GRAND PRIX STRATÉGIES DE LA COMMUNICATION SANTÉ 2024

Pour faire entendre la voix des internes en médecine, leur intersyndicale et Ogilvy ont mis à jour le serment d’Hippocrate. Une campagne récompensée par le Grand Prix Stratégies de la communication santé.

Avril 2023. Alors que depuis des années, les internes tirent la sonnette d’alarme, le projet de loi Valletoux, dont l’un des articles prévoit d’obliger ces jeunes médecins à s’installer dans des zones « sous-denses en termes de couverture médicale » – des déserts médicaux – au cours de leur formation, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour les internes qui se voient comme les boucs émissaires de l’aggravation de la crise de l’accès aux soins, il s’agit d’une contrainte supplémentaire dans un contexte où leurs conditions de travail sont déjà extrêmement difficiles, et ce, alors même qu’ils sont des maillons essentiels de notre système de santé. « Nous sommes 30 000 internes en France, nous composons environ 40% du personnel médical et nous faisons 70% des ordonnances, rappelle Guillaume Bailly, le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni). On a un statut d’étudiants mais aussi de professionnels de santé, ce qui fait qu’on évolue dans une ambiguïté permanente et que, sous couvert de ce double statut, il y a de nombreux reniements de droits fondamentaux, sur le temps de travail, l’accès à la parentalité... »

C’est justement l’importance de ces jeunes médecins pour la population et leur éthique qui les empêche de faire grève et de déserter l’hôpital pour faire entendre leur voix. C’est donc sur le terrain de la communication que se jouera la bataille. Une collaboration s’engage entre l’Isni et Ogilvy, avec l’objectif de créer une campagne qui ait un impact non seulement sur les médias mais sur l’opinion publique dans son ensemble. « Nous avons dès le départ cherché un acte symbolique. Il nous fallait un véhicule pour raconter la situation des internes aux Français, qui puisse les embarquer et les toucher émotionnellement », se souvient Benjamin Bregeault, executive creative director chez Ogilvy Paris. Une réflexion qui mène à une revisite du célèbre serment d’Hippocrate.

Dans une vidéo de plus d’une minute trente, on voit des internes prononcer les phrases du serment, et, à chacune, ajouter une réalité sur leurs conditions d’exercice : temps de travail largement supérieur au cadre légal, salaire horaire très en deçà du Smic, charge administrative extrêmement importante, fermeture de lits d’hôpitaux qui compliquent encore la tâche quotidienne… « Lorsqu’on écoute le serment réécrit, on se dit que ce n’est pas possible de travailler dans ces conditions. Et pour contrebalancer ça, ça reste un serment d’engagement absolu, c’est le serment d’une vie », note Benjamin Bregeault.

Le film a été tourné avec de vrais médecins en formation. « On a choisi collaborativement de le faire avec de vrais internes, d’abord par souci d’authenticité, poursuit le créatif. Et puis quand on a rencontré ces gens, on a vu leur colère pure, leur rage, leur désespoir. On n’aurait eu aucun intérêt à reproduire ça artificiellement. On sent dans le film qu’ils voulaient être le porte-voix sincère de leur situation. »

Un impact politique

Sans budget média, Ogilvy et son département PR et influence sourcent des relais d’opinion enclins à reposter la vidéo. De son côté, l’Isni demande à ses adhérents de la partager tous au même moment. Et ça prend : on compte 10 000 partages en une heure, 2,2 millions de vues en organique en 48 heures, et 350 millions d’impressions médias. « Je n’avais jamais vu une viralité pareille partir de manière aussi organique, se souvient Benjamin Bregeault. D’un coup, la campagne s’est mise à s’animer toute seule, les gens s’en sont emparés, c’était un sentiment génial. »

Et surtout, cette opération a un effet concret pour les internes : l’obligation d’effectuer une partie de sa formation dans des déserts médicaux est retirée de la loi. « Et Emmanuel Macron s’est exprimé sur les déserts médicaux, sur le fait qu’il était convaincu que ce n’était pas la bonne solution, se félicite Guillaume Bailly. Cette campagne a eu un impact assez fort. »

« La première fois que nous avons communiqué de façon positive »

Guillaume Bailly, président de l’Isni

« La puissance de cette campagne, c’est que, pour la première fois, l’Isni a communiqué de façon positive. Il est vrai qu’on y relate tout un tas de problèmes, mais ça commence par un élément qui est essentiel : c’est un serment. On commence par dire “Je jure” et ça veut bien dire qu’on ne lâchera pas et qu’on n’abandonnera jamais notre action. Et que si aujourd’hui on se bat pour les internes, ce qui en découle, c’est la santé des Français. Un interne qui va bien, c’est un interne qui soignera bien derrière. »

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