Tribune
Alors que 97% de Français ont écouté des contenus en ligne en 2020, le digital audio – intégration de l’audio dans le digital – s’inscrit de plus en plus dans nos habitudes mais reste peu connu du grand public. En quoi consiste-t-il exactement et qu’est-ce que cette ruée vers l’audio révèle de notre époque et de nos habitudes ?

La musique sur internet a été démocratisée il y a plus de 20 ans par Napster, service de téléchargement musical gratuit, connu notamment pour ses déboires avec la justice pour non-respect des droits d’auteur. Après la décision de justice d’interdire son outil de téléchargement, Napster est devenu en décembre 2001 Rhapsody, le premier service de streaming en ligne, six ans avant Deezer et sept ans avant Spotify. Depuis, le streaming audio a pris le pas sur les services de téléchargement et 255 millions de personnes écoutaient de la musique en ligne début 2020, selon le Global Web Index. 67% des adultes écoutaient alors de la musique en streaming chaque mois.

En parallèle, le podcast s’est développé depuis le début des années 2000. Si le mot «podcast» n’est apparu qu’en 2004, le Français John Lang avait déjà créé sa série audio Le Donjon de Naheulbeuk en 2000. Gratuite pour «ne pas [se] faire racketter par la Sacem», elle a été écoutée par des milliers de fans.

Aujourd’hui, les formats audio digitaux sont nombreux. Streaming musical, podcast, radio en ligne, replay radio, livres audio, print to audio (conversion d’articles textes en audio)… Tous ces formats se sont peu à peu inscrits dans les habitudes des consommateurs du fait d’un nombre de productions exponentiel et des efforts de communication et de développement des acteurs du secteur.

Un format en constante croissance

Selon une étude Audion réalisée par Happydemics en avril 2020, 46% des auditeurs ont augmenté leur écoute sur le digital pendant le confinement. Aujourd’hui, 97% des internautes écoutent des contenus en ligne chaque mois, dont 90,9% écoutent du replay radio, 45,8% de la musique en streaming vidéo (type YouTube), 41,4% du streaming audio et 9,8% du podcast, selon l’étude Global Audio de Médiamétrie.

Pour répondre à la forte demande des consommateurs, de nombreux acteurs se sont lancés sur ce marché du digital audio. Les plateformes de streaming elles-mêmes acquièrent des sociétés spécialisées pour étendre leur domaine de compétence. Outre une plateforme de streaming audio, le Suédois Spotify est ainsi producteur de podcasts, studio et solution de création, d’hébergement et de monétisation. Il a dépensé plus de 800 millions de dollars depuis deux ans pour acquérir les sociétés spécialisées Gimlet et Parcast (production), Anchor (création) et Megaphone (monétisation), mais aussi des programmes exclusifs comme celui du prince Harry et Meghan Markle.

Pour les marques enfin, le digital audio permet d’atteindre un public connecté, captif et réceptif, et garantit une bonne performance grâce à l’usage de la donnée, aux possibilités de ciblage précis et aux technologies d’optimisation du spot selon le contexte de l’auditeur (DCO). D’où les récentes campagnes de N26, Audi ou Conforama, mais aussi du gouvernement français, sur ces formats, fuyant le display et la vidéo, qui pâtissent d’une surexposition publicitaire. D’autres comme Tinder, Hermes, Intermarché ou Ducros créent leur propre podcast avec le soutien de maisons de production.

Une consommation qui évolue

La croissance des audiences digitales est d’abord la conséquence d’une adéquation entre ces contenus et les styles de vie actuels. Accessibles partout facilement, ils peuvent être écoutés en parallèle d’autres tâches - trajets quotidiens, ménage, sport, récoltes (parce que le digital audio n’est pas réservé aux citadins !). Outre son accessibilité, l’audio apparaît aujourd’hui comme une alternative à l’omniprésence des écrans. Faute d’image, il stimule l’imagination et n’est pas aussi addictif que les écrans, dont l’impact est régulièrement critiqué, notamment sur les jeunes enfants.

Au contraire des écrans, dont la lumière bleue impacte directement le sommeil, l’audio permet d’accompagner l’endormissement, d’où un choix large de podcasts dédiés. Ce sont autant d’avantages qui ont poussé les parents à se tourner vers le podcast et les livres audio pendant le confinement pour occuper leurs enfants. Enfin, l’audio permet de se déconnecter des terminaux sans pour autant se couper du monde, et devient pour certains une vraie cure de désintoxication digitale.

Au-delà d’un phénomène de mode, le digital audio est donc la conséquence d’une société qui se tourne de plus en plus vers la voix. Aujourd’hui, 52% des Français préfèrent écouter un texte que le lire, selon une étude Audible. Des assistants vocaux (Siri, Alexa, Google Assistant) aux outils de conversion texte-audio (ETX Studio, Elocance, PrintAudio…), la voix prend une place de plus en plus prégnante dans le quotidien. Elle permet de simplifier, de rendre intuitives des tâches classiques comme le traitement de texte, l’information, l’organisation de son agenda… Même les plateformes qui ont fait fortune sur le streaming vidéo se lancent dans le divertissement audio, comme Amazon et Netflix. À vos écoutilles !

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