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Le «Nouveau Marianne» s'insurge contre la crise économique et politique (et de la presse) avec un parti-pris combatif et optimiste en grande partie inspiré par son fondateur, Jean-François Kahn.

«Le pessimisme est d'humeur; l'optimisme est de volonté»: Marianne a choisi de faire sienne cette phrase du philosophe Alain. «La situation est excellente... Vers des lendemains lumineux!», pétaradait en une l'hebdomadaire, dans sa profession de foi parue le 22 juin. On pouvait, de prime abord, se demander s'il ne s'agissait pas d'une farce ironique. Détonant et détonnant, le parti-pris du Nouveau Marianne, en cette période anxieuse.

«Crise politique, crise morale, crise économique, mais aussi crise de la presse et de la diffusion des news magazines: il était indispensable de proposer du nouveau», explique Maurice Szafran, PDG de l'hebdomadaire. Lors des années fastes, celles de l'anti-sarkozysme, avec ses unes telles «Sarkozy est-il fou?» (2004) ou encore «Le voyou de la République» (2010), les ventes de Marianne «montaient jusqu'à 200 000 exemplaires», rappelle Maurice Szafran.

En ce début 2013, l'hebdomadaire, soupire-t-il, «a beaucoup morflé»: ventes en baisse de 21% au premier trimestre, de 8,3% entre 2011 et 2012 (DFP: 234 816 ex.). «C'est simple, résume Maurice Szafran. Nous pensons qu'il existe un problème d'offre: nous changeons d'offre.»

Le philosophe Alain, encore: «L'éloquence optimiste est du genre calmant; elle s'oppose à la fureur bavarde.» Les lecteurs de Marianne semblent en tout cas avoir entendu l'appel lancé dans le numéro programmatique du 22 juin.

«Nous avons reçu plus de mille mails. Seule une infime partie de nos lecteurs exprimaient son incompréhension. Mais la majorité estiment qu'en effet, il faut se battre», se félicite Maurice Szafran, qui entend gagner 10 000 ventes supplémentaires avec le Nouveau Marianne (vendu 3 euros). Et a rappelé à ses côtés le cofondateur de Marianne, Jean-François Kahn, parti en 2007.

Kahn l'immarcescible 

Du neuf avec du vieux? Ne dites pas que Kahn a repris du service à la tête de l'hebdomadaire. «Jean-François intervient au nom de sa société de conseil, République Communication», assure Maurice Szafran.

En interne, on souligne pourtant le poids de l'immarcescible JFK, présent à toutes les conférences de rédaction, qui, entre autres préconisations, aurait conseillé aux journalistes de sortir de l'entre-soi, d'arrêter de parler à des lecteurs comme à des «sachants» et d'adopter un discours pédagogique et moins excluant.

Traduction de la révolution promise? Au sommaire du Nouveau Marianne, un édito titré «Face à la désespérance, debout!» comporte encore - on ne se refait pas - une charge contre «notre petit César», comprenez, Nicolas Sarkozy, en en rappelant l'«agitation compulsive et allumée».

Un sondage exclusif de l'institut Harris, plutôt anxiogène, souligne le «désaveu historique» des Français vis-à-vis du PS et de l'UMP, tandis que Marine Le Pen prospère dans l'ombre. Pas réjouissant-réjouissant, ce dossier qui sonne comme un signal d'alarme.

Plus loin, un article sur l'hystérie polémique, incarnée par les Elisabeth Lévy et autres Eric Zemmour, prévient des risques que la société de l'opinion fait peser sur la pensée, tandis que la rubrique «Chiche!» donne la parole à Frédéric Lordon et Emmanuel Todd, deux intellectuels qui n'avaient pas vraiment leur rond de serviette chez Marianne. Un signe d'ouverture?

La révolution du site Web de Marianne, elle, attendra. «La question se posera en septembre, avec un arbitrage gratuit/payant», annonce Maurice Szafran, qui continue à penser que l'Internet est un boulet au pied des éditeurs: «Cela fait dix ans qu'on nous dit que la pub arrive. On l'attend toujours! Avec le Web, les éditeurs se sont suicidés, il s'agit de se dé-suicider.» Toutes les révolutions ne seraient-elles pas bonnes à prendre?

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