Tribune
Cookies first party, identification par login, ciblage par cohorte ou encore contextuel : avec l'entrée en vigueur des recommandations de la Cnil sur l'usage des cookies, les professionnels de la publicité digitale vont devoir trouver des alternatives pour cibler les internautes.

Il y a désormais près de trois ans, le RGPD s’imposait à l’ensemble des pays membres de l’Union Européenne. Si depuis lors nous avons vu fleurir une cohorte de pop-up de consentements sur l’intégralité des sites, force est de reconnaître que la plupart ne respecte pas le cadre légal fixé par la Cnil afin de vicier le consentement de l’utilisateur pour l’obliger à accepter le dépôt de cookies et, in fine, leur exploitation. A quelques jours de l’échéance fixée par la Cnil, les directions marketing sont en état d’alerte et une nouvelle ère de la publicité digitale semble émerger. En parallèle, Google vient de présenter le faire-part de décès des cookies tiers. Fort heureusement, des alternatives existent et ce qui était autrefois enterré au fond du jardin s’apparente désormais au futur (proche) de la pub.

Pour mémoire, le cookie tiers permet d’adresser chaque internaute via son device, ce pourquoi il est au cœur du mouvement de la personnalisation de la publicité qui a pris son essor à l’aube des années 2010. Bon nombre de professionnels du marketing digital se demandent ainsi comment nous pourrons travailler sans cookie. Et ils ont raison ! La capacité d’adresser des audiences basées sur des comportements ou attitudes risque de pâtir de cette réforme. Et si nous devons nous pencher sur le capping, la disparition du cookie tiers compliquera en effet la limitation du nombre d’affichages auprès d’une seule et même personne.

L’attribution, mais aussi la juste mesure de la contribution, devraient également battre de l’aile. Quant au post view, destiné à évaluer la contribution de votre mid-funnel à la mémorisation de vos campagnes, c'est-à-dire des prospects exposés susceptibles de s’intéresser à vos produits ou services, il vient ajouter une ombre au tableau. Sans cookie tiers, la mesure des KPIs de performance, l'enrichissement d’une database, la maîtrise du crosscanal, les opérations d’extensions d’audience, le ciblage des jumeaux statistiques ou encore la personnalisation de la publicité représentent autant de défis à surmonter pour les professionnels de la publicité digitale. Pour autant, le marketing digital n’a pas dit son dernier mot et il est possible de choisir d’autres chemins pour opérer une campagne et des ciblages.

Les nouvelles fondations de l’édifice de la publicité digital

Ne vous y trompez pas, aucune technologie ne délivre actuellement des fonctionnalités identiques au cookie tiers. Cependant, le chant du cygne du ciblage individuel via le cookie ne date pas d’hier. Firefox et Safari s’étaient déjà engouffrés dans la brèche et les professionnels du marketing digital ont su s’adapter. Notons cependant qu’avec plus de 75% de part de marché sur les OS mobiles et 60% sur les navigateurs, impliquer Google dans ce mouvement lui donne irrémédiablement plus de poids et ouvre la voie à d’autres stratégies laissées pour compte depuis des années, comme le login, le ciblage par cohortes ou encore le ciblage contextuel.

En parallèle, d’autres champs d’exploitation de la data devraient perdurer. D'abord les cookies first party, qui demeurent opérationnels. La conservation de la data avec consentement du consommateur ou encore les cookies de session pour identifier un même utilisateur restent d’actualité. Cela ne suffit bien naturellement pas à opérer une campagne d’envergure sur une constellation de sites, mais il est néanmoins important de le souligner. De plus, l’identification simple par login popularisée par les GAFAM pourrait émerger chez certains acteurs. Cette dernière a pour avantage d’autoriser l’accès de l’internaute à une multitude de services proposés par une seule et même entité et de simplifier le ciblage ou la mesure de son activité. D’autres jetteront leur dévolu sur le «single sign in» (identifiant mutualisé), une technique d’identification sur des plateformes communes. Enfin, les «solutions IDs» peuvent elles aussi linker cookies first party et login, au travers d’un «identifiant tiers».

Autre solution, l’avènement du ciblage par cohorte tel que présenté par Google pour le navigateur Chrome dans sa «Privacy Sandbox». Cette technique également appelée FLoC (Federated Learning of Cohorts) consiste à créer des segments d'audience en fonction des centres d'intérêt et conversions passées des utilisateurs. Concilier respect de la vie privée et performance ne semble donc pas impossible. Cette solution à mi-chemin entre le branding et les campagnes à la performance devrait alors combler les attentes de nombreux annonceurs. La firme de Mountain View annonce ainsi pouvoir mesurer les conversions et les attribuer au dernier clic ou à des impressions publicitaires.

Cependant, cette solution dans un écosystème ouvert (open internet) demeure difficilement applicable. Des tests grandeur nature devraient sous peu nous prouver ou non si cette alternative peut être crédible. Encore faudrait-il qu’elle soit réellement compatible avec le RGPD, et les dernières déclarations de Marschall Vale, monsieur Privacy Sandbox chez Google Chrome, laissent entendre que la solution sera en premier lieu testée aux Etats-Unis et seulement plus tard en Europe, comme l’indique un article d’Adexchanger.

Le retour du ciblage contextuel

Dernière possibilité, celle de se concentrer sur le contenu et l’environnement dans lequel la publicité sera diffusée, ce que l’on appelle communément le ciblage contextuel. Délaissé depuis de nombreuses années au profit de la granularité qu’offre le cookie, le ciblage contextuel a pourtant de beaux jours devant lui. Il permet de s’affranchir de la problématique de ciblage par cookie. De plus, les progrès de cette technique depuis l’avènement du simple ciblage éditorial permettent un ciblage d’une typologie de sites ou de rubriques en lien avec la campagne de l’annonceur.

Le ciblage au prisme d’un crawler identifiant les mots clés d’une URL offre ainsi davantage de précision. Mais nous pouvons aller désormais plus loin avec le ciblage sémantique dans une logique d’hyper-contextualisation. Ce dernier fonctionne en temps réel en s’appuyant sur une plus grande puissance de calcul pour dépasser la simple orthographe d’un mot et se recentrer sur le contexte de la page pour maintenir un niveau élevé des performances médias. Le media planning signerait-il ainsi son retour en force ?

Vous l’aurez compris, à date, aucune technologie unique de substitution n’a pu s’imposer pour remplacer le cookie mais ce dernier ne laisse en aucun cas place à un désert digital. Bien au contraire. Des solutions et des alternatives existent mais une question reste en suspens : comment trouver le juste équilibre entre la pluralité des acteurs (open internet), la performance des campagnes et la privacy ? Les professionnels du digital devront ainsi faire preuve d’entente, d’une agilité accrue et dans ce contexte transitoire, les agences media se voient jouer un rôle de conseil auprès des annonceurs encore plus essentiel.

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