Cahier transition

Comment transformer une entreprise de textile comme le groupe Etam en associant l’interne et les fournisseurs ? Réponses avec Kachen Hong, sa directrice RSE, et Robin Sappe, son directeur général ressources humaines.

Kachen Hong, quel était le contexte de votre nomination comme directrice RSE (responsabilité sociétale des entreprises) du groupe Etam en 2020 ?

Kachen Hong. Il existait déjà un programme RSE baptisé We Care, mis en place en 2019, mais il fallait rendre l’expertise plus visible. J’ai été recrutée pour piloter la stratégie RSE après avoir été consultante en développement durable et créatrice d’une marque de mode éthique. Aujourd’hui, je dirige une équipe de cinq personnes à temps plein. Je suis sous la responsabilité de Laurent Milchior, le dirigeant du groupe, qui est très engagé sur le sujet de la transition, et de Robin, qui est un peu mon mentor pour m’aider à mener la transformation en interne.

Robin Sappe. La RSE est historiquement rattachée aux RH dans le groupe Etam, surtout sur les aspects réglementaires, mais nous voulions être plus ambitieux. Le fait d’être un groupe familial non coté nous permet d’avoir une vision à moyen et long termes. Dès 2018, nos actionnaires ont pris un virage sur la transition environnementale et sociale, sachant que la lingerie est un environnement particulier au sein du textile. Une pièce de corsetterie est composée de 18 éléments différents ; pour être écoresponsable, il faut donc traiter beaucoup plus de problématiques que pour un T-shirt en coton. Depuis un an, Kachen a intégré le comité de direction, ce qui prouve que le sujet est inscrit dans la stratégie du groupe.

Comment avez-vous procédé pour définir une véritable trajectoire RSE ?

K.H. J’ai tout de suite mis en place une stratégie sur neuf piliers : produits, savoir-faire et innovation, traçabilité et transparence, économie circulaire, plastique et déchets, climat, pluralité et diversité, solidarité et collaborateurs. Les six premiers piliers sont directement liés à notre secteur. Par exemple, sur les produits, on a fixé l’objectif de 80% du catalogue converti à l’écoresponsabilité en 2025, à travers du coton bio, du polyamide recyclé, de la teinture végétale… On a démarré la première saison à 7%, nous sommes aujourd’hui à 57%. Pour le bilan carbone, nos émissions ont baissé de 36% entre 2019 et 2021 sur les scopes 1, 2 et 3. La consommation énergétique a diminué de 12% en 2022 dans les magasins de nos trois principaux pays, la France, la Belgique et l'Espagne, et de 20% dans nos entrepôts. 

Quelle est votre action sur le plastique ?

K.H. L’objectif est de supprimer tous les plastiques à usage unique à horizon 2025 et 2030 : cintres jetables, sacs, pochettes d’expédition e-commerce, PLV en magasin… Nous avons déjà supprimé plus de 600 tonnes de plastique par an, dont tous les cintres logistiques pour le prêt-à-porter de la marque Maison 123. Les vêtements arrivent à plat dans les magasins et sont placés sur des cintres réutilisables. Pour la corsetterie, il est plus difficile de se passer de cintres, mais nous travaillons avec une société suisse sur une solution en cellulose de bois, beaucoup plus solide et moins polluante que le carton, mais aussi plus chère. Nous venons de passer la phase de R&D et nous lançons la pré-série.

Quid de la seconde main, difficile à développer sur la lingerie ?

K.H. On a commencé à avancer sur le sujet. Selon une enquête que l’on a réalisée auprès de 400 femmes, 98% d’entre elles ne font rien des soutien-gorges qu’elles ne portent plus : elles ne les vendent pas, elles ne les jettent pas. On a souhaité sortir ce gisement souvent de très bonne qualité des tiroirs pour les distribuer aux femmes qui en ont besoin. On a installé des bornes de collecte dans les magasins Etam de six pays d’Europe. Les articles sont triés, lavés et donnés à des associations d’aide aux femmes en précarité quand ils sont en bon état. Nous avons aussi testé la vente de seconde main dans un corner pilote au prix unique de 10 euros pour les pièces de meilleure qualité. Les bénéfices sont reversés à des associations.

Vous travaillez avec 438 usines partenaires dans le monde. Comment vous assurez-vous des bonnes conditions de fabrication ?

K.H. Nos usines sont auditées par un organisme tiers tous les un à deux ans. À mon arrivée, on était à 66% d’audits. J’ai imposé que l’on ne passe pas commande à un partenaire s’il n’était pas audité. Nous sommes aujourd’hui à 95%, les 5% restants étant souvent de petits ateliers que l’on connaît bien et qui n’ont pas les moyens de payer 2 000 euros pour le contrôle. J’ai aussi mis en place une politique de transparence. Sur nos produits, vous trouvez un QR code qui donne accès à une vidéo tournée à l'intérieur de l’usine. Ce n’est pas un joli film marketé pour le site internet, c’est une vidéo réalisée à l’iPhone par le contrôleur qualité pour montrer la réalité d’une usine.

Comment faire appliquer toutes ces transformations par les équipes ?

R.S. La base du métier des ressources humaines, c’est la transformation. Nous sommes là pour trouver les moyens d’embarquer les équipes sur ces sujets. L’âge moyen dans l’entreprise est de 30 ans, il y a un vrai désir de s’engager, mais quand on passe à la phase opérationnelle, cela implique de changer les manières de travailler. Concrètement, il faut prendre son bâton de pèlerin et passer du temps avec les collaborateurs pour comprendre ce qui fonctionne ou pas. Il y a un aspect technique dans la RSE mais le plus important, c’est le relationnel. 

K.H. Je donne des feuilles de route à chaque début d’année par division : finances, opérations, marques, achats, style… Le manager va ventiler ces objectifs au cours des évaluations annuelles avec ses équipes, et je vais l’accompagner toute l’année. Certaines personnes ont besoin d’être rassurées, d’autres de ressentir de la fierté, d’autres encore vont être motivées par les chiffres. 5 % du montant des bonus sont rattachés à des objectifs RSE. C’est un outil très puissant.  

R.S. Notre programme We Care est devenu un sujet de marque employeur. Quasiment aucun entretien ne se passe sans que les candidats nous demandent ce que nous faisons en termes de RSE. La mode est un secteur qui a un fort impact sur le climat, les jeunes générations peuvent vouloir travailler pour de petites marques déjà engagées ou pour des groupes internationaux en transformation comme le nôtre.

Chiffre clé

847 millions d’euros Chiffre d’affaires du groupe Etam, avec les marques Etam, Undiz, Maison 123 et Ysé.

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