Sobriété

Les grands groupes médias et les principaux opérateurs télécoms se mobilisent pour répondre au plan de sobriété énergétique du gouvernement.

Le plan de sobriété énergétique du gouvernement, présenté le 6 octobre, a déjà sa traduction à travers un spot de campagne, signé Parties Prenantes : « Pour économiser l’énergie, on agit, on réduit – chaque geste compte. Je baisse, j'éteins, je décale ». Pour faire face à un risque inédit de pénuries d’électricité et de gaz cet hiver, et atteindre l’objectif de réduction de 10% de la consommation d’énergie en deux ans, chaque geste compte en effet et les entreprises sont toutes concernées.

S’ils ne sont pas - loin de là – les plus gros énergivores, les médias et les opérateurs télécoms sont néanmoins particulièrement mobilisés. France Télévisions, TF1, Altice Media et Radio France sont ainsi au cœur du dispositif Ecowatt de RTE, destiné à limiter le risque de coupure. En cas de pic de consommation, outre des efforts de pédagogie dans les journaux, un pictogramme orange ou rouge apparaîtra à l’antenne dans les bulletins météo (au vu de températures de l’hiver dernier, ce serait sur cinq ou six jours dans l’année).

Quant aux opérateurs, ils auront la tâche de diffuser des messages d’alerte à leurs abonnés comme de réguler leurs box : « Il existe aujourd’hui des box, des décodeurs qui se mettent en veille automatiquement mais tout cela n'est pas tout à fait uniforme, a expliqué le ministre chargé du numérique Jean-Noël Barrot sur Europe 1. Les engagements pris par le secteur, c'est soit pour les box existantes déjà installées de faire une mise à jour qui permette cette mise en veille de manière un peu plus systématique, soit, pour les nouvelles box qui seront distribuées (...) que cette mise en veille soit installée par défaut ».

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Nicolas Chatin, directeur de la communication d’Altice France, rappelle que « ce ne sont pas les télécoms qui représentent moins de 1% de la consommation d’énergie qui font exploser la facture». Pour lui, les trois dernières générations de décodeurs TV de SFR, soit la grande majorité du parc de SFR, se met déjà automatiquement en veille au bout d’une heure, ce qui permet d’économiser 90% de la consommation. Il s’agit donc d’achever ce travail. Mais « de quel droit », demande-t-il, couperait-on les box à distance la nuit alors qu’elles permettent le maintien de la vidéosurveillance ou de la domotique et que la coupure du wifi est accessible à chacun ?  En parallèle, SFR effectue une revue des paramétrages de son réseau mobile afin de diminuer sa consommation en fonction du trafic, et table pour ses datacenters sur la réduction de la climatisation et un réaménagement des équipements.

A Orange France, Gaëlle Le Vu, sa directrice de la communication et RSE, souligne qu’il faut « à la fois faire des économies en volume et amoindrir la puissance au moment des pics ». D’où des opérations dites d’ « effacement » qui consiste à basculer les équipements du réseau fixe sur des batteries en cas de besoin.  Objectif : réduire de 10% l’appel de puissance instantanée pendant une heure par jour. Sur la TV d’Orange, on retrouvera aussi la météo de l’électricité avec Ecowatt et, dans les zones orange et rouge, des SMS seront envoyés pour sensibiliser aux écogestes (éteindre la box, passer en wifi à domicile, activer le mode veille de la livebox et des décodeurs TV). Mais la gestion des pics ne peut-elle pas se faire au détriment du bilan carbone ?  « Si on bascule tout sur un groupe électrogène qui recrache beaucoup de C02, je ne suis pas sûre qu’on soit gagnant, mais cela n’est pas pérenne », reconnaît la dirigeante.  D’où la nécessité d’inclure le plan de sobriété dans un projet global basé sur le recyclage, des datacenters plus performants, l’extinction des éclairages des boutiques après fermeture, etc.

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Côté médias, Altice annonce que ses chaînes «  feront une large place à la pédagogie pour favoriser la sobriété énergétique ». Avec des cartes de France dédiées aux alertes RTE et GRTgaz, des reportages et des interventions des spécialistes météo ou environnement, BFM TV entend renforcer son engagement. Elle aura parallèlement ses chroniques « Ma vie en vert » ou « C’est votre planète », « Le Live » de Roselyne Dubois ou un docu-fiction évènement le 7 novembre. Chaque chaîne régionale de BFM proposera aussi « Le geste qui sauve la planète ».

Le service public se doit d’être exemplaire. Outre les mesures de réduction de la température à 19 degrés, chaque groupe a peaufiné son plan. Radio France a ainsi décidé l’extinction des éclairages non indispensables et de son enseigne lumineuse après 21 heures ainsi qu’un bannissement des avions pour les trajets de moins de 3h30, ce qui n’est pas sans impact sur l’organisation, comme le rappelait Xavier Domino, son secrétaire général, dans Stratégies du 22 septembre : « les interviews à distance sont encouragées même si c’est moins vivant ».

