En achetant des chips ou des gâteaux Ramdam Social, une nouvelle marque alimentaire commercialisée depuis quelques jours chez Carrefour et bientôt dans d’autres enseignes, le consommateur peut contribuer à cofinancer des repas pour des associations. Découverte.

En ces temps d’inflation, toutes les initiatives de lutte contre la précarité sont les bienvenues. Ramdam Social, une nouvelle marque alimentaire solidaire, arrivée en grande distribution le 22 janvier, entend désormais apporter sa pierre à l’édifice. Derrière cette marque au nom qui se veut taillé pour faire du bruit, un concept imaginé par deux anciens du secteur, Julie Boureau (passée par Innocent et HappyVore) et Luc-Olivier Pieret (ex-Danone, Bel, ToGoodtoGo). « On voulait créer un nouveau modèle économique », expose ce dernier.

Ici, l’idée n’est pas de demander au consommateur de participer à une collecte de produits de première nécessité quand il fait ses courses ni d’arrondir le montant payé en caisse au profit d’une bonne cause. Ce n’est pas non plus, même s’il n’est pas question d’être moins-disant sur le sujet, de mieux rémunérer les producteurs, comme chez C’est qui le Patron ?! par exemple. Le principe est le suivant : chaque produit acheté, chips, cookies ou sablés apéro, cofinance une partie de repas pour une association parmi les trois partenaires, le Samusocial de Paris, les banques alimentaires et le Secours populaire. L’équation est même encore plus précise. Il ne s’agit pas « simplement » d’argent reversé. Par exemple, pour chaque paquet de gâteaux apéro acheté, ce sont 125 grammes de fruits et légumes achetés en gros parmi les invendus que le Secours populaire pourra se procurer à moindre coût. Autre dimension, les produits sont issus de PME françaises locales. Leur prix de vente ne dépasserait pas celui d’autres produits locaux en rayon.

« Les marques solidaires existent depuis longtemps », resitue Karine Sanouillet, experte en grande distribution (ex-Printemps, Carrefour, groupe Casino). Et d’illustrer avec « les produits partage de l’Unicef », dont l’achat entraînait des reversements de dons. Mais, poursuit l’experte, l’organisation a dû en 2022 faire face à un scandale révélé par Cash Investigation. L'émission avait mis en cause un fournisseur de L'Occitane, l'un de ses partenaires, sur le travail des enfants. « Un point d’attention : les deux partenaires doivent être sûrs l’un de l’autre, indique-t-elle. Lorsqu’il s’agit de philanthropie, les consommateurs demandent d’abord des acteurs irréprochables. » Par conviction, Ramdam Social met justement l’accent sur la « transparence », valeur cardinale à ses yeux. Par exemple, elle a choisi ces associations notamment parce qu’elles sont installées, suffisamment solides pour pouvoir être auditées et auditer ses propres comptes. Sans parler du choix de valoriser les bénéfices concrets induits par l’achat.

Une présence dans près de 80 Carrefour

Financée par ses fondateurs et par une douzaine de business angels également experts métier (logisticien, commercial, producteur…), Ramdam Social prend une marge entre l’achat et la revente des produits aux distributeurs (dans le secteur, celle-ci s’établit généralement autour de 30%). Classique. « On donne entre 7 et 10% de notre chiffre d’affaires aux associations », ajoute Luc-Olivier Pieret, qui s’est fixé deux ans pour être à l’équilibre. Pour s’aligner sur les prix du marché, Ramdam se passe de R&D et a adapté ses usages (réduction du carton, optimisation du flux logistique…). Comptant six personnes et basée à Bordeaux, l’entreprise se concentre sur le sourcing des producteurs et des associations, la création et la distribution de la marque, la gestion du packaging, le marketing. Elle cite en modèle Thankyou, marque australienne de produits partage.

Pour son lancement, celle qui s’est dès l’origine lancée comme entreprise à mission a séduit Carrefour, qui va distribuer la marque dans 77 supermarchés et hypermarchés en Île-de-France. Elle est également en discussion avec d’autres acteurs du marché. « Cela fait partie de notre politique d’engagement de proposer des produits solidaires, comme Fiers ou Cafés Joyeux [deux marques engagées pour l’emploi des personnes en situation de handicap], témoigne Carine Kraus, directrice de l'engagement du groupe Carrefour. De plus, nous sommes partenaires des causes qu’ils soutiennent, notamment les banques alimentaires et le Secours populaire, et elles nous tiennent à cœur. » Pour le distributeur, c’est aussi une façon de satisfaire ses clients qui cherchent à consommer plus responsable. D’où le coup de pouce donné à Ramdam, avec une place cédée en rayon dans des emplacements à forte visibilité.  

« Une marque positive »

« Pour nous, cela a un coût de les commercialiser. Au départ, les gens ne les connaissent pas. Cela se fait au détriment de grandes références, dont nous réduisons les volumes. C’est notre engagement à nous », poursuit la manager. Moyennant des exigences : « Que l’on soit à l’aise avec la cause, ce qui est le cas, et la fluidité de la relation », liste Carine Kraus. « Les distributeurs considèrent différemment [vs les industriels] les petites marques qui arrivent sur le marché. Les commercialiser est une manière pour eux, sans perturber leur business, de mettre en place des produits de niche montrant de l’innovation sociale, du dynamisme », éclaire Karine Sanouillet. Après Carrefour, un autre distributeur devrait suivre dans les trois mois. Ramdam Social espère ainsi être vendue dans 500 magasins à fin avril. Et envisage déjà d’élargir sa gamme à des produits d’hygiène. Chaque nouvelle catégorie de produit sera lancée en soutien à une nouvelle association.

En attendant, un chantier d’ampleur a été entamé sur la marque et la communication, sans agence. « Nous sommes une marque positive, joyeuse, dynamique. Oui, on peut consommer en se faisant plaisir. Nous ne souhaitons pas être anxiogènes ou misérabilistes », détaille Luc-Olivier Pieret, dont la grand-mère a inspiré le nom de l’entreprise. « Lors des goûters, avec les ballons qui volaient, les cookies qui se faisaient arracher des mains… Elle disait : c’est quoi ce ramdam ? », se remémore l’entrepreneur, évoquant aussi « le moment social de l’apéro, les goûters où l’on refait le monde ».

Ramdam Social pense également un packaging et une PLV (publicité sur le lieu de vente) « simple », « explicative », mettant notamment en avant les associations. Des animations et des dégustations en rayon sont aussi prévues. Le site de la marque joue la transparence – toujours –, en prévoyant par exemple un compteur de dons chaque semaine. En parallèle, Carrefour mettra en avant la marque dans sa communication digitale et en parlera dans des webinaires à destination des directeurs de magasins.