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En menaçant de ne plus référencer les médias français, le moteur de recherche s'attire les foudres des éditeurs et du gouvernement qui travaillent à la «rémunération équitable» des sites.

C'est peut-être la menace de trop. En affirmant, le 18 octobre, qu'il était susceptible de «ne plus référencer les sites de médias français» si une taxe lui était imposée, Google a engagé un bras de fer avec le gouvernement et les éditeurs de presse. «Google deviendrait le plus grand censeur de la Toile, remarque sans trop y croire Denis Bouchez, directeur de l'association IPG, qui regroupe les éditeurs de quotidiens et de magazines d'information politique et générale. Je ne vois pas comment un moteur qui a monté tout son modèle sur le référencement pourrait s'affranchir de contenus presse qui sont scrollés toutes les deux heures et contribuent à la pertinence de son ciblage publicitaire.»

De son côté, Google ne cache pas sa franche hostilité envers un texte qui équivaudrait à un droit d'auteur sur des contenus utilisés indirectement: «Cette loi serait néfaste pour les utilisateurs français. Le modèle d'Internet tout entier est fondé sur les liens hypertexte et l'interconnexion entre les contenus.»

Cette idée de «rémunération équitable» pour l'utilisation de contenus contribuant à des revenus évalués en France à 1,2 milliard d'euros, devrait être débattue au Parlement avant la fin de l'année. Elle prend exemple sur le gouvernement allemand, qui a adopté à la fin août un projet de loi similaire. Présenté par l'IPG sous la forme d'une proposition de loi sur les droits voisins au droit d'auteur, elle a même fait l'objet d'un communiqué franco-allemand au nom du «partage équitable de la valeur sur le marché du digital».

 

Ne pas pénaliser les médias français 

Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture et de la Communication, semble lui apporter son soutien en disant que l'on peut «peut-être» suivre la voie du gouvernement Merkel: «Il faut regarder si cela ne va pas pénaliser les sites français, qui ne doivent pas être déréférencés, et veiller au droit des journalistes», rappelait-elle le 25 septembre lors de l'installation de la mission Lescure sur l'acte 2 de l'exception culturelle.

Le gouvernement semble donc suivre les éditeurs de presse dans leur combat. Selon Denis Bouchez, la pertinence commerciale de Google est en effet liée à son indexation en fonction d'une valeur captée sur des contenus de presse qui lui permet d'afficher des liens sponsorisés via le ciblage comportemental. «Google se sert des contenus pour affiner son offre publicitaire et envoyer vers le bon contexte commercial», explique Laure de Lataillade, directrice du Geste, le Groupement des éditeurs de services en ligne.

Le moteur de recherche pointe, de son côté, les «effets néfastes d'un projet de loi visant à interdire le référencement non rémunéré d'articles de presse». Une telle loi, argue-t-il, aboutirait à limiter l'accès à l'information, à «sortir du radar» les contenus en langue française. Et Google porterait à lui seul 28,4% des consultations des principaux sites d'information. C'est aux éditeurs et aux internautes de «décider s'ils veulent rendre leurs contenus en ligne payants».

Quoi qu'il en soit, pas question d'accepter le déréférencement. Cela a coûté 40% de son audience au site Internet du Times et pas loin de 50% de celle de Globo.com au Brésil. La presse belge avait cessé ses demandes de rétribution après trois jours de black-out de la part de Google. Les éditeurs français veulent donc arriver à renouer les discussions avec le moteur de recherche, comme ils l'avaient fait en 2009 en soustrayant Google Actualités à la publicité.

Accusé d'abus de position dominante pour la mise en avant de ses propres services (You Tube, voyages, restaurants...), placé devant l'obligation de respecter le droit à la confidentialité par les Cnil européennes et voyant son bénéfice net en baisse de 20% au troisième trimestre (2,17 milliards de dollars), Google a peut-être intérêt à ne pas laisser prendre un autre feu...

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