internet
Un projet de loi visant à créer une commission administrative habilitée à bloquer des sites offrant des liens vers des contenus protégés peine à s'imposer outre-Pyrénées.

Artistes, internautes et gouvernement se déchirent en Espagne depuis plus d'un an autour de l'élaboration d'une loi visant à lutter contre les téléchargements illégaux. Le débat a même brisé l'unité du monde artistique. Après avoir tenté de se poser en médiateur entre internautes et créateurs, le réalisateur Alex de la Iglesia vient d'annoncer sa démission du poste de président de l'Académie du cinéma à cause du projet, qu'il juge «désastreux».

Défendue par la ministre de la Culture, Angeles Gonzalez-Sinde (une autre réalisatrice), la loi vise à créer une commission administrative, nommée par le gouvernement, qui pourra ordonner la fermeture de sites Internet proposant des liens vers des contenus protégés par des droits d'auteurs. Pas question, donc, d'agir contre les internautes «pirates», comme le fait Hadopi en France. Mais cela n'empêche pas ces derniers de lutter férocement contre une loi qu'ils estiment faite sur mesure pour les multinationales et les sociétés de gestion de droits d'auteurs, très impopulaires en Espagne. Des documents révélés par Wikileaks témoignent de pressions venues de l'administration américaine sur cette question. Cette dernière inclut régulièrement l'Espagne dans sa liste noire des «pays pirates».

Ressuscité au Sénat

Fin décembre, les députés ont rejeté à l'Assemblée le projet de loi Sinde. Depuis, la ministre a imposé la tutelle judiciaire de la commission administrative et allongé de quatre à quinze jours le délai précédant la fermeture du site. Assez pour convaincre les parlementaires du principal parti de l'opposition qui viennent, avec les socialistes au pouvoir, de ressusciter le projet au Sénat. La loi «garantit les droits de tous», a affirmé la ministre après cette victoire. Enrique Dans, professeur de systèmes d'information à l'IE Business School, n'est pas du même avis: «Ces changements ne sont que cosmétiques. Le juge n'aura à se prononcer que sur le respect des droits fondamentaux, mais pas sur le bien-fondé du blocage du site. Pourquoi cherche-t-on à contourner ainsi les magistrats? Parce que dans tous les procès ouverts jusqu'à maintenant en Espagne, il a été jugé que de tels sites n'étaient pas illégaux.»

Selon une association d'entrepreneurs spécialistes du numérique, la loi expose les acteurs du Web à une «insécurité juridique croissante» car elle est rédigée de telle façon qu'elle pourrait s'appliquer contre un blog, ou même contre Google. Du côté des maisons de disques, ce vote n'est qu'un «premier pas dans la bonne direction.»

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.