Plateformes

Séverine Autret, la co-présidente et partner de Fred & Farid Paris, a réalisé la plénière d’ouverture au e-commerce One-to-One de Monaco, avec Amélie Poisson, directrice marketing client & marque de La Redoute. Retour avec elle sur l’état du social commerce aujourd’hui.

Les réseaux sociaux ont développé beaucoup d’outils pour aider les marques sur le social commerce ces derniers mois. Comment s’y retrouver ? Que leur conseilleriez-vous aujourd’hui ?

De poser une stratégie avant d’y aller. On a parfois l’impression que tout le monde peut poster n’importe quel contenu et avoir une pluie de likes. Mais ce qui est vrai pour les influenceurs ne l’est pas forcément pour les marques, les consommateurs sont bien plus exigeants avec elles. Chaque réseau social a ses spécificités, et tout évolue très vite. Par exemple, l’audience de TikTok reste plus jeune que celles de Facebook et Instagram, mais elle s’est bien élargie ces derniers mois. Et les formats qui font la tendance évoluent littéralement semaine après semaine. Donc au-delà des objectifs, des messages et des cibles, le contenu doit également suivre. C’est la meilleure manière pour la marque d’être adoptée "nativement” par l’audience, sans friction. C’était la force de notre #laredoutechallenge TikTok en 2020.

Et quel type de contenu faut-il produire ?

Avant toute chose, il faut penser vidéo. C’est la norme, il serait impensable aujourd’hui de limiter sa stratégie de contenu à de la photo. Vous avez beaucoup moins de chance qu’un utilisateur interrompe son scroll et s’intéresse à vous.

Mais cela augmente les coûts de production ?

Oui. Et c’est un challenge pour les marques, d’autant qu’elles n’ont pas forcément envie d’investir beaucoup en production, étant donné que le média est moins onéreux que sur d’autres points de contact vidéo. Historiquement, quand une marque faisait un film de pub pour la télévision par exemple, sur un budget total de 3 millions d’euros, elle en dédiait 10 % à la production. Sur les réseaux sociaux, l’achat media est moins cher, les coûts de production sont donc en proportion plus élevés. On ne peut plus avoir ce ratio en tête. Mais en même temps, quand un contenu est produit pour être posté et diffusé organiquement, on ne peut pas leur en vouloir de souhaiter le produire pour le moins cher possible.

Il y a des coûts incompressibles, même avec du contenu parfois moins "léché" ?

Oui, même si on peut toujours trouver des solutions. Si vous faites une vidéo pour une marque de voiture par exemple, quelle que soit la qualité finale souhaitée par le client (et souvent, pour une marque d’automobile, il y a des exigences de craft), il vous faudra une voiture, un chauffeur, une route fermée, donc une production exécutive pour vous aider, potentiellement une assurance pour la météo, ou alors un endroit où vous savez qu’il fera beau, ce qui n’est pas si simple en France… ça monte très vite ! Et puis attention, le côté « home made » des contenus produits à l’arrache depuis chez soi par un influenceur en mode selfie ne convient pas à toutes les marques.

Comment peuvent faire les marques pour diminuer les coûts de production ?

Elles peuvent déjà par exemple mutualiser les contenus produits pour plusieurs plateformes. En priorisant le cahier des charges du réseau qui demande le plus d’interactions ou d’engagement, et ensuite, en réadaptant les images et vidéos pour les autres plateformes, moins stratégiques dans leur ciblage. Par ailleurs, lorsque nous gérons la stratégie “always on” d’une marque, nous faisons aussi beaucoup de curation de contenu, par exemple en réutilisant la vidéo d’un événement local Rémy Martin pour nourrir le discours global de la marque. Et enfin, une production en social media ne s’organise pas comme une production classique : on concentre en quelques jours la fabrication de plusieurs mois de contenus pour faire des économies d’échelle, tout en s’assurant de la variété de ce qu’on fabrique, pour ne pas lasser l’audience au fil des posts et des stories. C’est ce que nous faisons par exemple chez Fred & Farid pour Longchamp. Nous tournons et produisons sur trois ou quatre jours des images qui nous serviront plusieurs mois, et nous faisons cela une fois par trimestre. Ça ne veut pas dire que nous ne produisons plus rien d’autre pendant cette période, mais l’essentiel du contenu est déjà en boîte. On gagne donc en coûts de production en resserrant les shootings sur un temps court. Il faut bien planifier mais cela s’avère très efficace.

Cela vaut-il le coup pour une marque d’internaliser la production de contenu ?

Tout dépend du business de la marque et de sa stratégie de contenu. La Redoute par exemple, possède son propre studio. Étant une plateforme de e-commerce, vu le nombre de produits à mettre en avant, et le fait que ces contenus irriguent l’ensemble de l’écosystème (réseaux sociaux, mais aussi et surtout le site, l’app et les outils CRM), c’est plus intéressant d’internaliser la production. Parfois, les marques de l’industrie de l’entertainment, comme Prime Video, Ubisoft ou Lego, internalisent la création et/ou la production car cela fait partie de leur ADN. Le challenge, c’est la rétention des talents, surtout pour les profils créatifs, qui se lassent vite et se nourrissent de la variété des sujets auxquels ils touchent. Une agence reste une richesse pour les marques car elle met en œuvre l’intelligence collective de ses talents au service de ses clients. Ça n’est pas donné à tout le monde. Et le système qui consiste à confier une caméra à un stagiaire trouve vite ses limites…

Au salon, on parle moins du live shopping, alors que c’est une grande tendance du moment. Pourquoi ?

Le live shopping permet de résoudre une partie des points de friction du commerce en ligne. Il rend l’expérience plus vivante, permet de mieux voir le produit en condition, ou de répondre à des questions en live pour les plus impatients. Les Galeries Lafayette l’avaient beaucoup proposé pendant les confinements. Ensuite, tout dépend si c’est une idée créative, donc une activation ponctuelle, ou si on le met en place de manière pérenne et structurelle. On n’est pas du tout sur les mêmes niveaux d’investissement et d’organisation.

Selon vous, qu’est ce qui manque aujourd’hui sur les plateformes, pour se développer pleinement en social commerce ?

Elles offrent aujourd’hui pas mal d’outils pour les marques, y compris pour gérer leurs réseaux sociaux en direct. Que ce soit au niveau du ciblage, de l’analyse des performances, des formats, de l’identification des influenceurs - même si nous préférons souvent chez Fred & Farid identifier nos profils nous-mêmes, pour miser sur de futurs talents et réaliser nos propres paris, parfois. Ce qui est compliqué pour les marques, c’est le choc de culture : les plateformes sont encore souvent dans une logique de régie média dans leur rapport aux marques. Si vous n’avez pas 200 000 euros de budget, c’est difficile d’avoir une réponse personnalisée et des conseils objectifs dans la réalisation des campagnes. C’est pour ça qu’il faut une agence pour faire le lien !

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