Podcast
Cocréatrice d’un des studios de podcasts les plus singuliers et les plus populaires de France, Charlotte Pudlowski creuse le sillon de l'émotion, vecteur privilégié pour elle de la connaissance de l’autre et du monde.

À 34 ans, Charlotte Pudlowski affiche une réussite insolente. Après avoir conçu et lancé en 2016 Transfert, le premier podcast du site en ligne Slate, classé troisième podcast le plus écouté de France par l’ACPM en février 2021, elle a créé Louie Media avec sa camarade de Sciences Po, Mélissa Bounoua. Leur studio indépendant se place en cinquième position des marques françaises de podcasts. Leur crédo : « faire un média fort économiquement pour être fort éditorialement, explique celle qui est aussi la nièce du journaliste gastronomique Gilles Pudlowski. Et, ajoute-t-elle, heureusement que nous avions fait une levée de fonds juste avant le Covid ! ». Le fil rouge de son travail, c'est l'émotion, comme une obsession qui la guide : « J'aime ressentir des choses fortes et je n'oppose pas l'émotion à la raison ou à la pensée. L'émotion est un vecteur de pensée, elle donne même naissance à la pensée. Je suis attachée à l'émotion et à l'intime parce qu'ils permettent d'explorer et de comprendre le monde dans toute sa singularité. » 

Nuance et complexité

La ligne de Louie Media ? « Nous proposons des séries qui valorisent la nuance et la complexité », dit-elle. Sa dernière série incarne cette ambition. Unanimement saluée lors de son lancement cet automne, elle a été baptisée « Ou peut-être une nuit », en hommage à la chanson L'Aigle noir de Barbara. Charlotte Pudlowski y enquête sur l'inceste dont a été victime sa mère, enfant, et que cette dernière n'avait évoqué qu'une fois, au hasard d'une conversation aussitôt oubliée. L'auteure tire un fil qui met en lumière les mécanismes de silence et de honte en rencontrant victimes, spécialistes et scientifiques pour comprendre et faire comprendre l'étendue de ces violences faites aux enfants.

La crainte de maladresses l'a fait trembler. « Jamais je n'ai eu aussi peur avant de faire et de diffuser un podcast de ma vie. Peur de faire du mal à ma mère surtout. Mais elle a été très heureuse de participer au programme et cela a donné de l'importance à son histoire. Quant à mon père, que nous imaginions très réticent, il a compris ma démarche. Il est content que ma mère soit contente et il est fier de l'écho qu'a ce programme. J'en fais un livre qui sortira chez Grasset à la fin d'année », raconte Charlotte Pudlowski dans son deux pièces, près de Bastille. Le lieu lui ressemble : simple et sobre, lumineux et plein de charme avec des livres à foison, une cheminée et de solides poutres. Une large table laisse imaginer des moments de partages conviviaux : « L'amitié est hyper importante pour moi. C'est ma plus grande réussite dans la vie. Mes amis et moi avons des relations très équilibrées car je suis allergique aux rapports de domination. Je marche à l'admiration et au respect. » 

Accro aux livres

Des valeurs qu'elle a cultivées enfant dans une famille « très joyeuse et branchée littérature et politique », de son propre aveu. Elle grandit dans le huppé 16e arrondissement. Sa mère « survalorise les études qu'elle n'a pas pu faire ». Son père est alors un avocat engagé, qui défend notamment le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP). « J'ai toujours eu un rapport très fort au langage. Avec ma meilleure amie, connue à 8 ans, nous partageons depuis 25 ans conversations, analyse de soi et regards croisés sur le monde. »

Cette accro aux livres découvre le podcast à la faveur d'un voyage dans le Missouri lorsqu'elle étudie le journalisme à Sciences Po. Ce média émerge en parallèle d'internet outre-Atlantique, comme se souvient le journaliste et réalisateur de documentaires Baptiste Etchegaray, qui est aussi du voyage « Elle écoutait avidement l'émission The American life (qui mêle reportage, documentaire et investigation ndlr), qui a donné lieu au podcast Serial. Elle avait une immense appétence pour la narration audio comme littéraire ».

Autre participante de ce semestre dans la plus ancienne faculté américaine de journalisme alors que Barack Obama bat la campagne pour sa première élection, Mélissa Bounoua. Elles reviennent amies en France. Et fonderont Louie Media après avoir passé quelques années à gravir les échelons chez Slate. Aujourdhui, elles se complètent au point que, pendant notre entretien, Charlotte Pudlowski envoie plusieurs fois un texto à sa cofondatrice pour lui demander son avis voire son aval. « Charlotte est quelqu'un qui doute et qui a une assurance folle à la fois », confirme Baptiste Etchegaray. Tout au long de notre échange, elle s'avoue « un peu torturée, enthousiaste, déterminée, créative et ambitieuse ». Un mélange savamment dosé qui donne un cocktail plein d'émotions... à retrouver dans Louie Media.

Parcours

1986. Naissance à Boulogne-Billancourt.

2007. Stage à la matinale de France Inter. Rencontre Mélissa avec laquelle elle partage un appartement dans le Missouri dans le cadre d’un semestre à l’étranger, pour l’école de journalisme de Sciences Po.

2016. Création de Transfert pour Slate.

2018. Lancement de Louie Media avec le podcast Entre.

2019. Lancement du podcast Émotions.

2020. Enquête sur l’inceste de sa mère dans Ou peut-être une nuit.

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