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En lançant son service dans sept pays européens le 24 mars, avant la France le 7 avril, le géant américain entend bien remettre en cause l’hégémonie de Netflix sur le marché de la vidéo par abonnement. Avec un atout de taille : sa maîtrise de l’ensemble de la chaîne de valeur.

Disney+ ne pouvait rêver meilleur moment pour se lancer. Malgré l’ambiance morose, le confinement auquel sont contraints de plus en plus d’habitants à travers le monde pour lutter contre la pandémie du coronavirus offre aux plateformes de SVOD un niveau de temps disponible inégalable. En France, le risque de saturation des réseaux télécom que l’arrivée de Disney+, initialement prévue le 24 mars, a poussé le gouvernement français, pressé par les FAI, à demander un report. C’est donc finalement le 7 avril que Disney lancera son service de vidéo par abonnement. Au Royaume-Uni, en Irlande, en Allemagne, en Espagne, en Italie, en Suisse et en Autriche en revanche, pas de report, même si le géant américain a annoncé des mesures pour réduire d’au moins 25% l'utilisation globale de la bande passante.

 

Lancement fulgurant

«Il n’y a rien de positif, ce n’est pas une opportunité pour nous, la situation est trop grave, a expliqué au Figaro, Kevin Mayer, directeur de la division Direct-to-consumer et International de Disney. Simplement, si nous pouvons, grâce à nos contenus, apporter un peu de plaisir et un peu de réconfort aux gens en ces temps troublés, c’est le minimum que l’on puisse faire.»

Le lancement fulgurant de Disney+ aux États-Unis, au Canada, en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas le 12 novembre dernier laisse en tout cas présager d’un succès en Europe. En 24 heures, la plateforme comptait déjà 10 millions d’abonnés outre-Atlantique, pour un total qui s’élevait début février à 28,6 millions. «La dimension familiale de Disney+ va jouer. C’est d’ailleurs ce qui la distingue de Netflix, plutôt portée sur les jeunes adultes et les adultes, tandis que Disney+ se positionne sur les enfants et la famille. Chacun a son territoire éditorial», relève Philippe Bailly, fondateur du cabinet NPA Conseil.

Et si Netflix est déjà bien installé dans les foyers – 167 millions d’abonnés dans le monde, 6,7 millions en France – , Disney+ entend bien s’imposer à son tour sur le marché de la SVOD. Dans l’Hexagone, le service pourra compter sur le contrat de distribution exclusive signé avec le groupe Canal+. Celui-ci fera découvrir gratuitement, pendant un an, la plateforme aux abonnés des packs Famille et Canal+, et l’inclura de façon permanente dans ses forfaits Intégrale, Intégrale+ et Ciné Séries. Autant d’abonnés acquis d’emblée pour Disney+.

Le groupe Canal+ diffusera aussi en clair, le 7 avril, jour du lancement, le premier épisode de la série issue de l'univers de Star Wars, The Mandalorian, sur quatre de ses antennes (Canal+, Canal+ Family, C8 et Cstar). «Donner à goûter le produit vaut toujours mieux qu’une campagne de publicité. D’autant qu’avec la fermeture des parcs et des boutiques Disney, le groupe Walt Disney ne pourra pas les utiliser pour le lancement de Disney+ en Europe», note Philippe Bailly.

 

Force de frappe

Autre atout sur lequel pourra compter Disney, sa force de frappe. Selon un bon connaisseur du marché, la major hollywoodienne investit chaque année dans les contenus autour de 23-24 milliards de dollars par an quand Netflix en investit 14 milliards. «Netflix ne produit ses contenus que sur une fenêtre [la SVOD] quand les studios comme Disney sont présents sur toute la chaîne de valeur [du cinéma aux chaînes télé, en passant par la SVOD]. C’est le problème structurel de Netflix», insiste le spécialiste. Pour autant, l’une des forces de Netflix est d’alimenter sa plateforme en nouveautés en permanence. «Pour parler d’un lancement réussi, il faudra notamment surveiller la capacité de Disney à rivaliser à l’identique avec Netflix en termes de rythme de nouveautés», ajoute encore le dirigeant.

Reste à savoir, si l’absence de contenus locaux, au démarrage, ne jouera pas contre le succès de Disney+ en France. « Plusieurs plateformes ont gagné de nombreux abonnés sans forcément avoir beaucoup de contenus locaux. Ce n’est pas une condition de départ », estime Philippe Bailly, qui rappelle que Netflix n’a produit sa première série française, Marseille, qu’en 2016, et que celle-ci est restée «anecdotique».

Le projet de loi audiovisuelle pourrait de toute façon changer la donne. En demandant aux plateformes d’offrir 30 % d’œuvres européennes dans leur catalogue et d’investir 25 % de leur chiffre d’affaires dans la création, la future loi pourrait ne pas laisser le choix aux acteurs comme Disney+ en matière de production locale. La SVOD n’échappera pas à l’exception culturelle européenne.

Un catalogue de plus de 500 films et 300 séries

Moyennant un abonnement de 6,99 euros par mois (69,99 euros par an), l’utilisateur accèdera en France sur Disney+ à plus de 500 films et 300 séries issues des univers Disney, Pixar, Marvel, Star Wars et National Geographic. Quatre flux simultanés seront compris dans l’abonnement, contre un seul dans la formule de base de Netflix à 7,99 euros. Reste qu’en raison de la chronologie des médias, la plateforme ne pourra pas proposer en France des films sortis en salles depuis moins de 36 mois.

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