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Plus d’un an après la révolution tunisienne, le site Nawaat.org fait école en libérant une information qui se nourrit du travail des journalistes citoyens.

Son nom signifie «noyau» en arabe mais c'est de façon bien plus large que Nawaat.org est connu en France. Le site, créé en 2004 essentiellement par des «Tunisiens de l'étranger», a éprouvé les années de censure du régime de Ben Ali et s'est fait connaître en publiant dix-sept câbles diplomatiques américains divulgué par Wikileaks, dont le fameux «Ce qui est à vous est à moi» du clan Trabelsi au pouvoir à Tunis.

Depuis le 17 décembre 2010, date de l'immolation de Mohamed Bouazizi qui allait déclencher le printemps arabe, il a publié des centaines de textes, de photos et de vidéos qui vont accompagner, et finalement encourager, la révolution. En mars 2011, ce «blog collectif indépendant» a été distingué par le prix du Net-Citoyen organisé par Reporters sans frontières en partenariat avec Google.

Plus d'un an après la chute du tyran tunisien, qu'en est-il de Nawaat et de sa manière citoyenne de faire de l'information à mi-chemin entre blog et journal? Ce 13 février, sa page d'accueil reflète les préoccupations du moment: «Filtrage des sites pornographiques, un test clé pour la liberté d'Internet en Tunisie».

Le pays est en attente d'une décision de la Cour de cassation sur le filtrage des sites X qui pourrait servir de prétexte à un retour de la censure ou, comme on dit en Tunisie, de Ammar404, du nom du code rejetant la requête de l'internaute. L'Agence tunisienne de l'Internet, qui a désactivé les filtres informatiques, pourrait les rétablir à la demande de la justice, imposant ainsi des «lignes rouges à la liberté d'expression», comme dit le président de la République Moncef Marzouki.

Le site, qui ne vit que d'une subvention d'une ONG américaine présidée par George Soros - The Open Society Institute - est très éloigné de l'information institutionnelle. En attestent ces récits de jeunes grévistes de la faim blessés par balle pendant la révolution ou ce témoignage vidéo d'un chauffeur de taxi estimant que la liberté de manifester s'arrête... là où commence le droit de circuler.

Car telle est la particularité de Nawaat: il donne la parole à toutes les voix de la Tunisie libre, qu'elles soient de gauche ou de droite, anti-islamistes ou proches du parti Enahda, vainqueur des élections d'octobre 2011. «La richesse des points de vue donne une vue d'ensemble de l'opinion publique», souligne Malek Khadraoui, rédacteur en chef d'un site passé de «quelques dizaines de milliers» à «quelques centaines de milliers de visiteurs».

Nawaat vient aussi de créer, en association avec Canal France International, un premier club de journalisme citoyen à Kébili afin de mettre en place des formations au net-reportage dans les maisons des jeunes.

Selon Malek Khadraoui, la Tunisie souffre d'une approche souvent partisane et manipulatrice de l'information qui ne s'appuie que très rarement sur un travail de terrain. D'où l'importance de se rendre sur place pour vérifier ce qui se dit et se rendre compte qu'il s'agit souvent de rumeurs infondées. Un émirat dans le Sud du pays? En réalité, des brigades salafistes qui protégeaient leur ville. Un «affrontement tribal» à Metlaoui ? En fait, des pillages fomentés par des anciens bénalistes du RCD avec la passivité de la police.

«Il y a le côté militant de l'engagement et l'information objective dans les prises de positions. C'est un vrai challenge pour des gens qui ne sont pas journalistes», constate Malek Khadraoui. En expert du data journalism, le site publie aussi des infographies et les documents qui prouvent que la police politique existe encore. Nawaat, qui s'exprime en français, en arabe et en anglais, a fait d'Internet sa nouvelle frontière.

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