Dossier Média TV

Si les régies télé et les acheteurs jonglent depuis un certain temps avec les données pour optimiser les campagnes, l’arrivée de la publicité segmentée opère une petite révolution dans l’achat média en télévision. Désormais, les campagnes pourront être construites sur les données réelles des téléspectateurs et non plus sur des études statistiques.

La data est-elle le nouvel eldorado de l’achat média ? L’utilisation de grandes quantités de données (ou big data) n’est pas nouveau en télévision. Depuis des années, les régies publicitaires proposent des cibles « améliorées » par la data. « La data est au cœur des enjeux de l’achat en télévision depuis une dizaine d’années », rappelle Corinne Abitbol, marketing science managing director à Omnicom Media Group. Ainsi en 2015, TF1 Pub proposait l'offre One data, qui mesurait les effets de chaque spot sur le trafic des sites internet ou sur la fréquentation physique en magasin. Une solution qui permettait notamment de programmer une campagne à un coût GRP data garanti. Plus récemment, M6 s’est allié avec RelevanC (filiale data du groupe Casino, qui dispose de données sur 33 millions de consommateurs français), permettant aux annonceurs d’adresser en télévision les cibles data acheteurs.

Données déterministes

Toutefois, avec l’autorisation de la publicité segmentée depuis août 2020, l’achat média en télévision entre de plain-pied dans l’ère de la data. La possibilité de remplacer un spot par un autre de façon totalement invisible pour le téléspectateur repose sur une petite révolution. Avec l’arrivée de la publicité segmentée, la data permet de cibler très précisément la population visée en tenant compte des caractéristiques réelles du foyer fournies par les télé-opérateurs, et non plus sur la base d’études statistiques basées sur des probabilités. Exit les données probabilistes, place aux données déterministes, clament les spécialistes. « La publicité segmentée a été un véritable coup d’accélérateur à l’utilisation de la data dans l’achat en télévision, reconnaît Thomas Luisetti, directeur de la stratégie numérique et de l’innovation de FranceTV Publicité. La télévision segmentée permet l’adressage exclusif d’une population. Et le fait de pouvoir adresser exclusivement une population permet d’avoir un ticket d’entrée bien moins élevé pour les annonceurs. »

L’autorisation de la pub segmentée permet à la télévision d’offrir ce que de nombreux responsables de régies TV qualifient du « meilleur des deux mondes » : la puissance et la qualité de l’environnement éditorial de la télévision, associées à la possibilité pour un annonceur de décliner ses spots à l’envi en fonction des cibles visées et des données recueilles par les boxs des opérateurs. « La data et la plateformisation de nos inventaires permettent à la télévision de se réinventer face au digital, se réjouit encore Thomas Luisetti. Pour concurrencer Google ou Amazon, il faut non seulement des données déterministes mais aussi qu’un maximum d’acheteurs puissent lancer des campagnes avec des outils accessibles et faciles à utiliser. »

Géolocalisation

« La télévision a toujours été le meilleur média pour travailler l’image ou la marque mais, dans une économie fortement chahutée, de plus en plus d’annonceurs sont en recherche de résultats de performance à très court terme », constate de son côté Emmanuelle Godard, digital marketing & innovation director chez Canal+ Brand Solutions. « La pub segmentée et la data permettent aux marques de combiner ces deux enjeux », résume-t-elle. « La TV segmentée est aussi une solution 100 % hexagonale qui montre que les acteurs français sont capables de proposer une alternative innovante face aux Gafam », se félicite quant à elle Corinne Abitbol chez Omnicom Media Group.

L’une des principales utilisations de données en TV segmentée repose sur la géolocalisation des foyers cibles. Les annonceurs peuvent désormais communiquer sur le petit écran sur un bassin de population couvrant une zone de chalandise de l’un de leurs magasins. Selon les régies, 40 % à 60 % des campagnes diffusées en TV segmentée sont basées sur la localisation géographique du foyer visé. « La géolocalisation permet à de grands annonceurs de différencier leurs messages en fonction des produits disponibles ou des ventes », rappelle Thomas Luisetti chez France TV Pub. « Mais l’utilisation de données géographiques permet surtout aux petits annonceurs locaux d’avoir accès à la pub TV car le ciblage permet de faire baisser considérablement le ticket d’entrée. »

La plupart des offres de pub segmentée en télévision sont proposées entre 5 000 et 20 000 euros. Les régies TV diversifient ainsi considérablement leur portefeuille de clientèle. Pour développer ce segment de clientèle, TF1 Pub a ainsi signé un accord de partenariat avec Leboncoin, permettant aux équipes commerciales du site d’annonces de proposer à leurs clients des spots TV géolocalisés. Grâce à cet accord, l’intégralité des nouveaux clients ainsi recrutés n’avaient jamais communiqué en télévision.

Offre programmatique

Mais la révolution ne fait que commencer. 2021 était encore une année transitoire pour la pub segmentée, les opérateurs étant encore en phase de MVP (minimum viable product) jusqu’à septembre et ne pouvaient diffuser qu’un seul spot segmenté par écran et pas en prime time. La pub segmentée va intégrer progressivement l’offre en programmatique. Après M6, qui propose de la TV segmentée en programmatique depuis octobre 2021, TF1 devrait permettre d’acheter ce type d'offres de façon automatisée pour le début du deuxième trimestre 2022.

Enfin, les régies TV vendent aux annonceurs la possibilité d’« onboarder » leurs clients, c’est-à-dire d’« embarquer » les données issues de leur CRM dans les outils de pilotage des campagnes. C’est déjà le cas chez Altice Ads & Connect, qui propose une offre « exclusive » d’onboarding de données depuis le lancement de son offre de publicité segmentée en mars 2021.

Au-delà de ces évolutions technologiques, reste encore à harmoniser les indicateurs. « L’harmonisation des mesures [notamment le CPM] reste le gros chantier à venir », constate Sylvie Le Clech, directrice associée de l’agence Dentsu X. « L’enjeu étant de pouvoir travailler des stratégies cross-médias avec une mesure unifiée. »

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