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Nicolas Beytout lancera le 15 mai «L’Opinion», un quotidien libéral adossé à un site d’information payant. Portrait de son rédacteur en chef, Rémi Godeau qui, à 46 ans, veut peser sur le débat public.

Rarement Rémi Godeau a été autant courtisé. Depuis l'annonce de sa nomination début février, le rédacteur en chef de L'Opinion, que lancera Nicolas Beytout le 15 mai, a reçu plus de 200 candidatures pour les 30 postes de journaliste à pourvoir. «Je n'ai reçu aucun CV par courrier», note-t-il. Il faut dire que la création d'un quotidien relève de l'aubaine, rare dans ce secteur davantage habitué aux réductions d'effectifs et aux fermetures de titres.
Rémi Godeau connaît bien cette situation de crise, lui qui en tant que directeur de la rédaction de L'Est républicain a fait face à une baisse de 24% de la diffusion du journal entre 2008 et 2012. «A L'Opinion, nous construisons un média très innovant, nous ne sommes pas là pour rénover une structure chargée d'histoire afin d'éviter que les choses s'effondrent», explique ce Toulousain de 46 ans, diplômé de l'université Paris-Dauphine et de l'IEP de Paris, qui a commencé sa carrière comme grand reporter chez Jeune Afrique.

 

Un homme au profil complet

Cinq ans au Revenu français, un an à Capital comme chef d'enquête puis Le Figaro entre 2000 et 2007... La rencontre cruciale a lieu en 2004, lorsqu'il fait la connaissance de Nicolas Beytout, fraîchement nommé directeur de la rédaction, qui lui confie la rédaction en chef du cahier économique puis le poste de correspondant à Londres. «C'est quelqu'un qui a un profil très complet, dans sa formation, son expérience et sa manière de faire du journalisme», estime l'ancien patron des Echos, qui a levé près de 15 millions d'euros pour lancer L'Opinion.
En 2008, Rémi Godeau passe à l'Est, où il succède à l'emblématique Pierre Taribo à la tête de la rédaction de L'Est républicain. «Il a tout de suite voulu couper avec l'emprise qu'avait Pierre Taribo sur la rédaction, se souvient un journaliste. Il a gommé les différents niveaux hiérarchiques en demandant à ce que l'on le tutoie. Mais il a eu du mal à se défaire de son étiquette de journaliste économique parisien. D'autant qu'il a mis une certaine distance entre lui et les agences locales. Il est resté dans sa tour d'ivoire à Houdemont [le siège du journal].»
Pour tenter de stopper l'érosion des ventes, il lance une nouvelle formule début 2010. Fin 2011, le rachat de L'Est républicain par le Crédit mutuel aboutit au départ de 20% des effectifs et à la mise en place de services mutualisés entre les différents journaux du groupe. La greffe est difficile pour Rémi Godeau.

 

Une grille d'analyse proeuropéenne

Ce qui le passionne, c'est la politique et l'économie, des sujets qui seront au cœur de L'Opinion, dont la ligne éditoriale sera «libérale, probusiness et proeuropéenne». Le pari n'est pas sans risque en 2013... Pas de quoi inquiéter ce quadragénaire au contact facile: «Je suis quelqu'un d'assez instinctif, je vis mon métier comme une aventure, et il y a un risque à ne pas bouger, à ne pas s'adapter».

Pour réussir, L'Opinion devra se démarquer grâce à ses contenus à valeur ajoutée, ses angles et ses analyses, qui se déclineront sur tous les supports, du quotidien papier au smartphone en passant par Internet. L'homme croit à l'expertise journalistique. N'a-t-il pas prédit dans son livre La France en faillite (Editions Calmann-Lévy, 2006) que la France perdrait son triple A en 2011?
«Comme Mediapart, nous aurons un modèle relativement fermé. Mais là où Mediapart crée son actualité à travers des scoops, L'Opinion a davantage vocation à couvrir l'actualité, en appliquant une grille d'analyse libérale et proeuropéenne. Je serai ensuite là pour faire en sorte que ce que produit la rédaction pèse sur le débat public», résume le rédacteur en chef.

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