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Deux médias majeurs de la «Belle Province» du Canada ont engagé une mutation profonde de leur modèle d'information. Décryptage.

«Vaillancourt accusé de gangstérisme»: la une de La Presse, qui met au grand jour un scandale majeur de corruption au Québec, incriminant l'ex-maire de Laval, est une survivance d'un titre majeur de la presse canadienne francophone (210 000 ex.). Dans quelques mois, peu à peu, le quotidien de Montréal ne sera plus diffusé sur papier que de façon limitée. Le 18 avril, sa direction a effet pris le parti de concentrer tout son investissement - 40 millions de dollars - dans une migration à marche forcée vers un journal pour tablette, La Presse +, disponible gratuitement sur Ipad 2. Deux cents personnes sont recrutées à cette fin: journalistes Web, développeurs, graphistes, programmeurs...
Une application développée avec Apple vise à séduire les annonceurs. Pour l'heure, le temps d'attention pour le journal numérique ne serait évalué qu'à 6 minutes. Mais en inaugurant un studio capable de retransmettre en direct et en produisant davantage de vidéos, tout en animant un fil d'actualité en temps réel, La Presse fait le pari de «devenir le premier journal de masse sur tablette» en attirant l'intérêt de ses lecteurs vers ses contenus sur Ipad.

Comme dans un journal classique, les prix de la publicité sont établis non pas au clic mais en fonction d'une grille tarifaire (La Presse + comptait 110 000 abonnements gratuits après une semaine d'ouverture). Tournant le dos aux murs payants, son directeur Guy Crevier, estime que «la gratuité est un phénomène irréversible en information» pour séduire les nouvelles générations. Il entend tirer un trait sur près de 90 millions de dollars de frais d'impression et de distribution sans renoncer, pour autant, à l'essence même du journalisme.

Servir tout le monde

A CBC Radio Canada, le service audiovisuel public, la crise est aussi parlante, après une diminution de 10% - étalée sur trois ans - des subventions en provenance du gouvernement fédéral (1 milliard de dollars). Souffrant d'une difficulté grandissante à conforter ses revenus publicitaires (375 millions de dollars), CBC Radio Canada a été contraint de couper dans son budget d'information et de renoncer à son émission phare consacrée à l'international, Une heure sur terre (Jean-François Lépine, son animateur, a été mis à la retraite).
Mais le diffuseur public est aussi engagé dans un plan stratégique jusqu'en 2015 visant à basculer son information dans une logique transmédia. La fusion des rédactions et la création d'une direction multiplateforme amène le groupe à s'organiser au fil de la journée suivant les événements: à Twitter l'info rapide, au grand journal télévisé de 22 heures un approfondissement de l'actualité.

Si le groupe a dépêché une équipe Web affectée à l'élection du Pape, il a chargé son correspondant de guerre au Mali de produire pour la télé, la radio et les nouveaux médias. «Il faut des modes de production plus légers pour servir les trois plateformes, explique Michel Cormier, directeur général de l'information. On est conscients qu'on ne peut pas surcharger les journalistes. Il s'agit donc de cibler les besoins particuliers de couverture pour servir tout le monde sans dénaturer le journalisme. L'acte de recherche et d'enquête reste le meilleur garant de notre succès.»

Partenaire de l'Offshore Leaks, CBC Radio Canada le prouve en mettant sur le Web des dossiers bruts d'évasion fiscale tout en consacrant d'autres numéros de son émission hebdomadaire Enquête à ce sujet. «On n'a pas déballé tout ce qu'on sait. Il y aura à l'automne d'autres révélations», lâche Michel Cormier qui, cette fois, a renforcé l'émission d'investigation de deux équipes supplémentaires.

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