Actualité
Avec le Covid-19, le site FranceSoir, repris par Xavier Azalbert en 2016, gagne une nouvelle notoriété dans le sillage d’un traitement de l’information à la lisière permanente du complotisme.

Artisan de la promotion du documentaire décrié Hold-Up, le site FranceSoir a gagné une nouvelle notoriété depuis le début de la pandémie, surfant sur le prestige de son ancêtre papier, à coups de tribunes et de billets d'opinion. Du quotidien fondé en 1944 dans la continuité du journal clandestin Défense de la France, restent les images de certaines unes abondamment relayées par FranceSoir, dont l'édition papier a disparu en 2011. L'apogée du journal -dans les années 50 et 60- est suivie de décennies de lent déclin, avant le rachat de la marque en 2012 par une société de paiement qui compte l'orienter vers le commerce électronique. A la faveur d'une recapitalisation, Xavier Azalbert, homme d'affaires passé par la société de conseil McKinsey, prend les rênes en 2016.

Le nouveau patron veut instaurer un modèle à base de jeux concours et de sponsoring de rubriques, détaille un ancien collaborateur qui ne souhaite pas être cité. Un projet qui passe mal auprès de la rédaction: grève puis départ en 2019 des quatre derniers journalistes. «Nous n'avions jamais eu à modifier une ligne de ce qu'on écrivait, c'est quand il (Xavier Azalbert) a voulu le faire que ça s'est envenimé», raconte l'un d'eux, évoquant un homme «aux opinions politiques fluctuantes qui ne supporte pas qu'on s'oppose à lui».

«Bingo de désinformation»

«Le site a été repris par Xavier Azalbert pour en faire une vitrine pour ses idées politiques. A partir du moment où il s'est débarrassé des journalistes, on voit bien qu'un virage éditorial a été amorcé», affirme l'avocat Pierre Cappe de Baillon, qui représentera les journalistes aux prud'hommes fin mars. Le site Conspiracy Watch a récemment épinglé un papier sur le «Russiagate» (affaire tentaculaire sur des soupçons de collusion entre la Russie et des membres de la campagne présidentielle 2016 de Donald Trump), «véritable bingo de désinformation» qui «démontre que FranceSoir a basculé dans le complotisme le plus échevelé». Mais c'est la couverture de l'épidémie qui a conduit NewsGuard, site évaluant les sources d'informations en fonction de leur fiabilité, à revoir sa notation et alerter le lecteur sur son «non-respect de plusieurs principes journalistiques de base».

NewsGuard cite en exemple une interview du youtubeur Silvano Trotta qui affirme qu'un mélange d'antibiotiques guérit du Covid. Ce proche du mouvement conspirationniste d'extrême droite QAnon, qui a relayé des théories du complot sur les attentats du 11 Septembre et estime que la lune est creuse, a été interviewé par Xavier Azalbert. Le youtubeur a salué «les fabuleux dossiers sortis pendant cette crise», rappelant à son public qu'il pouvait aussi «gagner une maison» avec FranceSoir.

3 millions de visiteurs uniques mensuels?

Le service de fact-checking de l'AFP a relevé plusieurs fausses affirmations dans FranceSoir. Une bactérie appelée Prevotella tuerait les malades du Covid-19 (affirmation infondée et bâtie sur une hypothèse désavouée par son propre auteur), ou encore 90% des tests PCR positifs seraient en fait des «faux». Comment fonctionne la rédaction? Difficile à savoir. «Nos contributeurs sont à la fois des lecteurs, des experts dans leur sujet, des scientifiques, des journalistes», déclare Xavier Azalbert. Soit «une vingtaine de personnes, avec des contributeurs plus ponctuels, à l'étranger ou dans des domaines spécifiques».

Le «collectif citoyen», composé de «plusieurs centaines de personnes de tous horizons», signe régulièrement articles et tribunes. Dernier en date, un papier sur la «réinformation des Français sur les résultats des études», notamment sur l'hydroxychloroquine, que le site promeut régulièrement. Une formule qui paye: depuis le début de l'épidémie, FranceSoir revendique en moyenne 3 millions de visiteurs uniques par mois, plus de 5 millions certains mois. Des chiffres non certifiés par l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) car FranceSoir n'y souscrit pas.

Suivez dans Mon Stratégies les thématiques associées.

Vous pouvez sélectionner un tag en cliquant sur le drapeau.