L’Organisation internationale de la francophonie, qui compte près de trente pays africains, a désormais une feuille de route qui met le continent au centre de ses actions.

Cela fait cinq ans que Louise Mushikiwabo est secrétaire générale de l’OIF, mais ce n’est que cette année qu’elle est en mesure d’insuffler sa propre programmation à l’organisation aux 88 États membres. À sa prise de fonction à Erevan (Arménie), en 2018, l’ancienne ministre des Affaires étrangères du président rwandais Paul Kagame avait pris soin d’annoncer un recentrage des missions de l’institution. « Il lui a semblé très important de procéder à un grand tri », explique Oria Vande Weghe, sa porte-parole et directrice de la communication. À partir d’une vingtaine d’activités, trois grands programmes stratégiques ont été identifiés (langue française-éducation, démocratie-gouvernance, développement durable). Avec l’idée, sous-jacente, que la trentaine d’États africains de l’organisation devront en bénéficier au premier chef, malgré des contributions financières mineures face à la France, premier contributeur (35 %) au budget de 65 millions d’euros de l’OIF.

C’est ainsi que le fonds de la francophonie, lancé en 2020, a été décliné essentiellement en Afrique avec ses formations au numérique, à l’entrepreneuriat ou au développement durable, ou que les missions économiques de l’OIF ont permis de créer des liens réciproques entre des PME de l’Asie du Sud-Est et du continent. Sur le volet éducatif, après l’inauguration d’un Institut de la francophonie pour l’éducation et la formation, à Dakar en 2017, l’institution s’est assurée que l’apprentissage de la langue de Molière pouvait se faire à partir des langues nationales ou de la mobilité des enseignants de français entre le Rwanda, le Ghana et les Seychelles. Sur le plan de la gouvernance, on y retrouve l’observation des élections ou un projet d’état civil sur l’enregistrement des naissances au Niger.

Louise Mushikiwabo favorise des lignes de force, comme l’autonomisation et l’éducation des jeunes filles ou la lutte contre la désinformation en français, plutôt qu’une dispersion des efforts. Son africanité n’est toutefois pas toujours un avantage, comme en témoigne son absence aux Jeux de la francophonie, à Kinshasa fin juillet, pour d’obscures raisons protocolaires : le pays hôte, la RDC, ne lui aurait pas fait parvenir d’invitation en bonne et due forme. « Elle ne s’est pas sentie la bienvenue, résume sa porte-parole, et elle ne voulait pas de polémique au détriment de la compétition ». Les relations conflictuelles entre le Rwanda et la RDC n’y sont pas pour rien.

Face à un continent jeune, le sport, la jeunesse et la citoyenneté ont désormais une direction dédiée à l’OIF. Un mémorandum d’entente a été signé avec Paris 2024 pour valoriser l’usage du français aux JO, avec la mobilisation de volontaires francophones, une signalétique et une communication en français et un spectacle vivant dans le cadre de l’olympiade culturelle. Réélue il y a un an pour un deuxième mandat, la secrétaire générale doit maintenant faire passer une réforme du financement donnant plus de poids aux pays du Sud. « Harmoniser, équilibrer, valoriser tous les États, c’est son mode de fonctionnement », conclut sa porte-parole. Et le Rwanda qui a remplacé le français par l’anglais dans son enseignement en 2008 ? « La langue française est très présente sur la scène culturelle, assure sa porte-parole, la secrétaire générale lui a donné un coup de boost [sic] ».