«L’Elysée, Matignon et… Solferino», «Une Année en France», «La Campagne à vélo»: pendant des mois, des journalistes ont raconté le quotidien de Français ordinaires. Des feuilletons du temps qui dure.

«Ici, c'est pas un zoo!» Pascale Robert-Diard se souvient du climat qui régnait à Avallon lorsqu'elle a posé ses valises en juin 2011. Comme les sept autres journalistes du Monde qui participaient à l'opération «Une année en France», elle s'apprêtait à passer dans cette sous-préfecture de l'Yonne deux semaines, un mois sur deux, pendant près d'un an.
But de l'opération, donner la parole à des Français qui n'intéressent d'habitude pas les médias, écouter leurs préoccupations, comprendre leurs difficultés, connaître leurs espoirs à l'aube d'un moment aussi décisif qu'une élection présidentielle. «Au début, il y avait une vraie méfiance des habitants. Ils se sont ensuite demandé en quoi leur vie nous intéressait, avant de comprendre notre démarche, de respecter notre immersion», se souvient cette journaliste jusque-là davantage habituée aux bancs des palais de justice.
De Dunkerque à Montpellier, en passant par La Courneuve, Saint-Pierre-des-Corps et Mézères, les journalistes du Monde ont raconté, au fil des semaines, leurs rencontres sur huit blogs ainsi que dans le quotidien imprimé. «On reproche souvent aux journalistes de s'être déconnectés du terrain. Avec ce projet, nous voulions passer du temps sur place, en immersion, et revenir régulièrement pour raconter cette forme de banalité que représente le quotidien des Français», explique Frédéric Potet, qui s'est rendu à Saint-Pierre-des-Corps, en Touraine.
Dix millions de pages vues et des centaines d'articles plus tard, l'heure est aujourd'hui à la synthèse avec la publication d'un livre en septembre prochain, Une année en France, vive les Français (Les Arènes).
Une telle démarche n'est pas isolée. A l'heure où les réseaux sociaux et les chaînes d'information accélèrent plus que jamais le temps médiatique et donc la couverture de la campagne électorale, d'autres ont choisi de ralentir le rythme en donnant la parole aux électeurs plus longtemps que le traditionnel sonore de quinze secondes cher aux médias. C'est aussi l'approche du feuilleton L'Elysée, Matignon et... Solferino, diffusé sur France 2 dans 13h15 le dimanche depuis septembre 2011, et qui, malgré la fin de la campagne se poursuivra la saison prochaine.
«Nous voulions retrouver une forme de contact avec ce que vivent vraiment les gens, voir ces Français sans œillères et les laisser parler», raconte Jean-Michel Carpentier, rédacteur en chef de l'émission, présentée par Laurent Delahousse. Quasiment chaque dimanche, pendant quarante minutes, les caméras de France 2 emmènent les téléspectateurs loin des lieux du pouvoir parisien, à la rencontre des habitants de Matignon, une commune des Côtes-d'Armor, de Solférino dans les Landes, mais aussi des ouvriers de Florange et de bien d'autres villes encore.
Les écouter pour comprendre leur vie et donc leur vote. «Jean-Luc Mélenchon m'a dit un jour qu'il se servait de notre émission comme d'un outil de travail reflétant la réalité du terrain», s'amuse Jean-Michel Carpentier. «Nous nous sommes rendu compte rapidement de la montée du Front national», confirme Stéphane Marchetti, producteur du webdocumentaire La Campagne à vélo.
Pendant trois mois, deux journalistes, Raphaël Krafft et Alexis Monchovet, ont sillonné la France à vélo à la rencontre des électeurs. Bilan, 4 057 kilomètres parcourus, 70 hôtes différents chez qui ils ont passé la nuit, et plusieurs centaines de contenus publiés sur les réseaux sociaux ainsi que sur France TV info, France Bleu et Rue 89. Un périple qui s'est achevé le 8 mai avec la diffusion sur France 2 d'un documentaire de 52 minutes. Qui a dit que les médias ne s'intéressaient plus aux Français?

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