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En signant un accord de négociations exclusives avec le groupe Vivendi, le propriétaire de CMI France Daniel Kretinsky est en train de reconstituer un petit empire dans l’imprimé.

Jean-Clément Texier, ancien banquier et président de la compagnie financière de communication, voit en lui « le fils indirect de Jean-Luc Lagardère » capable de recréer en France un empire de la presse et de l’édition qui va peser plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Jérôme Lefilliâtre, journaliste à Libération, le décrit dans sa biographie Mister K (Seuil, mars 2020) comme un « industriel tchèque aux tendances climatosceptiques et proche de la droite conservatrice » qui a été profondément blessé, en 2018, de voir son nom « associé à une menace planant sur l’indépendance du Monde » alors même qu’il fustige tous les populismes.

Depuis le 14 mars, Daniel Kretinsky est entré en négociations exclusives pour reprendre à Vivendi (face à Québecor) 100% d’Editis et ses 53 maisons d’édition (Robert Laffont, Plon, Julliard, Belfond, Nathan, Bordas, Le Robert ou Pocket). Coactionnaire du groupe Le Monde, Daniel Kretinsky possède aussi CMI France et à travers lui Marianne, Elle, Télé 7 Jours, Version Femina, Public, Art & Décoration ou encore Usbek & Rica et la chaîne B Smart (à 50%). En septembre dernier, il a injecté dans Libération 14 millions d’euros en prêts (et 1 million dans son fonds de dotation) qui fait de lui le gérant et le financier du journal. Il possède aussi plus de 5% de TF1 et 20% de Fnac-Darty.

Que vient-il faire dans les livres ? Sans doute, réussir une acquisition dans les contenus tout en marquant l’establishment français d’une nouvelle empreinte. « L’édition est peut-être encore mieux que la presse, cela donne énormément d’influence, de poids et cela valorise l’ego, réagit Jérôme Lefilliâtre, mais lui se voit plutôt comme un homme d’affaires européen. »

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L’entremise de Denis Olivennes, qui lui avait déjà apporté Marianne et les magazines de Lagardère, tout en l’incitant à investir dans Libé, s’avère donc clé. C’est lui qui l’a convaincu de débourser 700 millions d’euros pour mettre la main sur un actif qui est sans doute une opération prometteuse, Vivendi venant de déprécier dans ses comptes 300 millions d’euros pour ce groupe acheté 829 millions d’euros, compte tenu de ses pertes de parts de marché dans l’édition scolaire et la littérature, et du recul de son chiffre d’affaires en 2022 (8,1%, à 789 millions d’euros en 2022). « C’est une bonne affaire, avec des perspectives, confirme Jean-Clément Texier, le bloc est solide même s’il a été affecté par la hausse du coût du papier et la baisse du scolaire. Mais ce sont des maisons reconnues et tôt ou tard des cash-flows réguliers reviendront avec les livres scolaires. »

Pour Bruxelles, qui ne voulait pas d’une cotation-distribution qui aurait permis de céder moins de 30% du groupe pour introduire le reste en Bourse et de mieux préserver les intérêts de Vivendi, Daniel Kretinsky présente un avantage. S’il n’est pas jusque-là présent dans l’édition, il est en mesure de peser face à Hachette, dont la position de leader sortira renforcée par des synergies avec Canal+, Havas et Prisma. Pour l’heure, le Tchèque ne verrait pas trop les rapprochements à engager entre la presse et l’édition, en dehors des achats. Denis Olivennes a sans doute une idée plus précise.

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