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Pile un an avant la suppression du cookie tiers de Google Chrome, le monde de l’adtech s’active pour trouver de nouvelles technologies qui pourront toujours permettre de cibler les publicités. Pour l’heure, aucune n’émerge.

Qui succèdera au cookie tiers ? Il ne reste plus que douze mois avant que Google ne supprime définitivement de son navigateur ce petit fichier texte inventé en 1994 par Netscape, et qui permet de retenir – et de s’échanger – des informations sur les internautes. Quel sera le panorama du web en 2022 ? Le paysage est encore flou. Société d’adtech, éditeurs, fournisseurs de données… Chacun y va de sa vision mais aucun accord, ni aucun standard n’émerge.
Deux stratégies distinctes
Si on devait résumer les discussions, deux visions du problème se dessinent. « La première : trouver une technologie qui remplacera le cookie tiers, c’est-à-dire qui permettra de continuer à récolter des informations et cibler tous les internautes. L’autre : faire sans, et ainsi partir des technologies actuelles et les améliorer, notamment les données first party », indique Paola Prévot, responsable des partenariats pour Quantcast. De chacune de ces deux visions découlent les stratégies des acteurs. La première est portée par Google et Criteo notamment, au sein du W3C (World Wide Web Consortium), avec les trading-desk et SSP qui seront directement touchés. La seconde vision est portée par les acteurs de la donnée (les data providers), ou les solutions de gestion de données (DMP, CMP…), qui veulent valoriser leurs atouts. Au cœur des débats, les éditeurs, dernier maillon de la chaîne publicitaire, qui devront réaliser de nombreux tests cette année. Et ce, dans un contexte tendu de crise, et alors que la Cnil met en œuvre ses nouvelles directives sur le consentement dès le mois d’avril. « La réputation et l’analyse du respect des réglementations sera donc d’autant plus déterminante dans les mois à venir », estime Alexandra Roa, responsable des partenariats éditeurs pour Zeotap.
Remplacer le cookie
Depuis huit mois, d’actives discussions ont eu lieu au sein des réunions hebdomadaires du W3C. Objectif: réinventer le ciblage. Face à l’impossibilité de faire du ciblage individuel, les acteurs sont contraints de viser des groupes d’internautes qui partagent des intérêts communs. Donc dans tous les cas, « bye-bye » le ciblage par machine/utilisateur unique et l’hyperpersonnalisation de masse. Google avait proposé une solution baptisée Turtledove, dont les calculs de l’algorithme de ciblage et l’attribution de l’utilisateur à un groupe se déroulaient au sein même du navigateur. Idem pour les logique d’enchères programmatiques. « C’était compliqué pour certaines régies, qui parfois vendent en direct ou en programmatique », pointe Charles-Henri Henault, vice-président produits, ads platform & analytics pour Criteo. Cette mécanique ultra-complexe au sein du navigateur, un logiciel basique, a hérissé les poils de plus d’un responsable d’adtech. « L’autre question, c’est que Google sait absolument tout ce qu’il se passe », argue le vice-président. Cette mainmise du géant sur la représentation du web n’est pas inconséquente.

Criteo a présenté son propre contre-projet, baptisé Sparrow. Ici, la logique reste à peu près la même : viser des utilisateurs répartis en groupes d’intérêts communs. Mais cette fois, tout est sorti du navigateur, pour être réalisé sur des serveurs tiers (une organisation, ou de nouveaux acteurs indépendants). « Le but était de mettre toute la logistique sophistiquée de la publicité digitale dans un autre serveur : l’enregistrement des créas, les stratégies d’enchères… et de ne pas utiliser la bande passante de l’utilisateur. » Car c’était le point négatif de Turtledove : il fallait charger toutes les créas dans le navigateur de l’utilisateur, pour l'afficher après les calculs de ciblage. « Vous auriez consommé tout votre forfait data pour la moindre publicité vidéo », ironise-t-il. Sans compter le temps de chargement, à peine digne d’un vieux modem 56k. Finalement, Google a récemment admis la non-viabilité de sa solution, pour en présenter une nouvelle, Dovekey, basée sur des serveurs tiers. « Il réalise sur les serveurs deux enchères, l’une après l’autre : la première pour déterminer une impression contextuelle, et ensuite, une autre de ciblage », détaille Charles-Henri Henault. Mais de nombreux points techniques ne sont toujours pas résolus à l’heure actuelle. Et au rythme des discussions, peu de chance que tout soit lancé d’ici 2022. Google en profitera-t-il ?
Le contextuel
Autre solution : le contextuel. Cibler les internautes en fonction de ce qu’il regarde, et du contexte éditorial. Revenir aux racines de la publicité, finalement. Elle demandera aux médias de renforcer leur ligne éditoriale, afin de correspondre à une cible précise, et affectera les rédactions. Le ciblage contextuel permet de faire beaucoup de volumes, mais peu valorisé. 
Revenir au first party
L’autre logique consiste à identifier un utilisateur par des données first party, comme on le fait actuellement. Un mail, par exemple. « Cela reste les données les plus qualitatives », indique Léonard Steger, de Zeotap. Mais le reach est faible. Pour avoir plus de volumes, deux solutions. D'un côté, construire un vaste réseau de partenaires pour augmenter sa base, un identifiant permet alors d’anonymiser l’internaute dans les échanges. Au lieu d'échanger des cookies, on échange un identifiant. De l'autre, extrapoler les données first party et construire des données probabilistes à partir de données déterministes (un internaute est identifié de manière sûre). Les ID de LiveRamp, The Trade Desk, ID5, Zeotap... reposent soit sur l’une ou l’autre des stratégies. Par exemple ID+, de Zeotap, se base uniquement sur sa base de données déterministes, construite sur un réseau de partenaires. De l'autre côté, Permisio, de Quantcast, cherche à unifier la procédure de connexion pour les médias, afin d'augmenter la base d'utilisateurs pour affiner les données probabilistes des non-connectés. « In fine, différents identifiants coexisteront sur le marché. C’est l’interopérabilité qui sera la clé, pour opérer sur des échelles les plus larges possible », estime Paola Prévot. 

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