Télévision
Des émissions de flux aux fictions françaises, les chaînes construisent leurs grilles autour de grandes marques programmes. Quelles sont celles qui se portent le mieux? Lesquelles mériteraient d’être renouvelées ou relancées? Enquête.

Les diffuseurs TV peuvent-ils encore se reposer sur leurs marques iconiques? «Sur des émissions comme The Voice, Koh Lanta, Danse avec les stars, il y a une usure régulière», souligne Philippe Nouchi, directeur de l’expertise média chez Publicis média. Qu'en est-il des autres formats, de la fiction française, des émissions qui tentent leur come back...? Revue de détail du potentiel des marques programmes.

  • Koh-Lanta, Top Chef.. Les références du divertissement s'érodent

Sur TF1, The Voice décline depuis cinq ans. Elle a perdu en moyenne 651000 spectateurs cette saison sur les 4 ans et plus, soit -10% pour une moyenne de 5,714 millions. «Le format a une structure d’audience qui vieillit sensiblement», note Isabelle Vignon, directrice de l'expertise médias chez Dentsu Aegis Network. Sur les 15-24 ans, la baisse est de 29% par rapport à la saison 2017 alors que les 60 ans et plus ont représenté cette saison 30,2% de l’audience contre 25% en 2017.

L’érosion est plus faible pour Koh-Lanta, qui affiche le record de longévité avec 17 ans d’existence. Le jeu d’aventure a perdu 100000 téléspectateurs en moyenne avec 5,480 millions de fidèles cette année. «La chaîne ayant baissé de 10% le prix de ses spots, il s’est imposé comme une bonne affaire en coût du GRP», souligne Isabelle Vignon. La marque la plus à la peine chez TF1, c’est Danse avec les stars, qui a égaré 611000 téléspectateurs. Les plus de 60 ans représentaient 30% de l’audience en 2017, 4 points de plus en un an.

Côté M6, Top Chef affiche une perte de 139 000 téléspectateurs, soit -4,3%. 3 millions de personnes ont suivi en moyenne le programme, 13,9% sur les 4 ans et plus et 23% des FRDA-50 [Femme responsable des achats de moins de 50 ans]. Mais il faut noter le rajeunissement de la structure d’audience avec 55,4% de 25-49 ans contre 51,3% en 2017. «C'est un indicateur fort de la vivacité de la marque», analyse Isabelle Vignon. Le Meilleur Pâtissier est plus à la peine avec une perte de 526000 téléspectateurs, soit -17% sur les 4 ans et plus, à 2,564 millions de personnes en moyenne. Le programme vieillit avec 37% de 50 ans et plus contre 34% en 2017. Mais en baissant de 35% ses tarifs publicitaires, la chaîne a assuré aux annonceurs un GRP très attractif.

Malgré ces usures, ces émissions assurent à leurs diffuseurs des niveaux supérieurs à la moyenne de leurs chaînes. «Elles restent des belles marques», reconnaît Philippe Nouchi.

  • Capitaine Marleau, Candice Renoir... Des séries françaises qui surperforment

D‘autres formats fédérateurs s’installent pour plusieurs semaines et garantissent aux chaînes des audiences en progression. Ce sont les fictions françaises. Sur France 3, Capitaine Marleau, lancé en 2015, rassemble 6,708 millions de 4 ans et plus en moyenne cette année, soit 771 000 spectateurs supplémentaires (+51%), avec une progression de 54% sur les 15-24 ans que les chaînes ont tant de mal à capter. «Un succès porté par la personnalité de Corinne Masiero et l’écriture remarquable de cette fiction dans laquelle tout est qualitatif», explique Isabelle Vignon. Même phénomène pour Candice Renoir. L’inspectrice de France 2 qui veut qu’on arrête «de la prendre pour une quiche» a progressé de 21%, avec 662000 spectateurs supplémentaires en 2018. Elle s’offre le luxe de rajeunir son audience avec 17,5% de 25-49 ans contre 13,9% en 2017, et 19,2% de CSP+ contre 16%. «La fiction s’use moins vite car il y a un attachement du public aux personnages, contrairement à ceux des programmes de flux qui changent d’une saison à l’autre. Et soulignons le vrai talent des auteurs à faire durer les séries», estime Philippe Nouchi.

  • Burger Quiz, Pékin Express... Le retour des émissions mythiques

Les enfants de la télé, Burger Quiz, et bientôt Pékin Express, avant Le Grand échiquier: les chaînes n’hésitent pas à ressortir des cartons des émissions mythiques après plusieurs années d’absence. Une stratégie qui n’est pas toujours couronnée de succès. En atteste l’échec de La Nouvelle star, de retour sur M6 fin 2017 après six ans d’absence, et dont l’audience a reculé de 37% (2,1 millions de téléspectateurs, 9,2% de PDA). Sur TMC, l’ex-émission mythique de Canal+, Burger Quiz, fait un retour remarqué à 1,413 million de spectateurs, dont 49% de CSP+. «C’est un marqueur important pour la chaîne TMC, qui veut se positionner sur cette cible», note Isabelle Vignon. Conséquence, le prix des 30 secondes de publicité a presque doublé en six semaines.

«On sait aujourd’hui qu’on ne battra plus les scores qu’il y a cinq ans», estime Stéphane Rotenberg avant le retour de Pékin Express sur M6 après quatre ans d’absence. Avec 2,7 millions de téléspectateurs en moyenne pour les deux premières émissions, La Carte au trésor, relancée par France 3 après une interruption de 9 ans, fait, elle, nettement mieux qu’en 2009 (1,8 million). «Le retour de ces émissions ne prouve pas le manque de créativité des chaînes mais témoigne d'une tendance pour le vintage, un goût pour la madeleine de Proust. Le public a envie de retrouver des formats qu'il a connus plus jeune», observe Isabelle Vignon.

  • De nouvelles marques difficiles à installer

Face aux programmes déjà bien installés, difficile pour les chaînes d’installer de nouvelles marques. «Pour qu’un programme devienne une marque, il faut que celui-ci soit conçu dès le départ pour être reproductible et exportable», estime Philippe Chazal, directeur général de La Fabrique des formats. Et l’ancien directeur des programmes de France 4 de citer parmi les exemples français les plus récents l’émission de C8 Au tableau, dans laquelle des personnalités vont à la rencontre d’écoliers. Reste que les audiences sont en chute libre avant le passage dans l’émission de François Hollande le 13 juin: 564000 et 316000 téléspectateurs pour les deux derniers numéros, soit respectivement 2,7% et 1,5% de PDA, contre 5,4% pour la première émission en mars 2017.

«TF1 a réussi à imposer une nouvelle marque: Ninja Warrior», observe Philippe Nouchi. La deuxième saison, diffusée à l’été 2017, avait rassemblé en moyenne 4,381 millions de fidèles (24,8% de PDA), 487000 de plus que la saison une. Pour limiter les risques, les chaînes préfèrent lancer des marques qui ont déjà fait leurs preuves à l’international. «C’est plus facile d’inventer de nouveaux concepts sur l’access. Sur le prime, les chaînes misent beaucoup plus sur des franchises», note le directeur de l’expertise média chez Publicis média.

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