A France Télévisions, où les bureaux non utilisés sont éteints après 21h30, on accompagnera l’éco-responsabilité des producteurs, à laquelle seront désormais liées des aides du CNC, chacun devant établir un bilan carbone. Cela poussera à la relocalisation des tournages comme à Vandargues où est tourné Un si grand soleil. Pour les retransmissions sportives, le groupe discute aussi avec les fédérations d’un moindre éclairage et à des dispositifs avec un peu moins de caméras. « Il faut qu’on arrive à réfléchir à la sobriété et c’est peut-être au détriment d’une qualité qu’on avait jusque-là », reconnaît Christophe Tardieu, secrétaire général du groupe. Mais il s’agit aussi de marquer des choix éditoriaux en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique et la sobriété. D’où une soirée événement « Aux arbres citoyens » avec Léa Salamé, Hugo Clément et Cyril Dion, et surtout la création d’une équipe dédiée aux questions environnementales avec quatre journalistes et un rédacteur en chef, Michel Dumoret, chargés de créer des pastilles ad hoc dans les JT. « On voit bien que le sujet n'irrigue pas assez nos rédactions, il faut des spécialistes qui peuvent être utilisés aussi comme experts », ajoute Christophe Tardieu.

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A TF1, une feuille de route « climat » a été présentée le 27 septembre. Outre le dispositif d’alerte dans les bulletins météo, Thierry Thuillier, directeur général de l’information, a mis en avant un comité d’experts, un plan de formation sur des nouveaux récits à travers la « fresque du climat », de la réalité augmentée pour illustrer l’avenir de la planète, une opération spéciale autour du 20h mobilisant les monuments nationaux et surtout un baromètre pour favoriser la multiplication des sujets. Mais pas question pour lui de créer un service dédié : « Nous n’y sommes pas favorables, dit-il. Il faut essaimer dans toutes les rédactions pour que ce sujet soit naturel et pas simplement une affaire de spécialistes ». A travers « le 20 heures vous répond », l’accent sera mis sur « l’écologie du quotidien », incluant des conseils sur les prêts, l’électro-ménager ou le chauffe-eau. Les écogestes plutôt que ce qui est perçu comme du militantisme sur l’urgence climatique [TF1 ne signera pas la Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence climatique, déjà approuvée par 1300 journalistes] .

L’Union de la publicité extérieure, enfin, dit vouloir respecter en deux ans l’objectif gouvernemental de réduction de 10% de la consommation énergétique (par rapport à 2019). Elle a mis en ligne, en mars, un calculateur permettant de mesurer les émissions de CO2 des campagnes de publicité extérieure print et digitales sur l’ensemble du cycle de vie des mobiliers.

Alors que vient de paraître au JO un décret interdisant les publicités lumineuses entre 1h et 6h du matin en 2023 (y compris pour les villes de plus de 800.000 habitants), il s'agit de mettre en oeuvre la réduction de la consommation des dispositifs lumineux grâce aux éclairages LED et des publicités numériques via le remplacement progressif des mobiliers par des dispositifs plus performants. Un investissement sera fait pour des publicités lumineuses programmées à distance pour permettre l’extinction de 1 heure à 6 heures. Seront aussi développées la part d’électricité d’origine renouvelable pour les contrats gérés en propre et les véhicules alternatifs au thermique. Les supports de l’UPE feront aussi la promotion des gestes éco-responsables.

Vivendi face à un chantier protéiforme

Comme beaucoup d’entreprises, Vivendi voit dans le plan de sobriété « l’occasion d’accélérer la réduction de [son] empreinte carbone », comme dit sa directrice juridique, compliance et RSE Caroline Le Masne de Chermont, qui constate « une énorme adhésion » aux écogestes des salariés, réunis dans des « teams » spécifiques dans toutes les entités du groupe (Canal+, Havas, Editis...). Sur les bâtiments, la diminution d'un degré l'hiver et une hausse d'un degré l'été vise à répondre aux efforts demandés. Des lampes Led permettent de diminuer de 85% la consommation électrique de L'Olympia. L'éclairage par capteur de présence ou des stores automatisés comme au nouveau siège éco-responsable de Canal, à Issy les Moulineaux, jouent aussi leur rôle. La nouvelle génération des décodeurs Canal+, qui terminera son déploiement en 2023, permet de réduire de 65% la consommation d’énergie. Là aussi, il s’agit de minimiser l’impact des tournages en privilégiant l’approche locale. Canal + sera aussi concernée par l'objectif du gouvernement de réduire de 30 à 50% l'éclairage des compétitions de foot ou de rugby. Côté Havas, les pitchs à distance ont permis de réduire les déplacements professionnels. Entre 2019 et 2021, la consommation d’énergie de Vivendi à baissé de 7%. « On va poursuivre cet effort », souligne la dirigeante, qui rappelle que les critères RSE sont dans le bonus des dirigeants.

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