Écologie

Alors que l’idéal d’un mode de vie plus « durable » progresse, quels sont les stéréotypes de modes de vie les plus répandus dans la publicité et comment les dépasser sans sacrifier le travail des créatifs en agence ? Réponses de spécialistes.

Les stéréotypes dans la publicité ont la vie dure. Y compris ceux sur l’écologie, à l’heure où la Cop26, les rapports du Giec successifs ou la récente loi Climat et Résilience contribuent à sensibiliser au sujet. Début novembre, l’association Entreprises pour l’Environnement (EpE) s’est fendue d’un guide sur les représentations des modes de vie et la transition écologique à destination des communicants. « Le carnivore compulsif, le rêve du pavillon, la nature fantasmée comptent parmi les stéréotypes moins connus », avance Claire Tutenuit, déléguée générale de l’EpE. Mais les annonceurs ont progressé sur le sujet. « Les marques se sont emparées de ces questions et mènent des réflexions sur leurs productions et ce qu’elles montrent de la vie quotidienne, constate Sophie Roosen, directrice RSE de l’Union des marques, qui publiait début 2021 un guide des représentations des comportements écoresponsables en publicité. Je pense à une marque en train de réaliser une campagne où une mère de famille part travailler en bus et pas en voiture… » Reste que tous les secteurs d’activité n’en sont pas au même degré de maturité. « Le secteur énergétique est davantage conscient de l’enjeu car il est menacé de ne plus avoir le droit de faire de la publicité du tout, dessine Claire Tutenuit. C’est celui qui a le plus intégré l’exigence de transformation mais pas celui qui fait le plus de publicité. » Si le changement est enclenché, voici, par thématique, comment optimiser encore les représentations. 

La viande

L’EpE ouvre son guide sur le stéréotype du « carnivore compulsif ». Qui se révèle, sur les écrans, à travers les scènes de repas comprenant, couramment, des plats de viande. Tandis que, par exemple, la production de viande est responsable d’une partie non négligeable des gaz à effet de serre et de la déforestation pour l’élevage et la production d’alimentation animale, l’idée serait de faire évoluer cette image. Sans pour autant tomber dans l’excès inverse. Autrement dit, non en arrêtant de mettre de la viande à table mais en montrant que la convivialité peut rimer avec autres choses que plats carnés. « Cette tendance à la décroissance de la consommation de viande existe, il suffit de la poursuivre, déclare Claire Tutenuit. On pourrait montrer une consommation diversifiée sans aller jusqu’à faire l’apologie du vegan. »

Le transport

Une nouvelle voiture filant dans un beau paysage, sur une route infinie, incarnant une certaine forme de liberté... Un fantasme mais pas une bonne idée si tout le monde le fait. D’autant que dans la vie réelle, « un trafic dense est généralement plus proche des conditions réelles qu’une route vide », soulève l’EpE. Même si cela fait beaucoup moins rêver… La publicité a ainsi fort à faire pour représenter de préférence des transports propres, non polluants, des trajets en transport en commun, avec plus d’une personne, bref des alternatives aux voitures individuelles à essence, surtout pour des trajets courts pour lesquels d’autres options existent. Si le sujet concerne l’ensemble des annonceurs – en témoigne par exemple une campagne d’Axa Prévention incitant à la reprise du vélo, sortie en août –, les constructeurs automobiles, transporteurs ou compagnies aériennes ne peuvent, pour rester crédibles, se contenter de verdir leur communication sans transformer en profondeur leur modèle. « Intégrer la mobilité électrique dans l’imaginaire et les modes de vie représentés dans les films publicitaires est partie intégrante de notre travail sur l’acceptabilité, donc la démocratisation, d’une mobilité plus responsable », témoigne Valérie Candeiller, directrice marketing communication de Dacia (groupe Renault).

L’habitat

Le rêve d’être propriétaire aurait vécu. Du moins, d’un pavillon individuel, parfois loin du lieu de travail : « Au final, c’est une vie plus contrainte et plus vulnérable aux problèmes de transition écologique », analyse Claire Tutenuit. Notamment parce que ces logements peuvent être plus gourmands en énergie et augmenter le besoin de transports. À plus grande échelle, l’étalement urbain conduit à une artificialisation des sols accrue. Créé dans les années 50-60, poussé par le rêve américain, ce modèle aurait vécu. Reste qu’un imaginaire s’est créé autour, mis en scène dans des publicités pour des crédits immobiliers, des assurances… Désormais, les choses peuvent changer. « On sait penser une ville plus agréable », estime l’experte. Les annonceurs sont invités à montrer des « logements urbains désirables », des habitats collectifs, des espaces citadins non dépourvus de végétal.

La surconsommation

La surconsommation contribue à l’épuisement des ressources et à la hausse des déchets. De fait, c’est un autre imaginaire que la publicité peut chercher à privilégier, au-delà d’une consommation raisonnée de biens et services, en mettant en scène le partage, la convivialité, le réemploi de produits, la location ou le partage de biens. Autre chantier, adapter les mises en situation, par exemple en s’attachant à « privilégier la quantité et le volume de produit adéquats : portions alimentaires raisonnables, dosage responsable des produits d’hygiène et d’entretien », illustre Sophie Roosen. Il s'agit aussi de promouvoir un usage adéquat des ressources à travers des personnes faisant leurs courses avec des sacs réutilisables ou encore cuisinant avec des casseroles couvertes.

La nature

La question de la représentation de la biodiversité devient de plus en plus prégnante. « Nous avions exploré un axe de travail autour de la nature non domestique, le sujet pourrait être encore creusé. Il y a sûrement un travail à faire sur la représentation des océans et des animaux », expose Sophie Roosen. En attendant, une bonne pratique serait de montrer des espaces naturels non cultivés, des fleurs de saison, des éclairages extérieurs respectueux de la biodiversité. Autrement dit, valoriser une certaine forme de spontanéité de la nature plutôt que des scènes où celle-ci est objet de conquête. Ce qui implique de revenir sur plusieurs siècles de pensée cartésienne... Un chantier plus global que la publicité.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.