Spécial Transition

L’article 12 de la loi Climat et Résilience prévoit l’interdiction des allégations de neutralité carbone dans la publicité au 1er janvier 2023. Les communicants vont devoir passer à des messages plus complexes. Explications.

Prévue dans l’article 12 de la loi Climat et Résilience, l’interdiction des allégations de neutralité carbone au 1er janvier 2023 vient d’entrer en vigueur par décret au Journal officiel. Les communications ne pourront plus utiliser les termes « neutre en carbone » ou « zéro carbone » sans préciser le bilan des émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes du produit ou du service en question ainsi que la démarche engagée pour réduire et, en dernier recours, compenser ces émissions. Les contrevenants encourent une amende de 20 000 euros pour une personne physique, 100 000 euros pour une personne morale, et jusqu’à la totalité des dépenses de campagne.

Slogans réducteurs

Pour les annonceurs et les agences spécialisées dans la communication responsable, c’est le sujet majeur du moment, les marques ayant l’habitude de recourir à des slogans réducteurs pour vanter leurs efforts contre le réchauffement climatique. « C’est l’exemple le plus illustratif des problèmes auxquels nous sommes confrontés en tant que conseils en communication. Il faut démontrer que le simplisme mène au greenwashing et au final est contre-productif », commente Nicolas Narcisse, vice-président d’Havas Paris. « C’est une mesure logique et attendue, se félicite Quentin Faulconnier, expert climat-carbone au cabinet Axionable, qui travaille dans le secteur des médias. J’ai toujours été contre la notion de neutralité carbone qui crée de la confusion et repose souvent sur la fausse solution de la compensation. » Gildas Bonnel, président de l’agence Sidièse, est partagé : « Il faut réglementer mais aussi laisser la possibilité d’un retour d’image pour les entreprises comme La Poste, qui font un travail énorme et se voient privées d’utiliser cette allégation. Dire "contribue à la neutralité carbone", ce n'est pas la même chose que montrer que l’on a atteint la neutralité sur certaines activités. »

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L’Ademe, l’agence de la transition écologique, a publié un avis d’experts très argumenté sur la question, à lire pour comprendre les erreurs à éviter et les bonnes pratiques. « La notion de neutralité carbone n’a de sens que dans la définition du Giec, c’est-à-dire à l’échelle planétaire et dans la mesure où les émissions de gaz à effet de serre sont compensées par les séquestrations, décrypte Hervé Lefebvre, chef du pôle trajectoires bas carbone de l’Ademe. Aujourd’hui, aucun pays ou organisation ne peut se dire neutre en carbone. De plus, ce terme dédouane le consommateur qui pense qu’il peut continuer à acheter puisque le produit n’a pas d’impact sur le climat. Il est curieux d’utiliser cet argument de la neutralité pour vendre davantage. » Les ONG ne manquent pas de pointer les contradictions flagrantes de certaines entreprises. Ainsi Amazon promet d’atteindre la neutralité carbone de ses livraisons en 2040 alors que son fondateur Jeff Bezos a émis à lui seul, lors de son voyage dans l’espace de 11 minutes, 75 tonnes de CO2, autant que 8 Français en un an. TotalEnergies vise la neutralité en 2050 tout en investissant dans un oléoduc chauffé en Tanzanie. On peut ajouter que focaliser sur le climat éclipse d’autres sujets fondamentaux pour la planète comme la perte de biodiversité ou la pollution plastique.

Initiatives positives

Dans son avis d’experts, l’Ademe met en avant des initiatives positives comme l’affichage environnemental ou Ecoscore, prenant en compte tout le cycle de vie des produits ou services et informant le consommateur sur la démarche d’éco-conception des entreprises. L’Oréal a développé l’outil Spot, qui s’appuie sur 14 critères de durabilité allant des émissions de gaz à effet de serre en équivalent CO2 aux conditions de travail des collaborateurs en passant par les relations avec les communautés locales. Decathlon, Léa Nature et la région Nouvelle-Aquitaine expliquent sur leur site internet leurs objectifs de « contribution à la neutralité carbone » ou de « réduction de l’empreinte carbone » avec des chiffres et des plans d’action détaillés. « Dans les médias, il ne suffit pas de parler de l’éco-conception des productions, il faut s’attaquer à la diffusion, qui représente l’essentiel des émissions carbone, souligne Pierre Harand, associé au cabinet Fifty-Five. Les vidéos sont dix fois plus émissives que les autres moyens de diffusion. Il existe des solutions pour diminuer leur impact : réduire la durée et la résolution des vidéos, promouvoir la consommation par wifi plutôt que par 5G ou 4G. » Fifty-Five a mis au point des méthodes de calcul et des bonnes pratiques propres au numérique. De son côté, Axionable a conçu un calculateur carbone avec Dentsu applicable à tous les médias, afin d’avancer sur un référentiel commun.

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Les formulations recommandées par l’Ademe
  • L’empreinte carbone associée à la conception et à la fabrication de notre produit a été réduite de X % en trois ans. Pour en savoir plus : www…
  • Réduction de Y % des émissions de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie grâce à notre démarche d’éco‐conception par rapport au modèle similaire de [année n]. www… 
  • En X années, nous avons réduit de Z % l’empreinte carbone de notre service (sur les émissions directes), par rapport à l’[année n] de référence. Plus d’infos sur : www… 

Et celles qui sont à proscrire :

  • Stand / événement / festival / marathon… neutre en carbone 
  • Voyage / livraison / achat neutre en carbone 
  • Empreinte carbone nulle
  • Produit / service CO2 compensé
  • Un produit acheté, un arbre planté
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