons, comme récemment avec les dentifrices Colgate Extraits naturels Bio, une gamme de trois références qui répond à un certain nombre de consommateurs. Mais nos priorités sont l’efficacité, l’innocuité et des formules plus réduites. 

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À titre personnel, de quand date votre prise de conscience sur l’environnement ?

C’est lorsque je vivais à New York il y a 14-15 ans que j’ai pris conscience de la quantité d’emballages que l'on jetait. J’ai adopté les filets en tissu que j’ai ramenés en France, à une époque où ça ne se faisait pas du tout. J’ai aussi commencé à me préoccuper de la souffrance animale et sans être végétarienne, j’ai réduit la part de protéines animales dans mon alimentation. Quand j’ai proposé de créer le poste de responsable RSE, cela faisait déjà longtemps que je m’engageais pour réduire l'impact de l'entreprise en France, notamment dans les bureaux. J’ai milité pour remplacer les gobelets en plastique par des mugs !

Parcours

2001. Master en marketing à Rennes Business School. Entre chez Colgate-Palmolive comme assistante chef de marque.

2008-2010. Responsable marketing innovation pour Colgate Oral Pharmaceuticals à New York.

2010-2012. Responsable marketing innovation dentifrice pour le marché européen. 

2014-2016. Directrice du planning et achat média pour l’Europe de l’Ouest.

2017-2021. Directrice marketing hygiène bucco-dentaire grande distribution et pharmacie France.

Depuis janvier 2021. Directrice RSE France et Benelux.

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