Audiovisuel
Pour imaginer le monde d’après-Covid, chaînes télé et radios organisent de plus en plus des consultations citoyennes. Une démarche qui mêle souvent propositions concrètes et utopies.

Après des semaines de confinement, les Français ont des choses à dire. Sur leur rapport au travail, sur les relations qu’ils ont entretenues à distance, sur l’école, et sur les changements dans la société qu’ils aimeraient voir perdurer. « La crise sanitaire s’inscrit dans une série de crises : de la démocratie, de la représentativité, des médias… Beaucoup souhaitent que cette période soit utile et permette notamment de remettre le citoyen au cœur du débat », estime Vincent Giret, directeur de Franceinfo.

Co-construction

Partant de ce constat, plusieurs médias ont lancé des consultations citoyennes pour dessiner le monde d’après-Covid, de RMC Sport à Franceinfo, en passant par TF1. « Ce type de démarche permet de renforcer le lien avec nos téléspectateurs. Une précédente consultation que nous avions menée avec la société Bluenove sur le rôle des médias demain [lire encadré] avait fait ressortir une demande de co-construction de l’information. À nous, médias, de créer des occasions pour permettre au plus grand nombre de trouver sa place dans le débat public », explique Thierry Thuillier, directeur général adjoint du groupe TF1, en charge de l’information. Fin avril, TF1 et LCI ont ainsi lancé leur consultation citoyenne « Notre Nouvelle Vie » en partenariat avec Sciences Po et Bluenove. Cette société spécialisée dans les méthodes et les technologies d’intelligence collective massive a notamment participé à l’analyse des résultats du grand débat national, organisé par Emmanuel Macron au printemps 2019. Cette fois, les Français sont interrogés sur les changements qu’ils aimeraient voir naître de la crise sanitaire. Plus de 5 500 personnes, pour un total de près de 60 000 contributions, ont participé à la première phase à travers un questionnaire portant sur trois thèmes : la mise à distance (télétravail, école à distance, relations aux proches), le rapport à la liberté et ce qui doit être le monde de demain. Se sont ensuivis une deuxième phase de débats en ligne, encore en cours, et un exercice d’utopie qui invite les Français à imaginer le monde dans cinq ou dix ans. En plus de multiples publications sur le site de TF1 et d’un prochain débat sur l’antenne de LCI, un événement de restitution pourrait être organisé à Sciences Po et une synthèse de tous ces travaux doit être remise à la rentrée aux pouvoirs publics. « Ce sera une forme d’interpellation sur comment les Français voient leur avenir. Ça participe de ce sentiment de nos téléspectateurs ou internautes d’être acteurs de la vie publique, avec l’idée qu’ils peuvent faire bouger les lignes et faire des propositions. Nous sommes ici dans le concret et le positif », résume Thierry Thuiller.

Une semaine de débats

La démarche est la même du côté de RMC Sport, qui a lancé mi-mai une consultation citoyenne sur le sport de demain. Les Français pouvaient envoyer leurs idées autour de quatre thématiques (le football professionnel, les sports professionnels, le sport pour tous et Paris 2024), avec pour chacune d’elles une semaine de débats sur l’antenne de RMC. Les propositions ont également été soumises au vote des auditeurs et les plus plébiscitées doivent être remises début juillet à la ministre des Sports, Roxana Maracineanu. « Nous avons reçu des propositions auxquelles nous n’avions pas pensé, comme l’idée d’une licence qui permettrait d’accéder à plusieurs fédérations, le “Pass Sport Amat”, ou des séances d’initiation à un sport gratuites en ligne. On a pensé que c’était le bon moment pour se poser des questions et voir quelles propositions on pouvait apporter. Le sport de demain ne sera pas le même », raconte Rodolphe Massé, directeur des rédactions de RMC Sport. De son côté, Franceinfo a mené dès le 8 avril, sur ses antennes télé et radio, et sur le digital, l’opération #EtAprès, en partenariat avec Terra Nova et la Fondation pour l’innovation politique. Des appels à témoignages ont été lancés, par exemple, sur la manière dont chacun aimerait voir son travail évoluer après la crise. Chaque sujet a recueilli en moyenne 500 réponses. « L’interactivité était très peu dans notre culture, mais on a vu durant cette période que les gens avaient envie de s’exprimer, de réagir. L’idée ici n’était pas tant de dessiner un monde d’après un peu naïf mais de voir ce que les Français avaient envie de changer concrètement », souligne Vincent Giret. « Historiquement, ce genre de consultation citoyenne ne fait pas partie de l’approche traditionnelle des médias », contextualise Jean-Marie Charon, chercheur à l’EHESS. Parmi les rares exceptions, une consultation du Petit Parisien dans l’entre-deux-guerres, qui avait consulté ses lecteurs sur la peine de mort. « Aujourd’hui, il faut voir dans cette tendance une parenté avec le développement du participatif dans les médias et avec un phénomène plus contemporain : le journalisme de solutions. De ce point de vue, la période du Covid marque un tournant », analyse le sociologue des médias.

Des consultations citoyennes sur l’avenir des médias 

Début 2020, 11 médias parmi lesquels 20 Minutes, Le Parisien et Radio France ont mené avec Bluenove et Google News Initiatives une vaste consultation baptisée Médias et citoyens, visant à restaurer le lien de confiance entre les Français et les journalistes. 1 750 personnes y ont participé, pour un total de 13 200 contributions. En janvier prochain, Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, prévoit aussi de redéfinir l’offre de programmes du groupe public. Pour cela, « nous lançons une enquête citoyenne d'envergure en septembre pour interroger nos téléspectateurs », a-t-elle confié à Stratégies. Début 2019 déjà, France Télévisions et Radio France avaient organisé la consultation Ma télé et ma radio demain, à laquelle ont participé plus de 120 000 personnes.

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