STRATÉGIES DIRCOM SUMMIT

Invité de la première édition du Dircom Summit, l'ex-directeur général communication et relations extérieures de Lactalis, qui va rejoindre le groupe Casino, revient sur ce que lui ont appris ses expériences passées.

Vous avez rejoint Lactalis en 2020, où vous avez eu à gérer les suites de l’affaire du lait infantile contaminé. Qu’avez-vous appris de cette expérience ? 

Je suis arrivé chez Lactalis à un moment où il fallait définir une stratégie dans la perspective du procès à venir. Lactalis s’exprimait peu dans les médias, y compris en communication financière. L’entreprise n’avait aucun réseau politique et médiatique, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll avait même fait savoir qu’il ne connaissait pas le numéro de portable d'Emmanuel Besnier. Cette culture du secret était perçue comme une volonté de dissimulation et a accentué la crise. Nous avons renoué le lien avec les journalistes avec des déjeuners et des voyages de presse, plusieurs grandes interviews, des plateaux télé et radio. Les résultats financiers du groupe sont publiés annuellement depuis 2018. Cependant je considérais qu’il fallait encore accélérer, investir davantage sur la marque et sur la réputation car c’est une protection contre les crises futures. 

Avant Lactalis, il y a eu la SNCF et l’accident de Brétigny, souvent cité comme un cas d’école de gestion de crise. Comment l’avez-vous vécu ?

La SNCF est certainement l’entreprise française la plus performante en termes de gestion de crise. Deux heures après le déraillement en gare de Brétigny à l’été 2013, qui a causé 7 morts et plus de 200 blessés, nous étions sur place et nous avons activé le dispositif de crise pour comprendre la situation, analyser les réseaux sociaux, établir la stratégie de communication. Lors de la première réunion de crise, le président Guillaume Pépy a déclaré : « On est responsables, on sera transparents. » C’était un risque juridique car on ne savait pas encore pourquoi le train avait déraillé. Mais en termes de communication, cela montrait que l’entreprise assumait ses responsabilités et prenait la mesure de la dimension émotionnelle de l’événement. Ensuite, le groupe a travaillé en grande proximité avec les familles de victimes. Les suites juridiques et humaines ont duré dix ans. 

À la SNCF,  nous avons affronté d’autres crises : le déraillement du TGV dans l’Est de la France, l’attentat du Thalys. Mais nous n’avons pas bien géré la polémique des trains trop larges pour les quais en 2014. Ce dossier, dont le point de départ était un conflit financier avec les régions, est devenu un sujet de moqueries sur les réseaux sociaux. Nous y avons répondu de manière rationnelle alors qu’il aurait peut-être fallu manier l’humour.

On dit de vous que vous êtes un «expert d’Élise Lucet», la bête noire des entreprises. Comment affronter une mise en cause médiatique ? 

J’ai eu plusieurs fois affaire à Cash Investigation, notamment au groupe Saur sur la gestion de l'eau de la ville de Nîmes. J’ai eu l’idée de faire filmer mon interview par mes équipes, ce qui m’a permis de dénoncer les montages orientés, voire mensongers de l’émission. Mais si la démarche a été utile auprès des collaborateurs et des clients, elle n’a pas permis d’éviter un impact négatif sur la réputation de l’entreprise et in fine la perte du contrat de gestion de l’eau de la ville.