Télévision
Les négociations exclusives pour le rachat de Newen ne marquent pas seulement l'entrée de TF1 dans le métier de producteur. Elles incitent à repenser complètement les décrets de production et la relation avec les diffuseurs.

Ce sera le premier gros dossier de Gilles Pélisson, appelé à succéder à Nonce Paolini à la tête de TF1 en février prochain: l’intégration verticale d’un gros producteur indépendant, Newen, qui a pour particularité de réaliser les deux tiers de son chiffre d’affaires avec France Télévisions, avec Plus Belle la Vie, Faites entrer l’accusé ou Candice Renoir. «C’est bien joué de la part de TF1 si l'objectif est de tenter de déstabiliser le service public en contrôlant ses principaux droits et productions en cours, note Nicolas Traube, vice-président de Pampa Production (fictions). TF1 pourra trouver de nouvelles recettes en produisant Plus Belle la Vie, mais le groupe aura aussi la possibilité d’étouffer France Télévisions, notamment en augmentant les prix et en stoppant, du coup, la série de France 3.» Un jeu de billard à trois bandes qui pourrait arranger une chaîne tentée de «récupérer» une part d’audience féminine en tout début de soirée.

A TF1, où l’on est tenu à la discrétion pour cause de négociations exclusives, on dément catégoriquement une telle vision. L’investissement dans Newen? Un relais de croissance à travers le métier de producteur non soumis aux aléas publicitaires et permettant de commercialiser à l’étranger un catalogue de droits. Mais pas question d’en profiter pour récupérer pour l’antenne de TF1 un programme de Newen développé pour France Télévisions. «Avoir une société de production qui a des clients extérieurs, répondant à des lignes éditoriales différentes de celle du groupe TF1, c’est évidemment un atout pour l’avenir, pour aller se développer à l’international. Si on veut faire un mouvement de ce type, que ce soit TF1 ou n’importe quel diffuseur en France, ça n’est pas pour nourrir ses antennes. Ça, ce serait une erreur stratégique», a assuré Nonce Paolini, lors d’un colloque de NPA Conseil le 3 novembre. Du reste, lors de la renégociation du contrat en 2012 TF1 n’avait pas cherché à obtenir le feuilleton.

Programme sous garantie

Le contrat vaut jusqu’en mai 2016. France Télévisions assure, dès à présent, qu’il suspend ses développements avec le producteur. «Juridiquement le feuilleton appartient au groupe Newen, je ne vois pas en quoi il n’appartient pas aussi à France Télévisions», a déclaré sa présidente Delphine Ernotte au même colloque NPA, revendiquant un «travail d’équipe», d’édition et «plusieurs centaines de millions investis depuis sa création» en 2004. «Je demande la garantie que mes programmes restent sur mon antenne, a-t-elle ajouté. J’imagine que Newen a des idées pour sécuriser son principal client parce que sinon, c’est son deal qui va tomber à l’eau.»

Surtout, selon elle, l’accord «fait voler en éclat la règlementation actuelle [née des décrets Tasca de 1990 visant à préserver la production indépendante]. Comment on fait un new deal entre diffuseurs et producteurs, comment on redonne une copropriété sur ce que financent intégralement les diffuseurs?» France Télévisions assure par exemple 60% des budgets de la fiction. Un point sur lequel convergent TF1 et M6. La patronne, qui juge «inévitable» la concentration dans la production, assure qu’il s’agit d’être «plus fort ensemble». Elle réclame une part de 25% de production «dépendante», comme les chaînes privées, alors même que son groupe est limité à 5%.

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