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Le débat sur le seuil anticoncentration tourne à l'affrontement entre stations nationales et locales.

La guerre de position autour de l'évolution des seuils anticoncentration ne se relâche pas. Depuis mi-février, radios indépendantes et grands réseaux privés s'écharpent sur la limitation du bassin d'audience maximal d'un même groupe radiophonique, fixée à 150 millions d'habitants depuis 1994.

 

Les réseaux nationaux (NRJ, Next Radio TV, RTL et Lagardère) jugent obsolète ce seuil. Réunis au sein du Bureau de la radio, ils militent pour une rallonge de 50 millions d'auditeurs potentiels afin de suivre l'accroissement de la population française, passée de 57,6 millions d'habitants en 1994 à 62,8 aujourd'hui. «Cette évolution est vitale pour des groupes radiophoniques qui ont besoin de se renforcer pour assurer leur pérennité», a martelé le Bureau de la radio dans son dernier communiqué, le lundi 8 mars.

Dans les rangs de leurs détracteurs, les 122 stations locales réunies sous la bannière du GIE-Les Indépendants craignent que l'assouplissement des seuils ne relance une chasse aux fréquences. Alors que la bande FM est quasiment saturée, les Indépendants rappellent que, pour se développer, il faut «prendre les fréquences à quelqu'un». Selon le GIE, qui assure 30 à 50% du chiffre d'affaires de ses membres grâce à la publicité nationale, le rachat de ses plus belles fréquences mettrait en péril l'économie de l'ensemble des stations indépendantes.

L’argument est contesté par le Bureau de la radio, qui rappelle que le CSA «refuse l'entrée de réseaux ou de personnes physiques ou morales ayant un lien avec un réseau dans le capital des opérateurs de catégorie B». Du côté du CSA, on précise «ne pas avoir délibéré sur le sujet et ne pas avoir été saisi».

 

Alors que chacun campe sur ses positions, la question de la couverture maximale autorisée pour les groupes reste entre les mains des parlementaires. En novembre 2009, un amendement visant au relèvement du seuil du député UMP Patrice Martin-Lalande a été rejeté. Mais un nouvel amendement «peut être déposé par surprise à tout moment», avertit Philippe Gault, président du Sirti.

 


Un politique

Oui et non
Catherine Morin-Desailly, sénatrice, présidente du groupe d'études médias et nouvelles technologies


«La radio est un média en pleine mutation dont on s'est trop peu occupé jusqu'à présent, et le sujet du seuil anticoncentration fait débat. Il est vrai que ce seuil n'a pas évolué depuis 1994 alors que la population française a augmenté de manière significative. Je suis pour le pluralisme des médias, mais je suis assez pragmatique : qu'une grande station ne soit pas disponible dans certaines grandes villes de France n'est pas normal. Une vraie question est posée et je souhaite poursuivre les auditions des acteurs du secteur de la radio au sein de la commission culture du Sénat afin de pouvoir prendre les décisions les plus éclairées avant l'été.»

 


Un patron de réseau radio
Oui
Alain Weill, PDG de Next Radio TV

« Je trouve que la concentration en matière de radio est quelque chose de naturel. Je n'ai pas de projet d'acquisition pour le moment, mais je souhaite conserver ma liberté d'entreprendre. En télévision, la loi autorise un même groupe à posséder sept chaînes nationales. Je souhaite qu'en radio on puisse faire de même. Cependant, il y a de la confusion car le relèvement de ces seuils ne concerne pas les radios de catégorie B, mais seulement les stations nationales. Et si les textes ne sont pas assez solides pour rassurer les stations locales, il faut aller plus loin. Ce n'est pas l'intention des grandes radios de racheter les indépendants !


Un patron de radio locale

Non

Jean-Éric Valli, le président du GIE-Les Indépendants

« Nous ne voulons pas négocier la viabilité des stations indépendantes. Si l'on augmentait aujourd'hui le seuil en fonction de l'évolution démographique, il faudrait le porter à 160 millions, mais certainement pas à 200 ! On nous a déjà baladés en 1994, lorsque le seuil est passé de 50 à 150 millions d'auditeurs potentiels. Le Yalta des fréquences a eu lieu les deux années suivantes, pendant lesquelles les grands réseaux on absorbé les radios franchisées malgré la réglementation. Un communiqué du CSA n'est pas une loi. De plus, les grandes stations du GIE (TSF, Nova, etc.) sont des catégories D. »

 


Un expert médias

Oui et non
Jean-Charles Verhaeghe, expert radio chez My Conseil
« Dans ce débat, chacun est dans son rôle. Le cri d'alerte des Indépendants doit être entendu car ce qui est bon pour la radio c'est de conserver de la diversité. Certes il y a des garde-fous, et sur le papier une fréquence ne peut être vendue. Mais il n'en va pas de même dans les faits. Cependant, l'évolution démographique de la France rend la demande des radios privées légitime. Au final le régulateur doit trouver un équilibre subtil pour ménager une juste place aux petits et aux grands acteurs du paysage radiophonique. »

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