Tribune

Reconnecter le vivant au meilleur de la technologie, c’est l’objet du concept de la « 5G alimentaire », qui pourrait bien impacter tant les habitudes alimentaires des consommateurs que l’industrie agroalimentaire elle-même.

À l’heure où la sécurité alimentaire continue de faire débat, et alors que les Français ont moins confiance dans les aliments*, de nouveaux concepts comme « la 5G alimentaire » émergent. Mais de quoi s’agit-il ? D’un système complexe d’objets connectés en lien avec notre alimentation ? Non. Il s’agit plutôt d’une nouvelle approche qui invite à changer des habitudes alimentaires héritées de l’après-guerre. Ainsi, il apparaît urgent d’établir de nouvelles connexions avec la technologie, l’industrie ou encore la nature elle-même, afin d’ouvrir la voie à une nouvelle intelligence alimentaire.

Après la Seconde Guerre mondiale, nous avons placé notre confort alimentaire entre les mains de l’industrie. Celle-ci s’est ingéniée à produire une offre de masse, à des prix de plus en plus bas, avec une obsession de la sécurité sanitaire, mais également une perte de repères qualitatifs et une exploitation à outrance du vivant. Ce modèle est aujourd’hui controversé.

Au cours de la dernière décennie, ces habitudes alimentaires n’ont jamais été autant discréditées : la méfiance s’est installée, les grandes marques ont été remises en cause et la bio s’est taillé une place de choix. Avec une certaine culpabilité, nous voudrions tout contrôler et tout réduire : notre consommation de viande, le transport de nos aliments et leur empreinte carbone, sans parler des emballages qui envahissent les océans. Individuellement, nous avons pris conscience de nombreuses nécessités, à commencer par celle de consommer des produits de saison. D’où l’émergence aujourd’hui de nouveaux courants de pensée et notamment de la « 5G alimentaire », un concept mnémotechnique qui vise à établir de nouvelles connexions pour refonder nos habitudes au quotidien.

Se connecter aux énergies de transformation

Place donc aux cinq nouvelles connexions alimentaires qui peuvent changer notre vie : connexion aux énergies de la transformation, à la technologie embarquée, à la gastro-industrie, aux solutions alternatives et aux océans. Depuis la pandémie, nous avons bien compris la nécessité de nous connecter aux énergies de transformation qui aspirent à rebattre les cartes de l’ordre sociétal mondial. De la même façon, sur le plan alimentaire, il nous faut mobiliser et fédérer nos énergies pour faire bouger les choses. Se nourrir est devenu un acte structurant et militant. Nous devons réfléchir avant d’avaler quoi que ce soit, et, d’une certaine façon, nous reconnecter aux aliments qui nous fournissent ce dont nous avons vraiment besoin.

En ce qui concerne la technologie dans le domaine alimentaire, il faut en finir avec cette idée très française qu’elle dénaturerait tout ce à quoi elle est associée. Il suffit de prendre pour exemple le vin, où les progrès les plus récents autorisent un meilleur contrôle du résultat final, sans rien sacrifier à la chimie. Ainsi, un récent procédé nanotechnologique permet de maîtriser les niveaux d’oxygène en cuve, avec des injections au microgramme près.

Les technologies embarquées du vivant sont essentielles et il faut favoriser les nouvelles passerelles qui se créent pour améliorer les aliments et les produits que nous consommons. Même chose pour l’industrie agroalimentaire : nous devons encourager les connexions qui s’établissent entre professionnels de la gastronomie et marché de masse. Le mythe du petit artisan technophobe, solitaire, a vécu. Quand Catherine Kluger, ancienne avocate devenue pâtissière après avoir été formée par un Meilleur Ouvrier de France, lance sa marque SuperNature, elle commercialise à grande échelle du granola bio délicieux, inventant du même coup le « made in industrie respectueux et artisanal ».

Viande cellulaire et culture des algues

Alors que le grand public remet en cause le principe des élevages industriels synonymes de maltraitance, on parle de plus en plus de viande cellulaire. Cependant beaucoup fustigent déjà les process de la new tech cellulaire qui prétend reconstruire le vivant. Ne devons-nous pas plutôt soutenir nos chercheurs français, afin qu’ils développent des solutions alternatives capables de rivaliser avec les futurs GAFAM alimentaires américains ?

Enfin, pour transformer en profondeur notre régime alimentaire, n’avons-nous pas avantage à nous reconnecter avec l’océan, source de toute vie ? Il y a là une biodiversité insoupçonnée, des centaines de milliers d’espèces d’algues comestibles. La culture des macro et micro-algues pourrait bien contribuer à nourrir les 10 milliards d’êtres humains qui peupleront la Terre en 2050.

Pour le dire simplement, la « 5G alimentaire » prône sur tous les plans une meilleure connexion avec la FoodTech, ces nouvelles technologies qui contribuent d’ores et déjà à une transition agricole et alimentaire indispensable à l’évolution des pratiques. L’enjeu n’est plus de produire en masse et de manière aveugle, mais bien de valoriser une alimentation basée sur le plaisir, la responsabilité et l’accessibilité.

*Selon une étude Mérieux NutriSciences et bioMérieux de 2020, menée auprès des consommateurs français, américains, indiens et chinois.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.